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Georg Hegel; présentation de sa pensée dialectique

Publié le 22/02/2012

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Hegel n'est pas un auteur commode. Ce n'est pas une critique que tout philosophe est difficile, et les plus difficiles sont peut-être ceux qui écrivent avec la limpidité de Descartes ou avec la force de la grande poésie, tel Platon : ils commencent par nous entraîner, et ce n'est que plus tard que nous voyons les profondeurs et les altitudes que maintenant nous devrons attaquer de nouveau, lentement, pas à pas, péniblement, si vraiment nous désirons comprendre. Hegel, on peut toujours l'affirmer, ne séduit pas par les charmes de son style, au contraire. Son écriture, incroyablement ramassée, soucieuse de précision, oublieuse de toute autre considération, donne l'éveil au lecteur dès la première ligne : voici un écrit qui ne se lira pas agréablement, qui exigera la plus grande attention, la plus haute tension de l'esprit.  Un tel avertissement par le style facilite, au fond, la compréhension. On ne sera pas tenté d'avancer trop vite, de recevoir telle thèse parce qu'elle parait si évidente, de se fier à telle image parce qu'elle nous parle avec tant de force. On réfléchira, on vérifiera, on tâchera de démêler le cours de la pensée ­ et tout cela ne saurait qu'aider le lecteur, quand bien même cela ne l'amuserait pas beaucoup. Mais cette aide a quelque chose d'ironique : négative, elle nous révèle tout de suite la difficulté, au lieu de nous la dorer. Elle nous protège d'une difficulté supplémentaire, celle de prendre pour simple ce qui est complexe. Mais elle ne réduit en rien cette complexité même et la difficulté première.  Encore une fois, Hegel n'en est pas plus difficile. Peut-être est-il plus inquiétant, paraît-il moins accueillant, se présente-t-il tant soit peu sévère et exigeant. Mais il ne se ferme pas pour cela au lecteur de bonne volonté et patient, à ce type de lecteur à qui s'adresse tout philosophe, encore qu'il fasse des efforts pour gagner cette bonne volonté et entretenir cette patience. La manière d'écrire de Hegel n'a pas beaucoup d'agrément, et on comprendrait même qu'on l'accuse de n'avoir pas de bonnes manières en tant qu'écrivain. Mais il n'est certainement pas de ceux qui offrent au monde des énigmes, lui proposent des formules que seul l'initié peut saisir, cachent le fond et l'essence pour tenir éloignés les indiscrets et les indignes. Pour Hegel, il n'y a pas d'indiscret et il n'existe pas d'indigne : son manque de manières est précisément le résultat du désir d'être accessible à tous, à tous ceux qui veulent payer le prix d'entrée en monnaie de patience et de bonne volonté.  

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« Hegel n'est pas un auteur commode.

Ce n'est pas une critique que tout philosophe est difficile, et les plus difficiles sont peut-être ceux qui écriventavec la limpidité de Descartes ou avec la force de la grande poésie, tel Platon : ils commencent par nous entraîner, et ce n'est que plus tard que nous voyons les profondeurs et les altitudes que maintenant nous devrons attaquer de nouveau, lentement, pas à pas, péniblement, si vraimentnous désirons comprendre.

Hegel, on peut toujours l'affirmer, ne séduit pas par les charmes de son style, au contraire.

Son écriture,incroyablement ramassée, soucieuse de précision, oublieuse de toute autre considération, donne l'éveil au lecteur dès la première ligne : voici unécrit qui ne se lira pas agréablement, qui exigera la plus grande attention, la plus haute tension de l'esprit.

Un tel avertissement par le style facilite, au fond, la compréhension.

On ne sera pas tenté d'avancer trop vite, derecevoir telle thèse parce qu'elle parait si évidente, de se fier à telle image parce qu'elle nous parle avec tant deforce.

On réfléchira, on vérifiera, on tâchera de démêler le cours de la pensée et tout cela ne saurait qu'aider lelecteur, quand bien même cela ne l'amuserait pas beaucoup.

Mais cette aide a quelque chose d'ironique : négative,elle nous révèle tout de suite la difficulté, au lieu de nous la dorer.

Elle nous protège d'une difficulté supplémentaire,celle de prendre pour simple ce qui est complexe.

Mais elle ne réduit en rien cette complexité même et la difficultépremière.

Encore une fois, Hegel n'en est pas plus difficile.

Peut-être est-il plus inquiétant, paraît-il moins accueillant, seprésente-t-il tant soit peu sévère et exigeant.

Mais il ne se ferme pas pour cela au lecteur de bonne volonté etpatient, à ce type de lecteur à qui s'adresse tout philosophe, encore qu'il fasse des efforts pour gagner cette bonnevolonté et entretenir cette patience.

La manière d'écrire de Hegel n'a pas beaucoup d'agrément, et on comprendraitmême qu'on l'accuse de n'avoir pas de bonnes manières en tant qu'écrivain.

Mais il n'est certainement pas de ceuxqui offrent au monde des énigmes, lui proposent des formules que seul l'initié peut saisir, cachent le fond etl'essence pour tenir éloignés les indiscrets et les indignes.

Pour Hegel, il n'y a pas d'indiscret et il n'existe pasd'indigne : son manque de manières est précisément le résultat du désir d'être accessible à tous, à tous ceux quiveulent payer le prix d'entrée en monnaie de patience et de bonne volonté.

Il devrait donc être plus facile d'accès que les autres grands philosophes.

Or, il ne l'est nullement, si l'on accepte lejugement des connaisseurs, des lecteurs avertis et cultivés qui est un bon jugement.

Hegel n'est pas seulement unauteur difficile parce qu'il est philosophe ; il est, de plus, difficile parmi les philosophes.

A cela, on peut assigner deux raisons.

Bien téméraire celui qui oserait soutenir que ce fussent là les seules : le détailde la pensée hégélienne pourrait être difficile dans ce sens qu'il ne serait pas clair, ou défectueux, ou incohérent ;des concepts essentiels pourraient être dépassés par l'évolution historique des sciences, des conditions, desattitudes ; le sens des mots pourrait avoir changé, et un grand effort serait requis de la part de qui voudraitcomprendre Hegel parce qu'il faudrait le comprendre en son temps.

Mais de tels obstacles, fort réels, se rencontrentpartout, et ils n'expliqueraient pas ce qu'il y a de spécifique dans le cas de Hegel.

Cela se résume, nous semble-t-il,sous deux titres : la position de Hegel dans l'histoire de la philosophie, d'une part, l'intention de sa pensée, de l'autreà quoi nous ajouterons immédiatement que cette position est unique à cause de cette intention, et que cetteintention l'est parce qu'elle est apparue à un moment historique déterminé.

Essayons donc de cerner la philosophiehégélienne à partir de ses difficultés : il n'est pas impossible qu'elle se révèle ainsi mieux et révèle mieux son sens etsa signification pour nous.

Une remarque encore.

Qu'on ne s'attende pas à trouver ici un résumé du système, une copie en format de miniaturequi puisse remplacer l'original pour la plus grande commodité de celui qui veut savoir, en trois phrases, ce qu'il en estde Hegel.

Jamais philosophe n'a insisté davantage que Hegel sur le fait que la valeur d'une pensée est dans sondétail, dans la totalité de son élaboration, et que les vérités dernières, les vues profondes, les révélations absolues sont ou absurdes ou vides, qu'en d'autres termes, la preuve du principe est dans son développement, tandis quel'enveloppé n'est, dans le meilleur cas, que promesse et programme.

Si nous réussissons dans notre entreprise, nousaurons montré pourquoi Hegel constitue pour nous une réalité vivante ; mais nous ne prétendons même pas montrerquelle est cette réalité, qui est ce qu'elle est et ne s'ouvre au curieux qu'à ses propres conditions.

La philosophie de Hegel est, jusqu'à nouvel ordre, la dernière des grandes philosophies.

Elle est par conséquent aussi la première philosophiecontemporaine, en ce sens qu'elle n'a été remplacée par aucune autre.

Ce n'est pas la première philosophie moderne : on pourrait discuterlongtemps avant de convenir qui fut le premier philosophe moderne, Descartes H015 , par exemple, ou Hume H024 ou Kant H026 .

Hegel n'est pas seulement moderne par le fait qu'il n'appartient pas à une époque que nous sentons comme révolue : il est contemporain, et sa philosophie parleencore de notre monde et ne parle pas tant à nous qu'elle nous parle de nous.

C'est une tout autre question que de savoir si nous nous déclarerons d'accord avec cette philosophie : de nous, elle pourra dire ce que nous n'accepterions pas ; mais elle l'aura dit de nous et non deshommes d'un autre temps et d'un autre monde.

Elle forme ainsi ce qu'on pourrait appeler un noeud de l'histoire.

Le phénomène n'est pas unique, et l'on dirait la même chose avec autant de raison,par exemple, d' Aristote H002 .

Il s'agit de points singuliers dans l'histoire dans lesquels tous les fils du passé se croisent et à partir desquels ils se séparent de nouveau, après avoir été pour un instant ? pour toujours ? ramassés, rassemblés, mis en ordre.

Ces points et les grandsordonnateurs qui s'y tiennent apparaissent après les révolutions de la pensée et de la réalité, après Platon H038 et la fin de la cité antique, après Kant H026 et la Révolution française.

Les eaux de partout confluent en un énorme bassin, pour se disperser de nouveau dans toutes les directions : le géographe n'aura pas de mal à tracer la carte des affluents, car le lac lui-même en organise le système ; mais il sera désemparé quandon lui demandera de dessiner le cours de fleuves qui n'ont pas encore creusé leurs lits de manière définitive, qui cherchent leur chemin, dont nousne connaissons pas encore le centre d'aboutissement.

En ce qui concerne Aristote H002 , pour nous en tenir à lui, nous savons en gros où ont été les courants qui sont nés de son système.

Pour Hegel, nous ne le savons pas et nous avançons au gré de flots qui nous portent et dont ladirection nous est inconnue.. »

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