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La création artistique est elle au service du réel

Publié le 12/04/2005

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Cet effort d'adaptation crée un cercle d'habitudes à l'intérieur duquel sont encloses nos pensées et nos actions. Chacun doit reconnaître certaines situations pour y apporter une réponse appropriée en mobilisant une stratégie efficace. Devant un danger, il s'agit de l'éviter et d'avoir les moyens de le faire. * Cette nécessaire adaptation se prolonge, pour tout être humain, dans le domaine culturel. Il s'agit d'apprendre les règles de construction du langage, les codes de la politesse ou les marques d'attention envers autrui. Or, quand ces repères naturels et sociaux sont affectés, un être humain est menacé par un mal qui l'éloigne de la réalité. ( La nausée de Sartre) * Mais si les règles de la réalité nous adaptent, elles emprisonnent également. A force d'interposer entre moi et le monde des habitudes, je ne finis par le voir que d'après leur seul point de vue. Cette forêt peuplée d'arbres centenaires n'est pour moi que le chemin quotidien menant à mon travail. Cette femme avec laquelle je me suis marié n'est plus investie que par des attentes et des désirs communs : une poêle dans la main droite et une rose dans la main gauche.

« présence la plus authentique.Quelles sont ces conventions ? « Ce sont des signes conventionnels qui nous permettent de reconnaître l'objet etde le distinguer pratiquement d'un autre.

» Bergson vise ici les mots de notre langage qui sont interposés, commedes étiquettes le sont sur des produits de consommation, entre les objets et nous.Ces mots nous procurent cette « commodité » qui est celle de la communication, laquelle rend l'échange plus facile,le travail plus aisé et, avec lui, une meilleure satisfaction des besoins.

« Il fallait vivre, écrit Bergson dans Le Rire, etla vie exige que nous appréhendions les choses dans le rapport qu'elles ont à nos besoins.

Vivre consiste à agir.Vivre, c'est n'accepter des objets que l'impression utile pour y répondre par des réactions appropriées.

»Ce que nous regardons du monde extérieur est donc simplement ce que nos sens en extraient pour éclairer notreconduite en vue de satisfaire nos besoins.

Comment cette « simplification pratique », par laquelle nous écartons del'objet tout ce qui ne correspond pas à son utilité, s'opère-t-elle ?Les mots ne sont pas des étiquettes blanches.

Ils renvoient à un sens, ils englobent une définition que nous avonstoujours à l'esprit quand nous regardons le monde.

Cette définition, que le philosophe appelle le « concept» del'objet, se résume le plus souvent à une formule qui porte sur sa fonction, à laquelle il est réduit.Quand nous voyons des chaussures comme celles que Van Gogh a représentées en 1886 dans son tableau Souliersavec lacets, ne voyons-nous pas autre chose qu'une paire de semelles recouvertes de cuir, le tout assemblé avecdes clous et de la couture, pour servir à chausser des pieds ? Or le concept qui est associé au mot « chaussures »et qui les réduit à leur fonction la plus générale, convient à toutes les paires de chaussures, et nous empêche devoir cette paire-ci dans sa singularité, dans l'épaisseur de sa présence unique.Ce sont donc bien ces conventions (les mots et leurs concepts) qui constituent ce voile dont parlait Bergson.Cependant, l'artiste est seul capable de « mettre le feu à toutes ces conventions », en portant sur le monde un oeilqui n'est pas celui de la consommation.

Son regard est désintéressé et il redécouvre les êtres et les objets dans leurmystère et dans leur plénitude.

Cette attitude concerne aussi bien les réalités naturelles que les objets techniques.Lorsque le peintre représente, sous forme de « natures mortes », des aliments, des fruits par exemple, il oublie cequ'ils signifient pour nos yeux de consommateurs et les regarde pour eux-mêmes.

La contemplation se substituealors à l'intérêt.C'est pourquoi le regard de l'artiste est un « voir » plus profonde, car il est plus entier.

Il repose sur le mépris de «l'usage pratique et [des] commodités de la vie », conversion du regard qui seule peut nous amener à pénétrer laréalité de la manière la plus intense.C'est pourquoi Bergson écrit, dans Le Rire, que l'art, « qu'il soit peinture, sculpture, poésie ou musique, [...] n'ad'autre objet que d'écarter les symboles pratiquement utiles [...

] pour nous mettre face à face avec la réalitémême ».

• Mais l'art qui libère du réel quotidien permet-il vraiment d'accéder à la réalité sans voile ? La réalité,conçuecomme une donnée universelle et nécessaire,ne s'oppose-elle pas aux multiples réalités engendrées par la créationartistique ? 2-Le réel comme loi rappel à l'ordre un art qui voudrait s'en émanciper . • On peut soutenir l'idée selon laquelle l'art n'atteint pas la réalité, mais une réalité.

C'est en effet à la science de semettre au service d'une réalité objective.• Un artiste qui prétend conformer son art à la science crée contre sa propre opinion.

Cela semble être le cas desthéories du roman naturaliste de Zola.

Pour Zola, l'art doit être une application de la science et une fenêtretransparente sur le réel.

Or cette opinion s'oppose à la puissance du fantastique et des métaphores de ses romanset renvoie à une vision idéologique de la science (le positivisme).• Il semble bien plus raisonnable d'affirmer que l'art ne dévoile pas une réalité, mais démultiplie nos points de vue surla réalité.

C'est la thèse de Proust.« Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous voyons le monde se démultiplier, et, autant qu'il y ad'artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceuxqui roulent à l'infini, et, bien des siècles après que s'est éteint le foyer dont il émanait, qu'il s'appelât Rembrandt ouVermeer, nous envoient encore leur rayon spécial »• Dès lors, l'art est suspecté de faire plonger la réalité dans l'intériorité de l'artiste.

Par son imagination, ses désirs,ses peurs l'artiste devient le principe dominant de son monde.

Le risque est alors grand de plonger avec lui dans sonpropre fantasme.

D'où les critiques constantes de Platon contre l'art qui fait passer l'image pour la réalité et enfermele désir dans des spectacles éphémères et futiles.•Néanmoins peut-on soutenir absolument que l'art ne se rapporte au réel comme loi que pour le transgresser ? Sonquestionnement de la loi n'a-t-il pas pour fonction d'inscrire une loi plus juste dans notre réel ? 3-L'art rend service au réel, non en s'opposant à sa loi, mais en la modifiant.

• On peut remarquer que l'art le plus transgressif ne s'oppose pas à toute loi puisqu'il cherche au moins à se fairereconnaître comme art.

L'art contemporain, dans sa fantaisie et son excentricité, ne fait pas l'économie des lieuxd'exposition et des galeries marchandes.• Dans son processus de création, l'oeuvre ne peut être une simple plongée dans l'intériorité de l'artiste.

Car ellen'est pas l'équivalente extérieure d'une réalité intérieure.

Les images initiales et les plans d'une oeuvre ne suffisent. »

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