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FIN DES TERROIRS - TRIOMPHE DES VILLES

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Dans les pays industrialisés, l'abandon des campagnes et le déplacement vers les villes a été une réalité constante et générale à partir de la seconde moitié du xixe siècle. Cet exode s'explique par deux séries concomitantes de causes. Causes économiques d'abord : des milliers de petits paysans ruinés par les transformations structurelles de l'agriculture ont dû trouver refuge aux bourgs qu'ils ont contribué à grossir aux dimensions de villes, ou, plus encore, ont formé des bataillons de travailleurs industriels, main-d'oeuvre facilement exploitée pour les besoins du capitalisme triomphant. Facteurs psychologiques ensuite : l'attrait pour le phénomène-ville, dans le même temps, a puissamment joué en faveur du mouvement. C'est surtout cette série de causes qui doivent être mises en lumière dans la classe de français. Par-delà les regrets passéistes qu'alimente une certaine mode rétro, la nostalgie du vécu paysan, dont, avec le recul, on ne considère que les beaux côtés, par-delà la tentation permanente, mais vite lassée du retour à la terre, il reste que le phénomène urbain constitue la réalité quotidienne pour une majorité de jeunes Français. Notre rapport à la ville doit donc être interrogé avec soin. Que nous apporte la ville? De quoi nous prive-t-elle? Comment nous repérons-nous dans son tissu? Cet état des lieux doit être fait, si possible du point de vue de l'usager que nous sommes tous (donc sensibilisés aux problèmes majeurs que pose l'urbanisme contemporain). Enfin, qu'en pensent nos grands écrivains, en particulier ceux dont l'observation s'est aiguisée au contact direct de ces transformations, c'est-à-dire les poètes et les romanciers du XIXe et XXe siècles pour l'essentiel ?

« 2.

La tentation de la ville Le mythe de la ville s'est alors imposé aux campagnards.

La progression rapide de l'aphabétisation et du savoir — àlaquelle ont puissamment contribué les instituteurs de la IIIe République — a achevé de rendre la ville "lisible" auxyeux des ruraux.

Les codes urbains — modernité, permissivité, culture, etc.

— sont devenus plus attractifs que lesanciens référents de la campagne aussi ancrés soient-ils (comme lire le temps qu'il fera dans le ciel, se soigner àl'aide de plantes, vivre à l'air libre, etc.).Ces rapports-là sont de l'ordre de la fascination, ils ne s'expliquent pas en termes rationnels, économiques oupolitiques.

La ville s'est d'abord présentée aux hommes habitués aux champs sous la forme de signes, d'images dedésir.

Tel colporteur, s'aventurant dans les cantons les plus reculés, avec ses objets manufacturés, ses magazinesde mode — on a réalisé l'année dernière sur ce sujet un beau film La trace — a plus fait pour attirer les paysans à laville que les plus sévères crises agricoles.

Le renversement s'est opéré en trois ou quatre générations, soit 80-90ans (1870-1960), c'est-à-dire très rapidement au regard des siècles d'histoire paysanne qui sont derrière nous. La terre comme paysage et décorCe changement brusque et total est-il définitif? Nul ne se hasardera à l'affirmer.

La tentation d'un retour auxsources existe aussi chez les citadins.

Mais cette attitude doit être soigneusement interrogée.

Dans la décennie1965-1975, un mouvement d'une certaine ampleur a poussé certains jeunes citadins — en majorité des intellectuels— à renouer avec la vie paysanne, par refus de l'inhumanité des villes.

Leur nostalgie était d'autant plus forte qu'ilsavaient connu dans leur enfance les derniers feux de la vie rurale.

Mais leur attitude ressemblait plus à une fuitequ'à un authentique désir d'existence paysanne.

Cette fuite devint une mode alimentée par certains refusidéologiques radicaux.

Ils rentrèrent dans le rang, souvent déçus par l'incompréhension que leur témoignèrent leshabitants du terroir (le numéro 14 de la Revue Autrement, juin 1978, donne de bons témoignages sur cephénomène). Une nouvelle appropriation de l'espace rural est née La terre est devenue la campagne, lieu de repos ou de loisirs,où fleurissent les résidences secondaires et les équipements touristiques.

L'émotion paysagère consacre l'abandonde l'esprit de terroir.

La vie paysanne se survit dans l'existence des citadins à titre de décor.

On ne cultive plus laterre, on jardine dans des fermes d'opérette l'espace d'un été.

Comme l'écrit A.

Sauvy dans Croissance zéro « L'idéeséduisante de retour à l'état naturel, à une vie végétale, ne dure guère qu'un été et d'une façon très relative ».Les fausses fermes normandes construites à la chaîne ou les chalets savoyards montés en kit confirment cetteappropriation différente de l'espace rural.

On ne respecte plus la nature.

Des spécialistes se préoccupent d'instaurerun nouvel équilibre entre la ville et la campagne.

Des aménageurs du territoire, des architectes, des sociologuess'émeuvent de la dégradation du paysage et de l'habitat rural; ils tentent de recréer cette harmonie profonde quiexistait entre le paysan et son environnement, mais l'unité semble bien être perdue à jamais dès lors que la fonctionpremière de la terre — la fonction nourricière — n'est plus perçue directement.

D'autre part, le mode d'approche desplanificateurs — souvent intellectuel et esthétisant — se heurte à la fois aux résistances de l'individualisme et auximpératifs de la standardisation industrielle (le même modèle de résidence secondaire partout en France).

Sansparler de la dégradation que les loisirs de masse font subir à une nature jusque-là préservée. II.

Le phénomène-ville Actualité de la questionLe problème du rapport de l'homme à la ville a fourni une bonne demi-douzaine de sujets depuis 10 ans; c'est unsigne qui ne trompe pas; les problèmes urbains sont l'un des points chauds de notre existence sociale.

Le lycéendoit être capable, en fin d'études secondaires, de réfléchir personnellement sur cette question.

Plusieursinterrogations peuvent se présenter :— Qu'est-ce qu'une ville, à partir de quel moment existe-t-elle?— Quels bénéfices le citadin tire-t-il de la ville? Ce bénéfice est-il le même dans tous les milieux?— Quels problèmes majeurs l'urbanisation contemporaine pose-t-elle aux usagers des villes (espace, circulation,habitat et logement)? 1.

Il n'est pas aisé de définir à priori ce qu'est une ville : « Ou bien la ville est définie par opposition à la campagne et le mode de vie rural par opposition au mode de vieurbain; ou bien la ville est définie par des critères écologiques : sa taille et une certaine densité de ses habitants;ou bien encore la ville est assimilée à un groupe naturel » et on parlera parfois pour la caractériser, de «communauté ».

(Encyclopaedia universalis, art.

Ville, 6).Officiellement, on parle de ville à partir de 2 000 habitants, mais 2 000 habitants, dans bien des régions, c'estencore un village, ou un bourg, aux possibilités modestes.

Au-dessus, la ville moyenne (20 à 50 000 hab.) doit engénéral son extension à l'implantation de quelque industrie, souvent ancienne et donc en mal de reconversion(textiles,.

charbonnage...).

Les grandes villes correspondent à des zones d'activité industrielle plus diversifiée, ainsiqu'à des lieux de passage du commerce régional ou national. La ville, c'est l'animation Il semble pourtant, qu'au-delà de ces tentatives d'explication par l'activité économique, il y ait une perception plusintuitive du phénomène-ville, perception déterminée par la présence d'éléments constituants que l'on a intériorisés. »

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