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La démarche métaphysique est-elle une utopie ?

Publié le 27/02/2008

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  L'Utopie de Thomas More est la description d'une cité idyllique qui se situe, comme son nom l'indique, « nul part. » Ce terme en est venu ainsi à désigner une description d'une situation parfaite, mais irréalisable concrètement. Or la métaphysique semble pouvoir être désignée ainsi. En effet, elle vise à connaître, sans recours à l'expérience, directement par l'usage de la pensée rationnelle, les premiers principes de la réalité.  Une telle démarche semble bien la meilleure possible, car si elle fonctionnait, elle permettrait de connaître ce qui vaut pour tout objet quel qu'il soit, pour l'être en général. Mais la métaphysique ne semble pouvoir réaliser concrètement ces découvertes car, puisqu'elle ne fait intervenir aucun rapport à l'expérience, il semble qu'elle ne puisse connaître quoi que ce soit.   Néanmoins, la métaphysique peut aussi désigner une démarche qui ne part pas de rien et cherche par ses seuls moyens à décrire l'ensemble de la réalité, mais au contraire s'appuie sur notre vécu du monde ou sur les autres disciplines scientifiques. Ainsi, on parle souvent de la métaphysique propre à un auteur littéraire, ou de celle qui est nécessaire à la physique ou à la biologie. En effet, la démarche métaphysique ne vise pas uniquement à connaître les premiers principes de la réalité, mais aussi des sciences par exemple, en essayant de déterminer quel est le monde que décrivent le contenu des théories scientifiques. Ainsi il semblerait qu'elle aille puiser les connaissances dont elle a besoin à d'autres sources qu'elle même et serait ainsi à même de réaliser ses objectifs. Mais n'est-elle pas alors encore une utopie ? Car les utopies ne sont pas complètement déconnectées de la réalité : elles s'en inspirent, souvent à des fins critiques, et la reflète. La démarche métaphysique n'est-elle pas équivalente à cet usage de l'utopie ?   Le problème ici posé est en réalité celui de l'adéquation de la fin de la démarche métaphysique avec les moyens qu'elle met en oeuvre pour y parvenir : est-elle capable de réaliser concrètement ce qu'elle projette ? Sa fin est-elle vraiment un but idyllique et plus haut que les objectifs des autres démarches, ou est-ce une fin critique ?

« sortent jamais de lui.

Ainsi par exemple, dire qu'un triangle a trois angles est un jugement analytique, car on ne faitque dire ce qui définit un triangle.

Par contre dire qu'un triangle rectangle a deux cotés dont la somme des carrésvaut le carré du troisième est un jugement « synthétique » qui décrit ce qui n'est pas impliqué directement dans ladéfinition du concept.

Mais pour lier ce concept de triangle à autre chose que lui-même, il faut en passer par uneintuition, qui est dans ce cas précis une intuition pure, qui ne concerne que l'espace, qui est une forme de notreperception.C./ Ainsi, vouloir connaître sans intuition est bien une démarche utopique.

C'est celle de la métaphysique.

Dans lapréface, Kant décrit ainsi cette démarche de la raison : c'est une colombe qui sentant la résistance de l'air (c'est-à-dire de l'expérience) sur ses ailes image qu'elle pourrait mieux voler (c'est-à-dire connaître) dans le vide où il n'y apas d'air ; mais dans ce vide il n'y a aucun air qui porte la raison et celle-ci s'effondre.

Il est clair dans cet imageque le but de la métaphysique (connaître sans le conditionnement de l'expérience les plus généraux des objets) estcertes idéal mais irréalisable (car toute connaissance suppose un intuition et des concepts, et que la métaphysiquene se permet l'usage que des seconds).

Il s'agit donc bien d'une démarche utopique.

Néanmoins, cela n'implique pas qu'il n'existe qu'un seul type de démarche métaphysique.

En existerait-il un quis'appuierait sur l'expérience et les sciences expérimentales et permettrait de réaliser les objectifs qu'elle se donne ? III./ La métaphysique alliée aux sciences positives.A./ Si l'on ne pense la métaphysique que comme la science des premiers principes de la réalité, il semble clair qu'ellene peut réaliser ses buts, car elle se prive de l'aide des sciences expérimentales qu'elle prétend pourtant réguler enrecherchant les déterminations les plus générales de l'être.

Mais la métaphysique peut très bien elle aussi intervenirdans les « questions de fait » comme l'écrit Bergson dans le chapitre III de l' Evolution créatrice , si on la considère plutôt comme une forme de systématisation des principes implicites ou explicites contenus dans les connaissancesempiriques.

Ainsi par exemple, la connaissance physique a souvent une perception moniste du monde où toute lamatière est la même et où les objets ne sont différenciés que par des degrés de complexités.

Par contre, laconnaissance biologique, elle, a une vision plus différenciée du monde : elle est souvent vitaliste en ce qu'elleconsidère qu'il y a une différence de nature entre les corps vivants et les corps inertes.B./ Il semble donc que la métaphysique puisse intervenir auprès des sciences dites « positives.

» Celles-ci reposentsur des faits : mais ceux-ci sont relatifs à la manière dont on appréhende le réel.

Comme le dit Bergson « les lois[scientifiques] sont intérieures aux faits et relatives aux lignes qu'on a suivies pour découper le réel en faitsdistincts.

» Or ce découpage du monde est l'affaire de la philosophie, et plus particulièrement de la métaphysique.Par exemple, la distinction rigoureuse que Descartes établit entre l'âme et le corps, permet de distinguer dans le réelentre les humains et le reste de la matière, qui est peut-être animée et vivante, mais qui ne représente pas uneautre substance que la matière inerte.

C'est donc sur cette distinction que repose le mécanisme cartésienconsidérant qu'il n'existe de mouvements dans cette matière que causer par des chocs et des causes incidentes.Chaque métaphysique permet donc de réaliser certains découpages du réel qui permettent ensuite de formuler desdoctrines scientifiques.C./ Mais alors, la métaphysique est-elle encore une démarche utopique.

Non apparemment, car elle ne vise pas tantla connaissance que la formulation claire et distincte des présupposés des théories scientifiques : elle peut doncréaliser ses buts.

Mais cette démarche conserve quelque chose de fortement utopique : en produisant un mondeparfait quoiqu'irréel, l'écrivain d'utopie ne fait que jouer avec son imagination, il critique aussi les sociétésexistantes.

Or c'est aussi ce que produit la métaphysique : en mettant à jour les présupposés des théories etpratiques scientifiques – ou morales, ou politiques, ou culturelles, etc.

– elle montre comment celles-ci s'en écartentparfois.

Ainsi, il y a bien une dimension utopique de la démarche métaphysique, mais celle-ci ne concerne pasl'inadéquation de ses moyens par rapport à son objectif.

Ainsi, il semble que l'on puisse ne répondre à cette question « la démarche métaphysique est-elle utopique ? »qu'en changeant le sens péjoratif qu'on attribue normalement à cet adjectif.

Certes, la métaphysique scolastique –telle que la connaissait par exemple Kant – était avant tout une démarche inadéquate aux prétentions trop hautes.Mais la métaphysique telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui est au contraire une métaphysique qui s'allie aux autresformes de savoir et de pratiques, comme le recommandait Kant lui-même en montrant que si elle ne pouvaitconnaître ses objets elle pouvait du moins les penser, c'est-à-dire en formuler des définitions claires et non-contradictoires.

Ainsi, la métaphysique a bien une démarche utopique, mais uniquement si on entend par là laconstruction fictionnelle mais à visée critique de modèles inspirés des connaissances et pratiques réelles.. »

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