Faut-il être savant pour être heureux ?

« - Pour Descartes, (3 ème partie du Discours de la méthode ) la meilleure des vies humaines est celle-là : s'employer toute sa vie à cultiver sa raison ets'avancer le plus possible vers la vérité suivant la méthode qu'il s'est prescrit.Il y voit une immense satisfaction qui seule suffit à « remplir l'esprit plus quetout autre délice ».- Hegel, quant à lui, considère que la jouissance oisive ne peut donner àl'homme la satisfaction complète et définitive, car elle reste purementsubjective et n'a pas de vérité, de réalité objective révélée à tous.

Vouer savie au plaisir, c'est aussi renoncer à créer quelque chose de stable, dedurable en dehors de soi, et ne pouvoir donc surmonter son angoisse de lamort.

C'est en accédant à la connaissance, en devenant savant, que l'on segaranti davantage d'une assurance, et que l'on est plus en mesure d'êtreheureux.

Ce savoir est une force, il nous donne des clés de compréhension,d'intelligibilité, il nous arme contre le monde et nous prédispose au bonheurdavantage que l'ignorant qui conduit sa vie sans règles ni directions, et courtle danger de s'égarer.

L'ignorance engendre l'angoisse, et donc le malheur,tandis que le savoir donne de l'assurance, des certitudes, qui conduisent à lastabilité et au bonheur.

3ème partie : On peut être savant et malheureux. - Platon, dans le Gorgias , affirme qu'une vie réglée contente et satisfaite de ce que chaque jour lui apporte est préférable à une existence inassouvie et sans frein.

Il condamne ici le plaisir recherché par l'homme, qui ne peut quele mener à sa perte car il n'est jamais assouvi et alimente au contraire le désir.

L'homme qui recherche le plaisir estcomparable à un tonneau percé qu'il faudrait constamment remplir : à peine satisfait, le désir renaît et avec lui lasouffrance.

On pourrait comparer cette aspiration vicieuse au plaisir avec le désir de connaissance inhérent àl'homme.

Plus l'homme accède au savoir, plus il désire en savoir davantage.

En outre, plus il sait de choses, plus ils'aperçoit de l'étendue de son ignorance, et cela engendre la souffrance de ne jamais pouvoir satisfaire sa curiosité,son désir de connaissance.Kant explique dans la Critique de la raison pure que la raison humaine est immanquablement portée vers des questionnements qu'elle ne pourra jamaisrésoudre, elle cherche à dépasser les limites de la connaissance possible, ellese berce de l'illusion que le savoir absolu, inconditionné, est possible, maisjamais l'homme le plus savant qu'il soit ne résoudra les questionsmétaphysiques sur l'existence de Dieu ou l'immortalité de l'âme.

Ainsi, on peutavoir l'impression que plus l'homme est savant, plus il peut être malheureux,car il mesure alors ses limites à accéder à la connaissance.

L'hommeabsolument ignorant ne connaît pas ce « manque » de savoir, ce désir deconnaissance, car il n'y a pas goûté.- On peut penser que tout n'est pas bon à savoir.

On s'aperçoit dans la viequotidienne que toute vérité n'est pas bonne à dire, et que parfois il vautmieux ne pas savoir ce qui pourrait nous blesser inutilement.

Pascal, dans cesPensées , le formule ainsi : « si chacun savait ce que les autres disent de lui, il n'y aurait plus quatre amis sur terre ».

De même que nous apporte de savoirque notre parent malade va mourir dans quatre mois ? Ne serions-nous pasplus heureux en restant dans l'ignorance de cette certitude, qui nous permetalors de garder espoir ?Pire encore est la situation du savant « seul contre tous ».

Copernic fut bienmalheureux de savoir avant ceux de son siècle que la terre tournait autour dusoleil, car personne n'a accepté sa théorie, qui remettait en cause la visionhéliocentriste de l'époque et scandalisait l'opinion du peuple.- Le savant ne vise pas le bonheur, mais la vérité.

La vie quotidienne du savant est d'ailleurs une vie laborieuse, etle savoir ne s'acquiert pas sans efforts.

Conclusion : On peut penser de prime abord que la connaissance n'est pas un critère essentiel et indispensable à une vieheureuse.

L'exemple de «l'imbécile heureux » serait la preuve que l'ignorance nous assure la quiétude dans lasatisfaction simple des besoins les plus primaires.

Néanmoins, une telle vie serait semblable à celle des bêtes, etparce que l'homme est doué de raison, il a de plus hautes aspirations vers le savoir, et trouve alors dans laconnaissance un bonheur bien plus grand.

Le véritable bonheur serait donc celui du savant, qui est assuré de sescertitudes, et qui comprend les choses qui l'entourent, et s'en trouve dans une plus grande harmonie avec lui-mêmeet le reste du monde.

Tandis que le fou vit dans le flou de ses croyances, le savant est en mesure d'expliquer cequ'il vit, ce qu'il voit, et s'en trouve supérieur.

Et pourtant, cette supériorité n'est pas toujours garante de bonheur,car la vérité est parfois douloureuse, difficilement acceptable.

En outre le savant est contraint par l'exigence de lavérité, et sans cesse frustré de son manque de connaissance et de son désir de savoir jamais assouvi.

Si êtresavant peut rendre heureux d'un bonheur supérieur à celui de l'ignorant, on comprend alors que cela ne suffit pas au. »