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Imaginer, est-ce seulement nier la réalité ?

Publié le 30/01/2004

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La force de l'imagination n'est-elle pas de créer ce qui ne peut être réel ? La faculté d'imaginer permet de se représenter quelque chose en son absence, et de se représenter quelque chose qui n'existe pas. En quoi est-ce une négation du réel ? Comment l'imagination pourrait-elle être la négation de la réalité ? Ne se fonde-t-elle pas toujours sur des éléments du réel ? Peut-on créer un monde imaginaire qui soit hors de toute réalité ? Comment est-il possible de nier la réalité ? Imaginer, est-ce seulement se réfugier hors du réel ? Si l'imagination nie le réel, comment distinguer ce qui est imaginaire de ce qui est réel ? Plus l'image colle, calque le réel, plus la différence entre imagination et réel apparaît comme décisive : peut-être parce qu'on ne passe pas simplement du possible imaginé au réel effectif par un simple acte de transposition d'un ordre dans l'ordre.
Lorsque j'imagine quelque chose, je nie, de fait, la réalité, je remplace ce que ma conscience perçoit du monde extérieur par une image fabriquée de toutes pièces. Mais, l'imagination ne peut pas vraiment s'éloigner du réel. La réalité est en partie une construction imaginaire. L'imagination peut permettre de renouveler la connaissance.

« qui semble s'imposer à nous comme réalité.

"Pour qu'une conscience puisse imaginer il faut qu'elle échappe au mondepar sa nature même, il faut qu'elle puisse tirer d'elle-même une position de recul par rapport au monde.

En un mot, ilfaut qu'elle soit libre." (Page 353).C'est peut-être à travers le jeu qu'on peut le mieux saisir cette idée que l'imagination est un acte de liberté qui nouspermet, en niant la réalité sous son aspect le plus immédiat (celui des faits présents), d'explorer des possibilités etpar là de former des projets.

On a trop tendance à considérer le jeu comme une activité puérile ou undivertissement d'adulte et à l'opposer au travail.

Le contraire du jeu n'est pas le travail, mais le sérieux.

Le sérieuxne se définit pas par la nature de l'activité qu'on accomplit, mais par la façon dont on l'accomplit.

N'importe quelleactivité, y compris le jeu, peut être prise au sérieux, menée selon "l'esprit de sérieux".

Mais n'importe quelle activitépeut aussi être regardée et conduite comme un jeu.

Dans le premier cas, la conduite est fondée sur le sentimentque certaines règles et certaines valeurs s'imposent à nous, qu'elles sont présentes dans la réalité même à laquellenous avons affaire et s'imposent avec l'évidence des choses.

Dans le second cas on dissocie réalité et valeur, loisnaturelles et règles convenues et on considère que c'est toujours librement qu'on donne telle valeur à une chose etqu'on adopte telle règle.

En effet tout jeu comporte des règles librement acceptées et les choses sur lesquelles onopère n'ont d'autre sens que celui qu'on a décidé de leur conférer.

L'enfant, lorsqu'il joue, sait bien que les chosesqu'il utilise ne sont pas réellement changées par la signification qu'il leur donne; mais cette dernière n'est pastotalement étrangère aux propriétés réellement présentes dans ces choses: celles-ci constituent comme unmatériau qui soutient et suggère les formes dont son imagination les revêt.

On remarquera en outre que les règlesne sauraient être totalement arbitraires: elles doivent offrir une certaine cohérence et offrir la possibilité de conduirelogiquement le jeu.

Ainsi l'imagination se joue librement du réel; elle ne l'abolit pas pour autant.

Elle prend sesdistances avec la signification usuelle que nous lui donnons, découvre en lui des possibilités méconnues.4) Pour montrer que, dans la fiction, la réalité n'est pas niée absolument, on pourra recourir à Hegel.

Dans ses"Leçons sur l'esthétique", il critique l'idée que les beaux-arts sont imitation de la réalité.

Mais il prend bien soin depréciser que sa critique ne vise que ce qu'il appelle l'imitation "formelle", c'est-à-dire la reproduction servile del'apparence sensible.

Il n'exclut pas que l'art doive présenter son contenu sous les formes qu'offre la nature ("Quel'art soit obligé d'emprunter ses formes à la nature, c'est là un fait impossible à contester.

Le contenu d'une oeuvred'art sera d'une nature telle que, tout en étant d'ordre spirituel, il ne peut être représenté que sous une formenaturelle." page 40).

L'art -oeuvre de l'imagination- ne nie pas toute réalité, mais seulement la réalité qui s'offreimmédiatement à l'observation, à travers la particularité des individus et le hasard des situations.

Pour Hegel, c'estla réalité spirituelle qui est présentée par l'art: le beau artistique est beau idéal (par opposition avec le beau naturelqui est tout à la fois forme imparfaite de la beauté et témoignage incomplet de la réalité). CITATIONS: « Rien n'est plus libre que l'imagination humaine; bien qu'elle ne puisse déborder le stock primitif des idées fourniespar les sens externes et internes, elle a un pouvoir illimité de mêler, composer, séparer et diviser ces idées danstoutes les variétés de la fiction et de la rêverie.

» Hume, Enquête sur l'entendement humain, 1748. « Par l'imagination nous abandonnons le cours ordinaire des choses.

[...] Imaginer c'est s'absenter, c'est s'élancervers une vie nouvelle.

» Bachelard, L'Air et les Songes, 1943. « Grâce à l'imaginaire, l'imagination est essentiellementouverte, évasive.

Elle est dans le psychisme humain l'expérience même de l'ouverture, l'expérience même de lanouveauté.

» Bachelard, L'Air et les Songes, 1943. « L'imagination [...], c'est la conscience tout entière en tant qu'elle réalise sa liberté.

» Sartre, L'Imaginaire, 1940. « L'imagination est la folle du logis.

» Malebranche, De la Recherche de la vérité, 1674-1675. « Imagination — C'est cette partie dominante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autantplus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours.

» Pascal, Pensées, 1670 (posth.) « Les hommes jugent des choses selon la disposition de leur cerveau et les imaginent plutôt qu'ils ne lesconnaissent.

» Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) « Il est vraisemblable que le principal crédit des miracles, des visions, des enchantements et de tels effetsextraordinaires, vienne de la puissance de l'imagination agissant principalement contre les âmes du vulgaire, plusmolles.

» Montaigne, Essais, 1580-1588. « Qu'on loge un philosophe dans une cage de menus filets de fer clairsemés, qui soit suspendue au haut des toursNotre-Dame de Paris, il verra par raison évidente qu'il est impossible qu'il en tombe, et pourtant, il ne se sauraitgarder [...] que la vue de cette hauteur extrême ne l'épouvante et ne le transisse.

» Montaigne, Essais, 1580- 1588. Imagination : « Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer [...], aétabli dans l'homme une seconde nature.

» Pascal, Pensées, 1670 (posth.). »

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