Hume: vicieuse ou vertueuse la passion
Publié le 15/03/2019
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Hume ne prône donc pas un développement illimité de l'intérêt personnel, mais bien plutôt le développement de l'éducation qui permet une compréhension plus rationnelle, et donc plus profitable à la société,
de cet intérêt. On voit bien ici comment la théorie de Hume préfigure les doctrines utilitaristes qui se développeront au XIXe siècle et qui partent du principe que chaque individu recherche avant tout son intérêt personnel. On peut cependant se demander si la question du degré de rationalité des citoyens ne constitue pas le maillon faible de ce raisonnement : peut-on véritablement attendre que tous les individus deviennent assez rationnels pour véritablement collaborer au bien commun et former un tissu social authentique ? Chacun ne risque-t-il pas de continuer à attendre la première occasion de << plumer >> son voisin ? Le débat autour des présupposés de l'utilitarisme est toujours d'actualité
Dégagez l’intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée.
Il est certain qu'aucune inclination de l'esprit humain n'a à la fois une force suffisante et une orientation appropriée pour contrebalancer l'amour du gain et changer les hommes en membres convenables de la société, en faisant qu'ils s'interdisent les possessions d'autrui. La bienveillance à l'égard de ceux qui nous sont étrangers est trop faible pour cette fin; quant aux autres passions, elles attisent plutôt cette avidité, quand nous observons que plus étendues sont nos possessions, plus grande est notre capacité de satisfaire tous nos appétits. Il n'y a, par conséquent, aucune passion susceptible de contrôler le penchant intéressé, si ce n'est ce penchant lui-même, par une modification de son orientation. Or, la moindre réflexion doit nécessairement donner lieu à cette modification, puisqu'il est évident que la passion est beaucoup mieux satisfaite quand on la réfrène que lorsqu'on la laisse libre, et qu'en maintenant la société, nous favorisons beaucoup plus l'acquisition de possessions qu'en nous précipitant dans la condition de solitude et d'abandon qui est la conséquence inévitable de la violence et d'une licence universelle. Par conséquent, la question portant sur la méchanceté ou sur la bonté de la nature humaine n'entre pas du tout en ligne de compte dans cette autre question portant sur l'origine de la société, ni non plus il n'y a à considérer autre chose que les degrés de sagacité ou de folie des hommes. Car, que l'on estime vicieuse ou vertueuse la passion de l'intérêt personnel, c'est du pareil au même, puisque c'est elle-même, seule, qui le réfrène : de sorte que, si elle est vertueuse, les hommes deviennent sociaux grâce à leur vertu; si elle est vicieuse, leur vice a le même effet
Hume

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DÉG AGER LA PRO BLÉMA TIQUE
Ce texte, assez long, nécessite une lecture attentive pour en
reconnaî tre le véritable (tl direae ur :plusieurs notions s'y croi
sent en effet et peuvent provoquer des erreurs.
Par exempl e, il
est beaucoup question de passions, mais les passions ne sont
pas la not ion centrale ; Hume évoque l'opposition entre la bien
veilla nce et le désir de s'approprier les possessions d'autrui, mais
il ne s'agit pas d'une réffexion morale.
En fait, ce texte montre particulièr ement bien qu'il vaut toujours
mieux formuler la problématiq ue en une phrase plutôt qu'en
un mot Ici Hume ne parle pas d'un thème, il traite un problème,
celui de la fonction sociale de l'amour du gain.
On pou rrait
fo rmuler ainsi le problème à résoudre :comment faire pour que
l'amour du gain n'ait pas un effet destruaeur pour la cohésion
sociale, de quels moyens disposons-nous pour sauvegarder la
société ?
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REPÉRER LE MOU VEMEN T DU TEX TE
Le raisonnement est clair ement construit de façon déduaive en
trois mome nts qui s'articulent chacun autour de la locution « par
conséquent ».
Exposé de la difficulté : l'am our du gain, qui pousse chacun à
convoiter les possessions d'autrui, semble une passion si forte qu'on
ne parvient pas à imagin er quel contrepoids permettrait de « chan
ger les hommes en membres convenables de la société ».
Solution du problème :c'est en fait « ce penchant lui-même»
qui devra être mis au serv ice de l'unité sociale, « par une mod ifica
tion de son orientation » que Hume précise.
Conséquence pour la philosophie politique : « Par consé
quent », la question ne doit plus être de savoir si l'amour du
gain est moralement bon ou mauv ais.
Qu'on le veuille ou non il
a une fonaion sociale importante.
Hume défend donc ici une
approche pragmatique de la philosophie politiq ue..
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