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La création artistique est elle un travail ?

Publié le 31/01/2012

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travail

Se demander si la création artistique est un travail, c'est se poser la question de la nature et de la spécificité de l'art au sein des activités humaines.

A priori, on aurait tendance à répondre que l'art est hétérogène au monde du travail, le créateur se définissant précisément comme non réductible au technicien.

Étymologiquement, art vient du latin ars qui signifie technique. Dès lors, on peut définir l'art comme l'ensemble des productions issues de l'habileté humaine : le monde de l'art se distingue ainsi du monde naturel. Pourtant, la création artistique se distingue d'une production dans la mesure où elle seule exprime une singularité. Dans cette mesure, le terme d'art ne désigne pas ici l'ensemble des productions humaines mais, plus spécifiquement, les beaux-arts, c'est-à-dire l'ensemble des créations humaines ayant une visée esthétique, et dans lesquelles s'exprime une sensibilité singulière.

Mais pourquoi serait-il impossible d'identifier la création artistique à un type de travail ? L'artiste n'est-il pas un travailleur, appliquant des techniques à un matériau extérieur à lui ? Et si l'art n'est pas un travail, d'où provient l'oeuvre d'art ? Peut-on la penser, a contrario, comme issue d'une inspiration, d'un don propre à l'artiste ?

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« brut, s'inscrit dans cette définition du travail.

L'oeuvre d'art, en effet, n'est pas issue de la nature mais de l'actionexercée par l'homme sur la nature, par le biais de techniques.Mais n'y a-t-il pour autant aucune spécificité de l'oeuvre d'art au sein des productions humaines ? La genèse d'uneoeuvre d'art est-elle vraiment la même que celle de n'importe quel objet technique, fruit du travail humain ? 2.

La création artistique n'est pas un travail A.

L'oeuvre d'art est unique C'est précisément la question que se poseKant dans la Critique de la faculté de juger, en s'efforçant de mettre au jour la spécificité de la création artistique.L'oeuvre d'art, dit-il, se caractérise avant tout par sa singularité, et par sa nouveauté.

Par conséquent, on nesaurait expliquer sa genèse par la seule application de techniques à un matériau brut : car ceci supposerait quel'oeuvre d'art soit reproductible.

Or, la valeur d'une oeuvre nous semble liée à son caractère unique.

Il faut doncdistinguer l'oeuvre d'art en tant que création du reste des productions humaines, ces productions étant, elles,indéfiniment reproductibles par des hommes indifférents, pourvu qu'on leur apprenne les techniques ayant présidé àleur apparition.

Mais qu'est-ce qui permet d'expliquer, alors, l'unicité de l'oeuvre d'art ?B.

La création artistique est le fait du génie Si la création artistique n'est pas réductible à un travail, explique Kant,c'est parce qu'il existe, au-delà de l'humanité commune, ce qu'il appelle des « génies ».

Étymologiquement, rappelle-t-il, le génie désigne une divinité singulière, propre à un lieu - il s'agit donc de ce qui anime un lieu, ou un homme,sans que l'on puisse expliquer d'où vient cette force.

Le génie, précise-t-il, se caractérise par son caractèresingulier - autrement dit, par sa différence - et original - le génie crée ce qui n'existait pas avant lui.

Investid'un don miraculeux, le génie créerait facilement et librement, comme une nature incarnée dans un homme, et sansque l'on sache pourquoi tel homme, et non tel autre, est investi de ce don.Mais alors, la création artistique est-elle rigoureusement distincte d'un travail marqué par l'effort, la pénibilité etla reproductibilité de ses créations ? Et si nous restons impuissants à expliquer la genèse de l'oeuvre d'art autrementque par un don, le génie n'est-il pas, au fond, l'objet d'une simple croyance ? 3.

La création artistique est un travail que l'on veut ignorer en tant que tel A.

Le génie est l'objet d'une croyanceC'est là le sens de la critique nietzschéenne de la notion de « génie » : comment expliquer la genèse d'une oeuvreindépendamment d'un travail ? Autrement dit, comment rendre compte rationnellement de la notion de génie ? Entant que telle, dit Nietzsche, il s'agit là d'une notion qui ne peut être expliquée - car pourquoi certains hommesseraient-ils investis d'un don, et pas d'autres ? Et si nous ne pouvons pas l'expliquer, pourquoi devrions-nousaccepter de croire à l'idée de « génie » ? En réalité, dit Nietzsche, le génie ne correspond à aucune réalité, et il fautchercher l'origine de cette croyance en se demandant à quel besoin elle répond - car toute croyance, suppose-t-il,a pour origine un besoin.

B.

Cette croyance nous rassureQu'est-ce qui explique notre croyance au génie ? Tout d'abord, dit Nietzsche, il est profondément rassurant, pourdes hommes fondamentalement médiocres et paresseux, de croire qu'il existe, au-delà de cette humanité moyenne,une humanité supérieure, quasi-divine, élue sans que l'on sache pourquoi ni comment.

Car ces « élus » inspirés queseraient les génies ne sont donc pas à notre portée, mais distincts de nous par nature : ce qui rend inutiles nosefforts pour les rejoindre, et nous dispense de les jalouser.

Par conséquent, croire au génie, c'est-à-dire croire quel'oeuvre d'art provient d'un naturel génial et non d'un travail, nous conforte dans notre paresse, dans notre refus del'effort.C.

Nous prenons plaisir à croire aux miracles Par ailleurs, croire au génie nous procure un plaisir enfantin : c'est que,dit Nietzsche, nous aimons croire aux miracles, c'est-à-dire aux faits qui se produisent sans qu'on puisse leurassigner de cause.

Il s'agit là d'un plaisir enfantin, qui nous porte à croire à ce qu'on n'est pas en mesured'expliquer.

Ainsi, nous préférons croire que la création artistique est facile et engendrée spontanémentpar le génie,que d'envisager l'art dans sa dimension laborieuse.

Mais derrière la perfection de l'oeuvre, dit Nietzsche, ce que nousne voulons pas voir, comme des enfants refusant de voir le mécanisme à l'oeuvre à l'intérieur d'un pantin, c'estla genèse de l'oeuvre, à savoir l'effort, l'échec, le tri opéré par l'artiste au sein des techniques et des matériaux, et,au final, le labeur nécessaire à la réalisation de l'oeuvre.

ConclusionEn définitive, la création artistique est bien un travail, travail spécifique puisque visant l'expression d'une singularité,mais qui reste de l'ordre de l'effort, de la pénibilité et, en même temps, du plaisir lié à la réalisation de soi à traversl'oeuvre.

Séparer la création artistique du travail, c'est finalement nier le processus de réalisation de l'oeuvre pour seréfugier dans une conception miraculeuse de l'art que rien ne saurait justifier.

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