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J.-J. Rousseau : « On ne laissera prendre à Emile aucune habitude si ce n’est de n’en avoir aucune. »

Publié le 04/09/2015

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rousseau

« L’attrait de l’habitude vient de la paresse naturelle à l’homme, et cette paresse augmente en s’y livrant : on fait plus aisément ce qu’on a déjà fait : la route étant frayée devient plus facile à suivre. Aussi peut-on remarquer que l’empire de l’habitude est très grand sur les vieillards et sur les gens, indolents, très petit sur la jeunesse et sur les gens vifs. Ce régime n’est bon qu’aux âmes faibles, et les affaiblit davantage de jour en jour. La seule habitude utile aux enfants est de s'asservir sans peine à la nécessité des choses, et la seule habitude utile aux hommes est de s’asservir sans peine à la raison. Toute autre habitude est un vice. « (Emile, L. II, Edition Garnier, p. 178, note.)

 

Notre essai d’explication aboutit donc à un échec. Nous devons reconnaître que Rousseau n’a pas une théorie cohérente de l’habitude.

II. — Commentaire.

 

De cet examen de la réflexion de Rousseau et de notre incursion dans l'Emile, nous pouvons cependant tirer les grandes thèses d’une conception générale de la valeur de l’habitude en général et particulièrement dans l’éducation.

 

A. Dangers de l’habitude. — Les habitudes sont dangereuses : Rousseau n’a guère vu que leurs dangers, mais il les a bien vus. On a assez dit et exagéré — leur oeuvre destructrice pour que nous n’ayons pas à nous y attarder : ce sont plutôt des réserves qu’il conviendrait de faire.

rousseau

« L'ATTENTION ET L'HABITUDE 73 tent le travail d'invention et libèrent des besoins s'opvosant au jeu de la liberté.

RoussEAU condamne-t-i! les seconde,s aus·~i bien que les première•s P B.

Le contexte.

- Si nous replaçons dans son contexte le texte que nous étudions, la réponse sera claire et facile : c'est la créatio'n de besoins artificiels qu'il faut empêcher chez l'enfant.

Si vous l'accoutumez, par exemple, à vivre dans une chambre toujours éclairée, il ne pourra plus .supporter les ténèbre,s.

Alors « le désir ne vient plus du be:soin, mais de l'habitude, ou plutôt l'habitude ajoute un nouveau besoin à celui de la nature : voilà ce qlll'il faut prévenir"· Puis, immédiatement après, à l'alinéa suivant : «La seule habitude qu'ün doit laisser prendre à l'enfant est de n'en contracter aucune; qu'on ne le porte pas plus sur un bras que sur l'autre...

Préparez de loin le règne de sa liberté et l'usage de ses fo.rces, en lai,ssant son corps à l'habitude naturelle, en le mettant en état d'être toujours maître de lui-même, et de faire en toute chose sa volonté, sitôt qu'il en aura une.

)) Pour préparer ce règne de la liberté, allant à l'encontre de la lettre des directives qu'il vient de ?onner, le précepteur d'Emile s'évertue, déclare-t-il un peu plus loin (p.

4·4), à habituer S•on élève à des expériences qui lui seraient désagréable·s ou même douloureuses, faute d'habitude : «Je l'acoou­ tume aux coups de fusil, aux boites, aux can·ons, aux détonation•8 les plus terribles.

)) La pensée de RoussEAU semble donc bien nette : il faut empêcher que les enfants prennent des habitudes C8!pables de restreindre le jeu de leur liberté.

C'est dans le même sens qu'on dit aux garçon,s - et maintenant aux jeunes filles : ne prenez pas I 'habitude du tabac, cette habitude est une servitude.

C.

Le reste de l'œuvre.

- Malheureusement, en feuilletant !'Emile, nous tombons sur d'autres réflexion•s qui n·ous remettent dans l 'embarra:S, et dans un embarras encore plus grand.

D'une part, dès les p•remièreg pages de son livre, RoussEAU noUJs déclare tout uniment : "L'éducation n'est certainement qu'une habitude)), et, de fait, le précepteur d'Emile fait son pos•sible pour que son élève contracte de bonnes habitudes.

~fais, d'autre part, à plusieurs reprises, il formule des jugements qui semblent bien impliquer une condamnation, non •seulement des habHudes passiveB, de la routine et du besoin, mais encore de l'habitude active, c'est-à-dire de la facilité et de l'habileté que donne l'expérience, quitte d'ailleurs à recourir à elle quand il en est besoin.

En homme sensible, comme on se piquait de l'être en son temps, il reproche à l'habitude de tuer le sentiment : «Longtemps frappé des mêmes spectacle;,, on n'en sent plus les impression,;,; l'habitude acc,outume à tout; ce qu'on voit trop, on ne l'imagine plus, et ce n'est que l'imagination qui nous fait sentir les maux d'autrui :c'est ainsi qu'à force de voir mourir et -souffrir, les prêtres et les médecins deviennent impitoyables " (p.

273).

~e croyon·s pas cependant que ·leB sentiments soient intangibles et qu'il faille à tout prix empêcher l'habitude de mordre sur eux; il en est que RoussEAU considère oomme des parasites dont il faut se débarrasser, tellr'l certaines peurs irraisonnée'S ·qu'enfante une imagination trop vive.

«La cause du mal trouvée indiqne le remède.

En toute chose l'habitude tue l'imagination ...

1\'e raisonnez donc pas avec celui que vouB voulez guérir. »

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