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La Condition Humaine Selon Malraux

Publié le 13/04/2014

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Bull. Acad. Natle Chir. Dent., 2005, 48 33 La Condition humaine selon Malraux Jean-Claude LARRAT* Malraux doit en partie sa célébrité au roman intitulé La Condition humaine (Goncourt 1933), mais les définitions de cette notion, dans son oeuvre, sont relativement rares. Nous retiendrons celle qui figure dans le roman (p 228 de l'édition "Folio" Gallimard). Il s'agit d'ailleurs plutôt d'un éclairage que d'une définition à proprement parler : "Il (Gisors, père du révolutionnaire communiste Kyo) a l'une des idées de Kyo : tout ce pour quoi les hommes acceptent de se faire tuer, au-delà de l'intérêt, tend plus ou moins confusément à justifier cette condition en la fondant en dignité : christianisme pour l'esclavage, nation pour le citoyen, communisme pour l'ouvrier". On sait que les philosophes, notamment les philosophes existentialistes du milieu du XXe siècle (Sartre, Gabriel Marcel...), opposent la notion de "condition humaine" à celle de "nature humaine". Pour Malraux, qui en fera de nouveau l'observation lors de la guerre d'Espagne, l'homme montre qu'il n'est pas tout entier déterminé par une nature (notamment envisagée comme un ensemble de contraintes biologiques) en "acceptant de se faire tuer". La Nature, en effet, a priori, n'intègre pas dans son ordre la mort volontaire. Elle n'admet que la mort nécessaire à la marche, au fonctionnement de son ordre, l'ordre de la Nature. Si Malraux ajoute "au-delà de l'intérêt", c'est parce que la poursuite (individuelle ou collective) de nos intérêts n'est, selon lui, que le prolongement de ce que nous demande l'ordre de la Nature. Sans doute, ce que nous entendons par "notre intérêt" ne se confond-il pas toujours avec ce que la Nature nous demanderait, c'est-à-dire l'entretien de notre santé par l'hygiène, problème médical par excellence. Nous pouvons nous tromper (nous égarer) sur notre intérêt véritable, naturel. Il reste que nous définirions "notre intérêt" comme ce qui nous attache à la préservation ou au développement de notre être (ce que nous demande aussi la Nature), même si ce n'est plus, stricto sensu, notre être naturel (notre corps supposé objectif) mais tout ce dans quoi nous nous identifions ou reconnaissons, fût-ce fantasmatiquement. Ainsi, accepter de se faire tuer (voir les exemples envisagés par Malraux), c'est montrer que l'on est capable de refuser un ordre établi, c'est-à-dire un ordre politique, social, religieux..., qui se donne pour aussi nécessaire et contraignant que l'ordre de la Nature lui-même, par exemple en prétendant nous donner une identité * Professeur de littérature française à l'université de Caen. 34 Bull. Acad. Natle Chir. Dent., 2005, 48 fixe. C'est aussi montrer que l'on n'est pas dupe de l'image rassurante, "intégrée", légitimée, de la mort que proposent, en général, les ordres de ce genre. Car c'est peut-être la principale force de ces ordres sociaux, politiques ou religieux, que de présenter comme nécessaire (on meurt parce qu'il faut laisser la place aux autres générations, ou parce qu'il faut préserver la pérennité, ou l'autorité de la communauté à laquelle on appartient, etc.) une mort qui, dans la réalité, est toujours crainte et ressentie comme injustifiable, scandaleuse. En s'affirmant maître de sa mort, l'homme montre qu'il n'est pas déterminé par la Nature et qu'il entend ne pas l'être non plus par ce qui prend modèle sur elle. Il n'y a pas de "nature humaine", mais seulement une "condition humaine&q...

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