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Imaginer, est-ce seulement nier la réalité ?

Publié le 12/01/2004

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b) Imaginer un objet, c'est, en effet, le « néantiser » en cessant de considérer qu'il appartient au monde réel. Lorsque je perçois un objet réel, je le perçois comme élément d'un ensemble qui est la réalité totale. Même si je concentre mon attention sur lui, je le saisis comme présent et en continuité avec les autres objet réels, avec le monde, eux-mêmes présents. En revanche, quand j'imagine ce même objet, je l'isole et le saisis comme absent. Certes je sais que cet objet existe réellement, mais en tant que je l'imagine je le vise là où il ne m'est pas donné. Dès lors je le saisis « comme un néant pour moi » (id., p. 348). Ou encore, quand j'imagine un événement à venir, « je détache l'avenir du présent dont il constituait le sens. Je le pose pour lui-même et je me le donne.

« On peut cependant se demander si l'imagination véritable ne dépasse pas cette simple faculté de former des images,et si elle n'ouvre pas sur un « irréel » qui serait plus qu'une simple négation de la réalité perçue.

En d'autres termes,l'objet de l'imagination n'est-il un irréel que par rapport à la perception actuelle, ou son irréalité est-elle radicale ? Lemonde de l'imaginaire ne possède-t-il pas une complète autonomie à l'égard de celui de la perception ? Deuxième partie : L'imagination, fonction du surréel selon Bachelard a) « On veut toujours, observe Bachelard, que l'imagination soit la faculté deformer des images.

Or elle est plutôt la faculté de déformer les imagesfournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer desimages premières, de changer les images.

S'il n'y a pas changement d'images,union inattendue des images, il n'y a pas imagination, il n'y a pas d'actionimaginante » (L'Air et les songes, p.

7).Les instances qui fournissent les images, ce sont la perception et la mémoire.En fait, il convient de préciser ce que l'on entend par « image ».

Si « image »signifie une représentation mentale constituant une répétition plus ou moinsaffaiblie d'une sensation, ou plus exactement d'une perception, c'est-à-direune reproduction de la réalité, alors l'imagination ne forme pas d'images.

Maissi « image » signifie une représentation construite, une combinaison nouvelledes données de la perception qui ne reproduit pas mais réinvente la réalité,alors l'imagination forme des images, des « images imaginées » (cf.

La Terreet les rêveries du repos, p.

3).

L'imagination « est la faculté de former desimages qui dépassent la réalité, qui chantent la réalité » (L'Eau et les rêves,p.

23). Ce pouvoir de négation que révèle l'imagination est positif.

L'imagination est une puissance majeure pour l'homme.

Comme l'avait montré Kant, elle n'est pas simplement "reproductrice" maiségalement productive.

Bachelard élève cette faculté, qui précède l'expérience à une puissance d'anticipation del'avenir.En ce sens, l'imagination nous détache du passé et du présent et ouvre le champ du futur.

La fonction de l'irréelnous permet de dépasser le donné pour nous projeter vers ce qui n'est pas encore.

L'imagination dynamise, en nousréveillant de nos habitudes et de nos automatismes.

Elle est une porte ouverte sur le champ du possible qui coexisteau champ du réel. b) L'imagination va donc « déformer » les images copies du réel fournies par la perception.

Elle altérera une image enla fragmentant et en réassemblant ces fragments de manière originale ; en modifiant le rapport de ses parties,grossissant l'une, diminuant l'autre ; en lui ajoutant des éléments étrangers, etc.

Elle va également procéder à dessubstitutions d'images ; à des associations d'images, chaque image en appelant d'autres, « déterminant uneprodigalité d'images aberrantes » qui constituent son « auréole imaginaire ».

Mais cela ne signifie pas que « cettelibération des images premières », à laquelle nous invite cette faculté d'imagination qui « spécifie le psychismehumain », qui est même « une faculté de surhumanité » (id., p.

23), ne réponde à aucune loi : même le jaillissementle plus inattendu d'images, le plus débridé et le plus irrationnel, obéit à une certaine logique, fût-elle ténue, qui estspécifique à l'imaginaire. c) Ainsi l'imagination n'est pas une faculté passive, comme la perception.

Elle est une puissance foncièrementdynamique et organisatrice qui travaille à déréaliser le réel atteint dans la perception en le déstructurant pouropérer une structuration nouvelle, en sorte que dans l'imagination l'univers tout entier n'est plus donné au sujet,mais produit par lui.

« L'imagination invente plus que des choses et des drames, elle invente de la vie nouvelle, elleinvente de l'esprit nouveau, elle ouvre des yeux qui ont des types nouveaux de vision » {id., p.

24).

En celal'imagination, qui est la fonction de l'irréel ou du surréel, est « l'expérience même de l'ouverture, l'expérience mêmede la nouveauté », tandis que « la fonction du réel est une fonction d'arrêt, une fonction d'inhibition qui réduit lesimages de manière à leur donner une simple valeur de signe » (La Terre et les rêveries du repos, p.

22). conclusion Imaginer, comme l'a bien montré Sartre, c'est nier ou « néantiser » le réel, c'est s'échapper hors du monde, del'existant, et par là c'est réaliser sa liberté.

Mais imaginer ce n'est pas simplement s'évader de la réalité en la niant,c'est construire un monde spécifique, celui de l'imaginaire, qui ne se conforme, ainsi que l'a souligné Bachelard, enrien au réel, mais se tient dans un écart absolu avec lui.. »

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