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Hume et la justice - Commentaire

Publié le 23/03/2015

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Mais, pour qu'une société puisse se former, il est nécessaire, non seulement qu'elle soit avantageuse, mais encore que les hommes soient conscients de ces avantages ; et il est impossible, en leur état sauvage et inculte, que par l'étude et la réflexion seules ils soient jamais capables de parvenir à ce savoir. C'est donc très heureusement qu'il y a, à côté de ces besoins dont la satisfaction est éloignée et complexe, une autre nécessité que l'on peut considérer à juste titre comme le principe premier et originel de la société humaine, car elle trouve une réponse immédiate et plus évidente. Cette nécessité n'est autre que l'appétit naturel des deux sexes l'un pour l'autre, qui les unit l'un à l'autre et préserve leur union jusqu'à ce que s'établisse un nouveau lien, le souci qu'ils ont de leur progéniture commune. Ce nouvel intérêt devient aussi un principe d'union entre parents et enfants et il donne forme à une société plus nombreuse, dans laquelle les parents gouvernent à cause de l'avantage que leur donne leur force et leur sagesse supérieures, et dans laquelle, en même temps, l'affection naturelle qu'ils ont pour leurs enfants retient l'exercice de leur autorité. En peu de temps, l'accoutumance et l'habitude, oeuvrant sur l'esprit tendre des enfants, les rendent sensibles aux avantages qu'ils peuvent tirer de la société et les façonnent peu à peu pour elle, en effaçant les angles aigus et les penchants contraires qui s'opposent à leur association.

Traité de la nature humaine, Livre III : La Morale,

Deuxième partie, Section II,

trad. Ph. Saltel, éd. Flammarion, 1993, p. 85-86.

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« Textes commentés 53 Les vertus artificielles, dont le bénéfice ne dépend pas d'un acte isolé mais du concours de tous, se ramènent finalement à l'ensemble des règles sociales, inventées pour permettre à chacun de vivre commodément.

La question est ici de savoir comment les hommes en viennent à les reconnaître et à les adopter comme telles, alors qu'elles s'opposent évidemment à la quête de plaisirs directs et immédiats et sont donc vécues comme des contraintes.

Il faut bien que les individus aient conscience de leur nécessité, car « il semble, à première vue, que de tous les animaux qui peuplent le globe terrestre, il n'y en ait pas un à l'égard duquel la nature ait usé de plus de cruauté qu'envers l'homme 1 » : il trouvera dans la société la compensation de ses infirmités physiques (la faiblesse), intellectuelles (l'ignorance) et affectives (la crainte).

Hobbes a donc raison de déduire l'état civil d'une impérieuse nécessité.

Néanmoins, l'anthropologie humienne, plus proche de celle de Locke et, pour tout dire, plus historienne, ne peut s'en tenir à un égoïsme primordial des hommes, en réalité toujours déjà donnés dans des familles constituées par l'effet de l'instinct sexuel (l'une des passions directes).

Au lieu d'être fondée par une «fiction philosophique» (l'état de nature), la vie sociale a pour origine l'apprentissage par chacun de nous, dans son enfance, de ses avantages, et de ses premiers principes.

La politique de Hume se caractérise donc encore par la récusation d'une autre fiction, liée à la première, celle d'un contrat qui marquerait le passage à l'état civil.

Le contractualisme moderne, orienté contre les théories du droit divin, semble en effet installer cette fiction en lieu et place de Dieu dans les théories «patriarcales ».

Certes, que la famille soit le moment où la société est essayée ne signifie pas qu'elle doive en constituer le modèle, ou que nous devions obéissance aux gouvernants comme au « Père » ; mais, l'accord des hommes sur des règles de justice et de propriété, sur le gouvernement indispensable pour en garantir l'application, ne nécessite pas une rupture radicale par laquelle la loi s'autorise d'elle-même.

En historien encore, Hume préfère parler de «convention » ou, comme ici, d'« association».

Un contrat serait une promesse, mais le respect des promesses ne repose que sur le contrat ; au contraire, la convention n'est qu'« un sens de l'intérêt commun2 » comparable à ce que font «deux hommes, dans une barque, [qui] tirent aux avirons par une convention commune», ou à l'invention du langage et de la monnaie3 ; de sorte que la société politique paraît un regroupement artificiel de familles que l'histoire dotera d'un certain type de gouvernement.

La politique peut donc être aussi sans Dieu.

!.

TNH III, ii, 2, p.

84.

2.

EPM, Appendice III, p.

230.

3.

Ibid.. »

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