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« Il n'y a rien de mieux au monde qu'une vie d'honnête homme; il n'y a rien de meilleur que le pain cuit des devoirs quotidiens. » Que pensez-vous de cette pensée formulée par Charles Péguy dans ses Cahiers de la quinzaine (VIIIe cahier, 7e série, p. 28). ?

Publié le 04/04/2009

Extrait du document

1. Le choix d'un idéal de vie a préoccupé les sages antiques; il préoccupe toujours les moralistes, les philosophes, les sociologues. Si bien que nous disposons aujourd'hui d'un riche échantillonnage de règles morales, dont tout bachelier pourrait établir la liste, en commençant par les morales stoïcienne, épicurienne et platonicienne pour aboutir à la morale de l'honneur, à la morale de l'héroïsme, à la morale du surhomme établie par Nietzsche, à la morale du devoir kantien, à la morale sans obligation ni sanction des sociologues, à la morale strictement individuelle des existentialistes enfin.  2. Dans le huitième de ses Cahiers de la quinzaine, Charles Péguy a formulé la sienne, traditionnelle évidemment puisque, après avoir combattu en franc-tireur dans les rangs socialistes, il avait décidé de combattre — toujours en franc-tireur — dans les rangs chrétiens et nationalistes. « Il n'y a rien de mieux au monde qu'une vie d'honnête homme, a-t-il écrit; il n'y a rien de meilleur que le pain cuit des devoirs quotidiens. « On découvre aisément, dans cette profession de foi lyrique d'un homme qui ne craint pas de paraître simple et soumis, une morale de chrétien, une morale de soldat et une morale de plébéien. C'est ce que nous nous attacherons à montrer.

« maîtres de l'École normale supérieure qui ne lui avaient pas permis de conquérir un diplôme envié, Péguy revoyait lapetite maison d'Orléans où il avait grandi dans une pauvreté laborieuse, et tout son cœur se soulevait d'amour et dereconnaissance.

N'était-il point stupide de souhaiter autre chose qu'une simple vie, considérée comme l'image dubonheur? Morale d'acceptation.

1.

Une vie paisible, au milieu de ses parents et de ses enfants jusqu'à l'épuisement du « reste de son âge »; une vie sans ambition mais sans amertume ni honte; ainsi nous apparaît l'idéal de Péguy.

Sur leplan social, une Cité pleine d'humbles artisans, un peu semblable au village des Montagnons dont Rousseau rêva.

Pasde bouleversements, ni dans la famille, ni dans la cité.

Pas d'enfants prodigues allant chercher fortune et, devenuspuissants, devenus étrangers, s'écartant avec gêne du milieu où ils naquirent.

Pas de remises en question de quoique ce soit, ni dans l'ordre intellectuel, ni dans l'ordre social.

La Cité de Dieu, tout simplement; non celle qu'élaborale subtil Saint Augustin dans son De civitate Dei, mais celle que l'esprit le plus candide imagine en entendant parlerde la crèche, ou de saint Pierre parmi les pêcheurs de Tibériade.2.

Ainsi Péguy conjugua-t-il son idéal de socialiste, conçu sous l'égide de Jaurès, et son idéal de chrétien primitifassoiffé d'amour et de pureté.

Après avoir erré sur les chemins de la recherche, il revenait au bercail se confinerdans la tradition, rejoignant ainsi Pascal dans son refus de tout libre examen : « La coutume ne doit être suivie queparce qu'elle est coutume », lisons-nous dans les Pensées.

Rien de plus authentique que les formules insérées dansle huitième Cahier.

Dans sa petite boutique de la rue des Écoles, Péguy mena bien une vie d'artisan, maniant desmots, des feuilles imprimées et des brochures comme sa mère avait manié des tresses de paille et des chaises.Pauvre comme elle.

Fermé comme elle.

Aimant ses convictions par-dessus tout, les servant envers et contre tous.Contre les politiques, toujours prêts au compromis.

Contre l'Université figée dans son positivisme.

Contre l'Églisepétrifiée dans sa hiérarchie.

Il ne rêva nullement de devenir un surhomme.

Pas même un héros.

Il n'inventa aucunemorale, pas plus que sa mère n'avait rénové le rempaillage des sièges.

Il se voulut un honnête homme, au sens leplus commun du terme, un brave homme de chrétien, comme Jeanne d'Arc, sa demi-payse, avait été une brave fillechrétienne. Conclusion. A cette morale sans originalité, ce serait un jeu que d'opposer toutes les morales connues.

A quoi bon? On peut estimer que la morale de Péguy manque de panache, qu'elle manque d'assises philosophiques, d'envoléesmétaphysiques.

On a vite fait de dire qu'une morale d'obéissance à la tradition n'est même pas une vraie moralepuisqu'elle peut conduire au crime aussi bien qu'à la plus belle action.

La capitulation de la volonté de choix, de laliberté, devant un Devoir tracé d'avance, choque la raison qui exige l'examen de la coutume, du dogme, des buts dela discipline...

Sur le plan pratique, la morale de l'obéissance peut d'ailleurs conduire à mener une petite vietranquille, voire grotesque comme celle de M.

Prudhomme.

Mais c'est après réflexion, comme s'il eût choisi une viemonastique, que Péguy en vint à cette acceptation de la règle.

Et son exemple est là pour nous prouver qu'une tellemorale n'est pas exempte de grandeur ni de risques — l'obéissance devant se poursuivre perinde ac cadaver — etqu'elle peut conduire à un véritable héroïsme.. »

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