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Faut-il choisir entre la foi et la raison ?

Publié le 26/01/2004

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B. D'une confrontation de conceptions, on peut alors passer au problème de la coexistence (pacifique ou conflictuelle ?) de la raison et de la foi, entendues comme deux facultés présentes dans un même individu.Comment s'articulent-elles ? Est-ce que la foi relaye et supplée la raison quand celle-ci ne peut plus rendre raison de la réalité (« Dieu sensible au coeur, non à la raison », écrit Pascal) ? L'individu croyant est-il déchiré entre les exigences d'un calcul rationnel et la vocation à s'abandonner gratuitement à la cause de son dieu ? La foi contient-elle des énoncés ou des prescriptions qui heurtent directement l'exercice de la raison ?Mais on peut également faire l'hypothèse que le fidèle d'une religion puisse s'aider de la raison dans sa démarche de foi : un peu de science, dit-on, éloigne de dieu : beaucoup y ramène. Saint Anselme (Xle siècle) est l'auteur d'un traité intitulé La foi qui cherche l'intelligence et médite « sur la raison de la foi » « de ratione fidei ». Il développe la conception de Saint Augustin : croire pour comprendre, et comprendre pour mieux croire.

« (Gai savoir, § 344, « En quel sens nous aussi sommes encore pieux »).

Le culte du vrai, de l'universel, de l'ordrecosmique, la récapitulation du divers dans l'Un ne sont-elles pas des succédanés de religion ? A l'âge du positivisme,la science ne donne-t-elle pas le modèle d'ordre et de progrès d'une « religion démontrée », la « religion del'Humanité » ? C'est encore cette mystique rationnelle qui déchaînait l'ironie de Marx contre Hegel.

Si la penséediscursive est selon Platon « un dialogue silencieux de l'âme avec elle-même », la foi n'est-elle pas l'irruption dans cemonologue d'un interlocuteur, mon prochain, l'autre, ou le Tout-Autre ? Quel rapport à autrui instaurent la raison etla foi ? C.

Enfin il serait dommage qu'une réflexion sur les rapports de la raison et de la foi n'examine pas la question auniveau institutionnel.

C'est la question de la laïcité.Les normes de la décision collective et de l'action publique sont-elles accessibles à la raison humaine? Sont-ellessuffisantes pour garantir le minimum de respect et de solidarité dû à chaque personne ? Car enfin, la raison, réduiteà un instrument de calcul et de raisonnement sur l'efficacité des moyens peut produire le pire : l'organisationparfaitement rationnelle des camps de travail ou d'extermination — nazis, soviétiques, khmers, la liste n'estmalheureusement pas close — en est l'illustration funeste.

Comme instrument, la raison peut-elle déterminer desnormes éthiques ? Ces normes seront-elles universelles, ou seulement relatives à une époque et une culturedonnées ?Le fondement de la vie collective peut-il se passer de la représentation d'un dieu, ou en tout cas d'un principetranscendant, qui fonde des « droits naturels, inaliénables et sacrés » (Déclaration des droits de l'homme et ducitoyen, Préambule) ? De nombreux textes constitutionnels en vigueur dans les pays anglo-saxons font référence àune source divine de l'égalité et de la justice (« We hold this truth to be self evident that all men are created equal,that they are endowed by their creator of certain unalienable rights »; Déclaration de 1776).

Mais la coopérationd'une certaine foi avec la raison politique ne doit pas entraîner de confusion (« Rendez à César ce qui appartient àCésar, et à Dieu, ce qui est à Dieu », dit le Christ).

Autrement, on encourt le risque de la théocratie, qui confond lesactes d'un gouvernement avec des commandements divins, et dont certaines tendances de l'Islam, mais aussi duJudaïsme et du Christianisme, ne sont pas exemptes.L'État a-t-il intérêt, par calcul, à protéger l'exercice des religions, dans la mesure ou leur vocation universelle seraitd'interdire le meurtre et l'appel au meurtre? Voltaire disait plaisamment : « Je veux que mon valet, mon procureur,ma femme croient en Dieu; j'imagine que j'en serai moins volé, moins trompé, moins cocu ».

La foi religieusefonctionne alors comme garde-fou moralisateur, et rappelle la dimension sociale et collective de toute religion, quirelie les hommes entre eux autant sinon plus qu'elle ne les relie à Dieu.

Mais si cette foi n'est qu'un rite arbitraire,avec ses prescriptions et ses interdits sans autre fondement que leur utilité sociale, qu'est-ce qui garantit sonrespect? Suffit-elle à inciter les citoyens au respect mutuel et à la solidarité, dans un climat de désaffection del'intérêt général, de crise ou de panique?L'enrôlement du surnaturel au service de la politique (« Gott mit uns ») a laissé dans l'Histoire des tracesmeurtrières.

Plutôt que de chercher à s'approprier une source transcendante de la paix et de la justice, la tâche dela raison est peut-être de définir les conditions dans lesquelles se réalise le mieux le respect inconditionnel dû àchaque vie humaine.

La raison, en ce sens, c'est la foi dans l'homme. CITATIONS: « Crois et tu comprendras; la foi précède, l'intelligence suit.

» Saint Augustin. « Le coeur a ses raisons, que la raison ne connaît point.

» Pascal, Pensées, 1670 (posth.) « La conduite de Dieu, qui dispose toutes choses avec douceur, est de mettre la religion dans l'esprit par lesraisons, et dans le coeur par la grâce.

» Pascal, Pensées, 1670 (posth.) « Si la raison est un don du ciel, et que l'on en puisse en dire autant de la foi, le ciel nous a fait deux présentsincompatibles et contradictoires.

» Diderot, Addition aux Pensées philosophiques, 1762. « Douter ou philosopher, aux yeux de la religion, c'est se placer volontairement dans la disposition prochaine dene plus croire.

» Proudhon, De la Création de l'ordre dans l'humanité, 1843.. »

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