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La découverte de l'inconscient rend-elle vaine toute prétention de l'homme à se reconnaître ?

Publié le 07/03/2005

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Davantage, tu vas jusqu'à tenir « psychique » pour identique à « conscient » , c'est à dire connu de toi, malgré les preuves les plus patentes que, dans ta vie psychique, il doit en permanence se passer beaucoup plus de choses qu'il n'en peut accéder à ta conscience. Accepte donc sur ce point de te laisser instruire. Le psychique en toi ne coïncide pas avec ce dont tu es conscient, ce sont deux choses différentes, que quelque chose se passe dans ton âme, et que tu en sois par ailleurs informé. Je veux bien concéder qu'à l'ordinaire, le service de renseignements qui dessert ta conscience suffit à tes besoins. Tu peux te bercer de l'illusion que tu apprends tout ce qui revêt une certaine importance. Mais dans bien des cas, par exemple dans celui d'un conflit pulsionnel de ce genre, il est en panne, et alors, ta volonté ne va pas plus loin que ton savoir. Mais dans tous les cas, ces renseignements de ta conscience sont incomplets et souvent peu sûrs, par ailleurs, il arrive assez souvent que tu ne sois informé des évènements que quand ils se sont déjà accomplis et que tu ne peux plus rien y changer. Qui saurait évaluer, même si tu n'es pas malade, tout ce qui s'agite dans ton âme et dont tu n'apprends rien, ou dont tu es mal informé ? Tu te comportes comme un souverain absolu, qui se contente des renseignements que lui apportent les hauts fonctionnaires de sa cour, et qui ne descend pas dans la rue pour écouter la voix du peuple. Entre en toi-même, dans tes profondeurs, et apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu dois devenir malade, et tu éviteras peut-être de le devenir.

La découverte de l’inconscient fait exploser l’unité du moi : une partie de celui-ci nous échappe. Reste cependant la partie consciente du moi sur laquelle nous avons toujours une prise, d’où notre première question :

I – La conscience peut-elle prendre l’inconscient pour objet ?

En admettant que cela soit possible, cette reconnaissance qui tenterait d’envisager en nous aussi bien la dimension consciente que la dimension inconsciente n’est-elle pas directement biaisée par le fait que l’opération de reconnaissance puisse être dirigée par l’inconscient lui-même ? Par exemple, est-il possible de reconnaître ses défauts si le défaut lui-même empêche sa propre reconnaissance ? Nous proposons de synthétiser ces problèmes en une unique question :

II – Qui reconnaît ?

« Reconnaître son « moi », en un sens, le reconstituer, commence donc par une reconnaissance de l'inconscient lui-même.

Comment cela est-il possible ? En reconnaissant comme inconscient tout ce qui n'est pas conscient.

Puisquenous sommes obligés de prendre pour point de départ de la reconnaissance la conscience elle-même, ce n'est quenégativement que notre part d'inconscient peut-être reconnue. II – Qui reconnaît ? Il demeure pourtant un présupposé : nous avons dit que le point de départ de la reconnaissance était la conscienceelle-même.

Mais comment être certain que l'inconscient n'agit pas déjà sur la conscience, autrement dit, que cen'est pas l'inconscient qui reconnaît ? Référence : Freud, Essais de psychanalyse appliquée « La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbides inquiétants, elleorganise de longues et minutieuses recherches, elle se forge des notions desecours et des constructions scientifiques, et, finalement, peut dire au moi : « Il n'y a rien d'étranger qui se soit introduit en toi, c'est une part de tapropre vie psychique qui s'est soustraite à ta connaissance et à la maîtrise deton vouloir.

C'est d'ailleurs pourquoi tu es si faible dans ta défense; tu luttesavec une partie de ta force contre l'autre partie, tu ne peux pas rassemblertoute ta force ainsi que tu le ferais contre un ennemi extérieur.

(...) La faute,je dois le dire, en revient à toi.

Tu as trop présumé de ta force lorsque tu ascru pouvoir disposer à ton gré de tes instincts sexuels et n'être pas obligé detenir compte le moins du monde de leurs aspirations.

Ils se sont alors révoltéset ont suivi leurs propres voies obscures afin de se soustraire à la répression,ils ont conquis leur droit d'une manière qui ne pouvait plus te convenir.(...) Lepsychique ne coïncide pas en toi avec le conscient : qu'une chose se passedans ton âme ou que tu en sois de plus averti, voilà qui n'est pas la mêmechose(...).»C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi.

Mais lesdeux clartés qu'elle nous apporte : savoir, que la vie instinctive de lasexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par uneperception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison.

» Freud tranche radicalement la question : « le moi n'est pas maître dans sa propre maison.

» conclut-il.

Si donc lapsychanalyse ouvre les portes de l'inconscient, celui-ci pourtant reste le maître en sa demeure.

Le moi reste doncdéfinitivement éclaté, contraint de partager son espace conscient avec l'inconscient. Se reconnaître, ce n'est donc pas éliminer en soi toute part d'inconscient, mais d'abord admettre que celui-ci doitdemeurer et dominer.

La prétention à se reconnaître n'est pas vaine, pour autant qu'on ne confonde pas lareconnaissance avec la connaissance.

Se connaître entièrement reviendrait en effet à être intégralement conscientde soi ce qui, dans une perspective freudienne, est absurde. Transition : L'analyse freudienne retrouve finalement l'unité du moi : la reconnaissance est réconciliation de la conscience avecl'inconscient.

Cette unité mérite d'être à nouveau interrogée : en effet, elle ne rend compte que de la consciencede soi.

La réconciliation n'est possible qu'à condition d'une plongée en soi-même (cf.

le premier texte).

Mais laconscience n'est pas que conscience du sujet enfermé en lui-même, elle est également et avant tout conscience dumonde.

A quoi bon alors se reconnaître si je ne me reconnais pas comme dans le monde mais seulement en moi-même ? III – Heidegger et la reconnaissance de soi comme être-au-monde.. »

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