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Imaginons que vous vous promeniez au Musée d’Orsay avec un camarade, et que vous soyez en extase devant une toile de Courbet, par exemple.

Publié le 17/01/2021

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Imaginons que vous vous promeniez au Musée d’Orsay avec un camarade, et que vous soyez en extase devant une toile de Courbet, par exemple. Pris dans un élan d’enthousiasme conséquent, vous allez très certainement vouloir partager votre admiration avec votre camarade. Vous allez exalter les traits de génie de Courbet pour sensibiliser votre camarade au talent du peintre. Mais votre camarade, ne voyant aucun fondement à tant de louanges, vous rétorquera rapidement que " les goûts et les couleurs ne se discutent pas ! ". Avouons qu’une telle scène est emblématique du comportement quotidien de l’être humain en général. Dès lors, il convient de se demander si l’on peut convaincre autrui qu’une œuvre d’art est belle. Après un examen minutieux de la question posée, nous verrons s’il est possible de convaincre autrui de la beauté de telle ou telle œuvre artistique, avant de mesurer la légitimité d’une telle volonté ainsi que ses implications ontologiques.     La question porte sur la possibilité et la légitimité de convaincre autrui de la beauté d’une œuvre d’art. Comprenons le terme " autrui " comme celui de " semblable ", c’est-à-dire comme celui qui, sans être nous, est comme nous un être subjectif et libre, un sujet. Demandons-nous ainsi si nous sommes en mesure et en droit de persuader notre semblable de la beauté d’une œuvre d’art. Au vu du problème ainsi posé, il faut tenir pour admis que l’on puisse évaluer la beauté d’une œuvre d’art, d’un point de vue conceptuel. Culturellement parlant, la question présuppose que l’on est souvent tenté de convaincre autrui, que nous avons pour habitude de vouloir à tout prix faire partager notre admiration. Une telle question présente des enjeux conséquents. En effet, il y va non seulement de l’universalité du beau, mais aussi et avant tout du respect de la subjectivité d’autrui. L’enjeu ontologique de la question est essentiel : c’est tout simplement la subjectivité, la liberté de notre semblable qui est en jeu ici ! Afin de mener à bien notre investigation, nous tenterons dans un premier temps de voir s’il est possible de convaincre autrui qu’une œuvre d’art est belle, en analysant les différents concepts mis en scène par la question. Puis nous mesurerons la légitimité (double enjeu du "peut-on" de la question) d’un tel vouloir. Sommes-nous en droit de vouloir imposer à nos semblables nos appréciations et interprétations, comme nous avons l’habitude de désirer le faire ? Nous n’oublierons pas, dans cette seconde partie, de mettre en exergue les implications ontologiques que revêt la question, quant à la liberté d’autrui en tant que sujet.     En premier lieu, il convient donc de s’interroger sur les conditions de possibilité d’une telle démarche : sommes-nous en mesure de convaincre autrui qu’une œuvre d’art est belle ? Pour qu’une telle démarche s’avère réalisable, il faudrait avant tout que le beau soit universel. Sans ce critère d&rsquo...
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« universalité du beau est remise en cause par la sagesse populaire, qui utilise à outrance le dicton bien connu : " Les goûts (…), ça ne se discute pas ! " … Pourtant maints philosophes se sont risqués à une définition du beau.

Dans son Hippias Majeur, Platon parle de " ce qui est agréable à la vue et à l’ouïe ". Plus tard, le philosophe d’Outre-Rhin Emmanuel Kant (1724-1804) affirma dans sa Critique de la faculté de juger que " le beau est ce qui plaît sans concept ".

Cette ultime définition nous donne des enseignements précieux.

En effet, elle suggère l’immédiateté de la compréhension et de l’admiration d’une œuvre d’art.

Le plaisir issu de la contemplation est immédiat, et la perception de la beauté d’une œuvre d’art n’est pas le fruit d’une opération réflexive et discursive.

Ainsi de toute évidence, la compréhension de l’art et la perception du beau exigent une mise en œuvre directe et spontanée de la sensibilité.

Or la sensibilité est une notion très subjective, relative à l’histoire personnelle et aux états d’âme de l’individu, du " sujet " qui contemple.

Cette sensibilité qui dérive du vécu et de la subjectivité altère considérablement la possibilité de convaincre autrui qu’une œuvre d’art est belle.

En effet, convaincre, c’est argumenter, expliquer, s’impliquer pour déclencher une éventuelle réaction, cependant hypothéquée par l’absence de spontanéité, de compréhension immédiate du sens de la beauté de l’œuvre d’art en question.

Si notre semblable ne perçoit pas de façon immédiate le beau que peut contenir une œuvre, alors il nous sera difficile de l’en convaincre ! De surcroît, l’interprétation d’une œuvre d’art s’avère parfois difficile et obscure, et les capacités de compréhension de l’individu peuvent tout à fait être restreintes.

Pour comprendre une œuvre d’art et en apprécier la valeur et la beauté, il faut nécessairement partager la vision de l’artiste, percevoir la dimension qu’il a souhaité donner à son œuvre.

Chaque artiste donne à voir le monde tel qu’il le ressent ! A nouveau, la subjectivité est de rigueur et nous avons donc affaire à une double subjectivité : celle de l’artiste et celle du sujet-observateur, à savoir deux personnalités plus ou moins éloignées.

Dès lors nous comprenons rapidement que deux alternatives se présentent et s’opposent : soit l’observateur est en phase avec l’artiste et partage sa vision du monde, soit il considère ce même artiste comme un névrosé et s’en va voir un autre tableau.

En tout cas, un observateur en phase avec l’artiste, qui perçoit toute la beauté de son œuvre, ne pourra jamais convaincre son semblable de cette beauté, si ce dernier n’a pas la même sensibilité et s’il n’a pu interpréter spontanément la signification de l’autre, ce qui lui confère sa beauté.

De surcroît, vous avouerez avec nous que de nombreux individus présentent des capacités d’interprétation, intuitives et sensibles, plutôt limitées… Dans Sens et Non-Sens, le phénoménologue Maurice Merleau-Ponty affirmait que " l’art est suggestion d’un invisible dans la chair même du monde ".

Pour ceux qui ne prennent en considération que cette " chair même du monde ", il va de soi que " l’invisible " que suggère l’artiste et qui confère sens et beauté à son œuvre est voué à rester invisible… Pour certains, le sens et la beauté d’une œuvre ne peuvent qu’être invisibles et il serait vain de vouloir les comprendre ! Le célèbre peintre espagnol Salvador Dali - tantôt considéré comme un génie, tantôt comme un névrosé &emdash; déclarait : " quand je vois une pomme et qu’elle est de Cézanne, il ne me viendrait pas à l’idée de la croquer ! ", critiquant ainsi la conception matérialiste et terre-à-terre que se font certaines personnes de l’art, sans sensibilité aucune… La perception de la beauté d’une œuvre d’art requiert une finesse d’interprétation (surtout quand l’artiste confère un sens philosophique à son œuvre, comme c’est le cas du surréaliste belge René Magritte).

Il convient de respecter, de prendre en considération et d’essayer de comprendre les. »

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