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La conception du bonheur aux XVIIIe, XIXe et XXe siècle.

Publié le 10/09/2018

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Ainsi prend naissance au 18e siècle un bonheur privé et bourgeois, un bonheur de l’intimité et des joies personnelles. A la différence des tragédies du Grand Siècle ou même des pièces de Molière, les intrigues des comédies de Marivaux ou, en Italie, de Goldoni, ne sont plus dominées par des visées édificatrices. Chez Marivaux, des personnages avant tout définis par leurs traits psychologiques, et non comme des figures sociales, mythiques ou existentielles, se livrent au Jeu de l’amour et du hasard, et s’interrogent gaiement sur leur propre identité (La Fausse Suivante, La Double Inconstance) : le bonheur apparaît lié aux intermittences du cœur, non à des forces qui nous dépassent. Un peu plus tard, dans La Religieuse, Diderot dénonce avec force le rigorisme et le sadisme des couvents au nom de l’aspiration légitime de chacun(e) au bonheur, flétrie par les demandes inhumaines de l’ascétisme monacal.

 

S’intéressant de plus en plus à l’individu pour lui-même, le siècle découvre aussi avec bonheur l’enfance. Rousseau écrit le premier traité de pédagogie moderne, Émile ou De l'éducation, où il proclame à la fois la personnalité de l’enfant jusque-là traité uniquement comme une promesse d’homme adulte et dépourvu de vie propre - et l’innocence de cet âge non encore perverti par la société. Chez Rousseau, la notion de péché originel devient profane : la faute originelle, c’est l’amour-propre développé par la vie en société ; et cette faute est un péché contre soi-même, non contre Dieu. En deçà de la société en revanche, la nature humaine demeure pure et capable du meilleur ; il ne dépend que de nous, et non plus d’un secours transcendant, de retrouver cette bonté originelle. La nature humaine redevient donc digne de confiance, et les Rêveries du promeneur solitaire en harmonie avec la nature tout court permettent à l’âme humaine de retrouver ce bonheur des origines (voir encadré << La Transparence et l’Obstacle : Rousseau lu par Jean Staro-binski », p. 182).

 

Le siècle des Lumières est aussi celui de l’invention du jugement de goût esthétique : d’abord avec la redécouverte des modèles antiques par l’historien et archéologue allemand Winckelmann, puis avec les esthétiques philosophiques de Hume, de Burke puis de Kant (Critique de la faculté de juger), la beauté redevient elle aussi profane, destinée non plus à édifier mais simplement à plaire. Les philosophes s’interrogent alors sur les critères du goût en art, dès lors qu’ils ne sont plus définis par des canons objectifs et transcendants. Leur réponse commune, par-delà la diversité de leurs orientations intellectuelles, est que le beau n’existe que dans et pour la subjectivité de celui qui exprime un jugement de goût. Mais du beau au bien, il n’y a qu’un pas, qu’une lignée de philosophes anglais franchissent sans tarder.

Pourtant, en dehors de la littérature et de l’art, l’image d’un bonheur proche et facile d’accès se répand largement. Le consumérisme pense acheter le bonheur au prix d’un simple plaisir : la grande distribution dont Zola dénonce déjà les travers dans Au bonheur des dames produit une apparence de bonheur inflammatoire, qui ne cesse de dévorer des produits et de se faire dévorer par la concurrence des vendeurs, ce qui n’est pas sans rappeler la critique platonicienne de la cité gouvernée par son << ventre » (Platon, République, II, 372c sq.).

 

Le bonheur serait-il tout au contraire dans l’extinction des désirs? L’hypothèse se fait jour une nouvelle fois chez un philosophe << pessimiste» comme Schopenhauer. Notre espoir de bonheur ne serait selon lui que l’expression du << vouloir-vivre » universel, tendance cosmique qui parcourt tous les êtres et vise simplement à leur préservation et à leur reproduction, à travers par exemple la reproduction animale. Le vouloir-vivre est donc sans fin, au double sens du mot ; il est éternel et n’a aucun autre but que lui-même, il est proprement absurde. Le vouloir-vivre condamne l’homme qui en est parcouru et ne peut s’en défaire à la souffrance et au malheur perpétuels qui en outre le lassent : une sorte d’ennui. Le bonheur ne peut consister que dans l’arrêt de cette souffrance, dans la négation du vouloir-vivre. Schopenhauer ne prône pas pour autant le suicide, mais un état qui s’apparente à l’ataraxie stoïcienne ou au nirvâna bouddhiste : la suppression de tout désir en soi. C’est donc la voie de l’abstinence et de la privation qu’il préconise, et tout ce qui peut conduire à l’arrêt du désir sera encouragé : l’art et la philosophie, principalement, qui, en favorisant la contemplation, produisent un arrêt du cercle sans fin des activités mondaines.

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De Marivaux à Rousseau : redécouverte du plaisir et de l'innocence Ainsi prend naissance au XVI e siècle un bonheur :rrivé et bourgeois, un bonheur de l'intimité et des joies* personnelles.

A la différence des tragédies du Grand Siècle ou même des pièces de Molière, les intrigues des comédies de Marivaux ou, en Italie, de Goldoni, ne sont plus dominées par des visées édificatrices.

Chez Marivaux, des personnages avant tout définis par leurs traits psychologiques, et non comme des figures sociales, mythiques ou existentielles, se livrent au Jeu de l'amour et du hasard, et s'interrogent gaiement sur leur propre identité (La Fausse Suivante, La Double Inconstance) : le bonheur apparaît lié aux intermit­ tences du cœur, non à des forces qui nous dépassent.

Un peu plus tard, dans La Religieuse, Diderot dénonce avec force le rigorisme et le sadisme des couvents au nom de l'aspiration légitime de chacun(e) au bonheur, flétrie par les demandes inhumaines de l'ascétisme monacal.

S'intéressant de plus en plus à l'individu pour lui-même, le XVI< siècle découvre aussi avec bonheur l'enfance.

Rousseau écrit le premier traité de pédagogie moderne, Émile ou De l'éducation, où il proclame à la fois la personnalité de l'enfant jusque-là traité uniquement comme une pro­ messe d'homme adulte et dépourvu de vie propre -et l'innocence de cet âge non encore perverti par la société 1• Chez Rousseau, la notion de péché originel devient profane :la faute originelle, c'est l'amour-propre développé par la vie en société ; et cette faute est un péché contre soi­ même, non contre Dieu.

En deçà de la société en revanche, la nature humaine demeure pure et capable du meilleur ; il ne dépend que de nous, et non plus d'un secours transcendant, de retrouver cette bonté originelle.

La nature humaine redevient donc digne de confiance, et les Rêveries du promeneur solitaire en harmonie avec la nature tout court per­ mettent à l'âme humaine de retrouver ce bonheur des origines (voir encadré. »

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