FAUT-IL PRIVILEGIER LA RAISON ?

THÈSE Pour le courant dominant la philosophie occidentale, la raison n'est pas une simple caractéristique parmi d'autres de l'être humain. C'est au contraire son essence même, c'est-à-dire : - ce qui définit l'homme en propre, ce qui fait sa marque distinctive (notamment par rapport à l'animal) ; ce sans quoi l'homme cesse d'être un homme ; - ce qui fait la grandeur et la valeur de l'homme ; ce sans quoi l'homme ne mérite plus d'être appelé un homme. PRÉSUPPOSÉ Pareille thèse présuppose que l'humanité n'est pas donnée à l'homme (espèce, société ou individu), qu'il lui faut au contraire l'acquérir et la conquérir, mais aussi la préserver. Et la raison est à la fois le moyen et le but de cette quête incessante de sa propre humanité par l'homme. Autrement dit, la raison est ce qui permet à l'homme d'accéder à son humanité en même temps que ce qui constitue son humanité. CONSÉQUENCE Dans cette perspective, il n'est point de salut pour l'homme hors de la raison : seule la raison peut permettre à l'homme de s'accomplir comme être humain, et en dehors d'elle l'humanité ne peut que connaître le malheur sous toutes ses formes : la misère, l'asservissement, la déchéance, la barbarie, etc. Comme le disait le peintre espagnol Goya (1746-1828) : Le sommeil de la raison engendre des monstres . Et la philosophie n'aurait alors d'autre but que de rappeler l'homme à la raison : - lui rappeler qu'il est essentiellement un être rationnel et qu'il doit vivre (penser et agir) en conséquence ; - combattre toutes les formes de misologie (de haine de la raison) et d'irrationalisme. LIMITE Cependant, si l'homme est essentiellement un être rationnel, il n'est pas qu'un être rationnel : la raison se conquiert sur un fond d'irrationalité. Dès lors, quelle place faut-il accorder à l'irrationnel en l'homme ?