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La crue de la fortune

Publié le 19/03/2015

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La crue de la fortune

...pour que notre libre arbitre ne soit éteint, j'estime qu'il peut être vrai que la for­tune soit maîtresse de la moitié de nos oeuvres, mais qu'aussi elle nous en laisse gouverner à peu près l'autre moitié. Je la compare à l'une de ces rivières, coutu­mières de déborder, lesquelles se courrouçant noient à l'entour les plaines, détrui­sent les arbres et maisons, dérobent d'un côté de la terre pour en donner autre part ; chacun fuit devant elles, tout le monde cède à leur fureur, sans y pouvoir mettre rempart aucun. Et bien qu'elles soient ainsi furieuses en quelque saison, pourtant les hommes, quand le temps est paisible, ne laissent pas d'avoir la liberté d'y pour­voir et par remparts et par levées, de sorte que si elles croissent une autre fois, ou elles se dégorgeaient par un canal, ou leur fureur n'aurait point si grande licence et ne serait pas si ruineuse. Ainsi en est-il de la fortune, laquelle démontre sa puis­sance aux endroits où il n'y a point de force dressée pour lui résister, et tourne ses assauts au lieu où elle sait bien qu'il n'y a point de remparts ni levées pour lui tenir tête.

 

Machiavel, Le Prince, xxv, trad. Gohory, Gallimard.

Les princes d'Italie, contemporains de Machiavel, ne surent agir comme le demandaient les circonstances, ni comme l'aurait requis leur rôle politique. Lâches devant les nobles, peu soucieux de rigueur militaire, serviles à l'égard de la tradi­tion, ils ne surent jamais gagner la confiance du peuple. Bref, enlisés dans leurs ambitions à courte vue, jamais ils ne pensè­rent que le destin de l'État dépendait essentiellement de leur propre résolution, de leur virtu. Par un fatalisme paresseux, qui signait leur incurie volontaire, ils en arrivèrent à accuser la Fortune, entité en laquelle ils se dessaisissaient de leur pouvoir propre.

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