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Innovation et tradition de C. LÉVI-STRAUSS

Publié le 05/01/2020

Extrait du document

L'ethnologue Claude Lévi-Strauss entend nous mettre en garde contre les dangers de l'innovation considérée comme une valeur; l'exemple de l'art montre les inconvénients de l’abandon de la tradition et de l'imitation en règle générale (voir texte 9).

 

Les grands novateurs sont, certes, nécessaires à la vie et à l’évolution des sociétés : outre qu’un tel talent pourrait - mais nous n’en savons rien - avoir des bases génétiques (excluant qu’il existe à l’état latent chez tout le monde), on doit aussi s’interroger sur la viabilité d’une société qui voudrait que tous ses membres fussent des novateurs ; il apparaît fort douteux qu’une telle société puisse se reproduire et moins encore progresser, car elle s’emploierait d’une manière permanente à dissiper son acquis.

 

Peut-être avons-nous assisté à un phénomène de cet ordre dans certains secteurs de notre propre culture, celui des arts plastiques en particulier. Affolés par les deux innovations majeures que constituèrent, en peinture, l’impressionnisme et le cubisme, se succédant coup sur coup dans le laps de quelques années, hantés surtout par le remords de les avoir d’abord méconnues, nous nous sommes donné pour idéal, non ce que des innovations fécondes pourraient encore produire, mais l’innovation elle-même. Non contents de l’avoir en quelque sorte divinisée, nous l’implorons chaque jour pour qu’elle nous octroie de nouveaux témoignages de sa toute-puissance. On connaît le résultat : une cavalcade effrénée de styles et de manières, jusque dans l’œuvre de chaque artiste. En fin de compte, c’est la peinture comme genre qui n’a pas survécu aux pressions incohérentes exercées sur elle pour qu’elle ne cesse pas de se renouveler. D’autres domaines de la création souffrent le même sort : tout l’art contemporain est présentement aux abois. Que l’évolution récente de la peinture pèse si lourd sur les méthodes pédagogiques qui veulent libérer l’enfant et stimuler ses dons créateurs est bien pour inspirer quelque méfiance à l’égard de celle-ci.

 

Claude Lévi-Strauss, Le Regard éloigné, Plon, 1983, p. 367-368.

« coup sur coup dans le laps de quelques années, hantés surtout par le remords de les avoir d'abord méconnues, nous nous sommes donné pour idéal, non ce que des innovations fécondes pourraient encore produire, mais l'innovation elle-même.

Non contents de l'avoir en quelque sorte divinisée, nous l'implorons chaque jour pour qu'elle nous octroie de nouveaux témoignages de sa toute­ puissance.

On connaît le résultat: une cavalcade effrénée de styles et de manières, jusque dans l'œuvre de chaque artiste.

En fin de compte, c'est la peinture comme genre qui n'a pas survécu aux pressions incohérentes exercées sur elle pour qu'elle ne cesse pas de se renouveler.

D'autres domaines de la création souffrent le même sort: tout l'art contemporain est présentement aux abois.

Que l'évolution récente de la peinture pèse si lourd sur les méthodes pédagogiques qui veulent libérer l'enfant et stimuler ses dons créa­ teurs est bien pour inspirer quelque méfiance à l'égard de celle-ci.

Claude LÉVI-STRAUSS, Le Regard éloigné, Pion, 1983, p.

367-368.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE=TEXTE Le sentiment qu'éprouve Claude Lévi-Strauss devant les développements de l'art moderne est qu'une perte de repères, une absence de but en compromettent l'existence même.

À partir de ce constat, il plaide pour une continuité des traditions, contre la surestimation de l'idée de création, notamment dans le domaine de la pédagogie, l'enseigne­ ment assumant en principe la tâche de transmettre l'héri­ tage du passé.

Claude Lévi-Strauss admet la nécessité de l'innovation ; et d'ailleurs, les civilisations traditionnelles la connaissent, il ne faudrait pas s'imaginer qu'elles sont statiques.

Leurs arts, leurs techniques, leurs mythologies montrent qu'elles ont la capacité d'inventer et d'évoluer.

Pour autant, l'innovation ne doit pas être en elle-même une valeur.

Elle sécrète alors le danger d'une rupture sans contrepartie avec la tradition, et l'idée de poursuivre comme une fin la rupture avec la tradi­ tion est une véritable contradiction pour une civilisation, quelle qu'elle soit.

En effet, une innovation, pour être utile ou simplement avoir un avenir, doit être transmise; à cette condition, elle. »

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