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Imaginer est-ce seulement nier la réalité ?

Publié le 16/12/2011

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«Nous naissons tous fous, quelques uns le demeurent« écrira Samuel Beckettdans sa pièce En Attendant Godot ou il met en scène deux personnages, Vladimir et Estragon, pour qui les journées se reproduisent inlassablement à l'identique: victimes d'une sorte d'amnésie nocturne, ils gardent seulement en mémoire l'idée d'un rendez-vous avec un certain Godot qui ne viendra jamais les rencontrer en personne. Quelle réalité expérimentent ces deux personnages ? Une sorte de réalité appauvrie car intrinsèquement répétitive: chacune de leur journée se reproduit en effet à l'identique. Mais au-delà, peut-on seulement dire que ces deux personnages évoluent dans une quelconque réalité ? Il semble que non si l'on entend le terme de réalité au sens de l'existence effective des choses en tant qu'elles s'érigent comme absolument nécessaire, que l'on éprouve une résistance à leur contact.

« tromperie, soit à l’illusion , à ce qui n’a pas d’existence autre que celle que lui donne notre croyance.

La simple apparence peut ne renvoyer qu’à elle -même.

Le bâton qui paraît brisé dans l’eau ne l’est pas réellement.

Celui qui s’imagine que ses désirs sont réalisé, qu’il suffit de désirer en l’air sans rien faire pour obtenir ce que l’on veut, est dans l’irréel.

Il s’i llusionne, ce qui revient à dire qu’il vit dans une bulle d’illusion qui tôt ou tard va éclater au contact du réel.

La réalité est étroitement associée à la vigilance. Au matin au réveil, il revient à la réalité du monde de la veille et je quitte les illusi ons imaginaires du rêve.

Revenir à la réalité, c’est s’éveiller.

Fuir la réalité, c’est vouloir s’étourdir, s’abrutir, s’enfoncer dans un sommeil où la réalité a été congédiée provisoirement.

C’est tenter d’étourdir la lucidité au profit d’une forme de semi- sommeil, d’une dérobade dans les marges de la réalité.

La question posée nous confronte directement à la puissance de négation contenue dans l’imagination.

Le pouvoir que détient l’imagination se réduit -il à une lutte contre la réalité, à une négation ? L’imagination n’est qu’une porte de sortie de la réalité ? Faut -il admettre qu’au bout du compte, l’imagination, ce n’est que la faculté de fuir ? L’imagination, est -ce la dérobade du raté qui, faute d’être capable d’accepter le réel et de le transformer, n’a d’autre issue que de le fuir en s’enfermant dans son petit monde clos en marge de la réalité ? Dire que l’imagination donne du réconfort, c’est avouer son incapacité à trouver satisfaction dans ce qui est.

Ailleurs, c’est toujours mieux qu’ici.

Quand l a réalité est insatisfaisante, on s’invente un monde meilleur, on rêve la vie au lieu de la vie.

L’imagination compense une existence qui se sent médiocre et insatisfaite.

Vouloir faire l’éloge de l’imagination dans ce sens, c’est flatter la fuite de la vi e, c’est encourager la tendance à fuir et à se fuir.

Ce n’est pas neutre.

L’éloge de la fuite dans l’imaginaire, c’est la justification de la recherche d’une extase en marge de la réalité et contre réalité.

Implicitement, c’est donner des arguments au drogué qui, n’osant voir en face une existence qu’il sait assez malheureuse et minable, se donne des petites extases, histoire de se donner de la gaieté là où règne beaucoup de souffrance.

Cependant, il existe plusieurs formons de négation de la réalité par l’imaginaire 1) sous la forme du rêve en opposition au monde la veille, 2) sous la forme de la tendance délibérée dans la veille à la fuite dans une bulle d’imagination pour prendre congé et rester dans les nuages de la rêverie, 3) sous la forme du fantasme qui fait qu’au bout du compte la réalité et l’imagination sont tellement confondues que le sujet ne sait même plus faire la différence.

Le mythomane s’invente une personnalité, un monde et vit dans un rêve éveillé, 4) dans l’opposition artistique avec le m onde des faits, la recherche d’un surréel que l’apparence ne donne pas et qui partout agit en toutes choses.

D’où les tentatives des surréalistes, comme celle de confier l’écriture à l’inconscient pour le laisser s’exprimer sans contrôle.

5) dans la recher che prémonitoire d’un futur auquel bien sûr la perception ne peut avoir accès, mais que l’imagination peut anticiper.

Le meilleur des mondes de Huxley est un exemple de cette anticipation géniale.

Dépassement du réel de l’écrivain et en même temps regard d e visionnaire.

Au fond, la gravité de la négation de la réalité, c’est surtout quand elle devient négation de la réalité de la Vie, négation de son sens et de sa valeur.

L’imagination peut laisser libre cours à une tendance à la négation de soi.

Quand la v ie ne s’aime pas elle se nie.

Mais il est impossible de se défaire de Soi.

Être, c’est être soi -même, c’est coïncider. »

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