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La démonstration a-t-elle des limites ?

Publié le 27/02/2008

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« Démonstration » est un de ces vastes mots où l'on englobe des choses extrêmement variées : on parlera ainsi de « démonstration de force » pour un état s'apprêtant à faire la guerre, de démonstration mathématique dans une salle de classe ou encore de démonstration de produits dans un rayon de supermarché. S'il peut sembler étrange au premier abord d'utiliser, dans des cas aussi différents, à chaque fois ce même mot, on entrevoit pourtant ce qui unifie ces divers sens : il s'agit, à chaque fois, de montrer à autrui quelque chose d'une certaine manière. La démonstration apparaît ainsi plus comme une procédure qu'un savoir (ou à la limite un savoir-faire). En tant que procédé, elle semble ainsi applicable à nombre de domaines. Toutefois, cette pluralité de domaines amène à s'interroger sur la validité de ce procédé dans certains domaines, n'y a-t-il pas en effet des limites à la démonstration ? N'est-elle pas véritablement démonstration qu'au sein de certains domaines, pour n'être, dans d'autres contextes, que rhétorique ou force de conviction par exemple ? On peut en effet douter qu'une démonstration mathématique est le même statut qu'une démonstration de produits : si dans les deux cas, il s'agit d'emporter l'adhésion de l'auditoire ou du lecteur, les moyens d'y parvenir ne sont-ils pas éminemment différent ?  De plus, au-delà de ces problèmes d'applications selon les domaines considérés, n'y a-t-il pas au sein même de ses domaines privilégiés, des limites à la démonstration, n'est-elle pas loin d'être aussi toute-puissante qu'on veut bien le croire parfois ?

« Aristote dans les Topiques dit : « Le syllogisme est un discours dans lequel, certaines choses étant posées,une autre chose différente d'elles en résulte nécessairement, par les chosesmêmes qui sont posées.

C'est une démonstration quand le syllogisme partde prémisses vraies et premières, ou encore de prémisses telles que laconnaissance que nous en avons prend elle-même son origine dans desprémisses premières et vraies ». On voit ainsi qu'une démonstration est un syllogisme particulier : celui dontles prémisses sont vraies.

Aristote introduit par là deux garde-fous, quipermettent de spécifier ce qu'est une véritable démonstration : - C'est un syllogisme valide, c'est-à-dire que le raisonnement est correct. - Mais un raisonnement correct pouvant amener à une conclusion fausse, il précise aussi que les prémisses doivent être vraies.

[Ainsi le raisonnementsuivant en lui-même est correct, mais ça ne garantit pas pour autant savérité de fait : a- Tous les animaux marins de grande taille sont des poissons b- Or la baleine est un animal marin de grande taille Conclusion : la baleine est un poisson.]Ainsi, une fois ces limites posées pour définir ce qu'est une bonnedémonstration, la démonstration dans ces limites précises semble toute-puissante et deviendra un modèle à suivre dans le champ du savoir dont l'archétype sera les mathématiques et la logique (c'est ainsi que Spinoza écrira son Ethique à la façon des géomètres : avec des propositions et les démonstrations qui les enchainent).

B- L'idéal de la démonstration : le modèle des mathématiques.

La démonstration mathématique est ainsi le modèle d'excellence de la démonstration depuis les Eléments d'Euclide : à partir des définitions, axiomes, postulats et notions communes qui sont les propositions premières (mais nondémontrées), et par déduction, on démontre des théorèmes qui pourront à leur tour servir dans la démonstrationd'autres théorèmes .

L'application de cette méthode dans les autres sciences, et qui va de pair avec la mathématisation de celles-ci, a ainsi permis de grandes découvertes, donnant l'impression d'une toute-puissance dela démonstration lorsque celle-ci est accomplie correctement.Toutefois, ici encore, il semble y avoir quelques limites à ce que peut la démonstration.

En effet, la démonstrationentendue en ce sens ne "montre" plus assez : sans le secours de l'expérimentation ne serait-elle pas assezimpuissante ? De plus, le résidu d'indémontré dans ce modèle logico-mathématique n'est-il pas une limite et une faillede la démonstration ? III- Limites du modèle logico-mathématique.

A- Le problème de la "fondation" Une des limites de ce type de démonstration réside évidemment dans les vérités premières : si elles ne sont pasdémontrées qu'est-ce qui les légitime ? L'évidence ? Le sens commun ? Tout le problème étant que si l'évidence esttrompeuse, c'est toute la démonstration qui s'effondre.

Dès lors fut formulé un idéal où toutes les propositionspremières seraient démontrables au sein du système : prétention que critiquera vivement Pascal : « Certainement cette méthode serait très belle, mais elle est absolument impossible : car ilest évident que les premiers termes qu'on voudrait définir en supposeraientde précédents pour servir à leur explication, et que de même les premièrespropositions qu'on voudrait prouver en supposeraient d'autres qui lesprécédassent ; et ainsi il est clair qu'on n'arriverait jamais aux premières.

»(Pascal, L'esprit géométrique… ) [Frege réamorcera néanmoins ce projet, projet qui sera définitivement tué parle théorème de Gödel qui prouve que ce projet est vain dans l'absolu…] B- La nécessaire confrontation à l'expérience. De plus, comme on l'a vu précédemment, un raisonnement peut être correctsans toutefois correspondre à une vérité de fait, et si cela n'est pas gênantdans un cadre mathématique où les objets sont des êtres de raison, celaimplique par contre un recours à l'expérience pour ce qui est des autresdomaines du savoir : ainsi la physique qui doit confronter ses théories àl'expérimentation.

C'est ainsi qu'apparaît une autre limite de la démonstration :on ne peut se contenter de démontrer, il faut aussi montrer.

Conclusion : Si la démonstration au sens commun est apparemment sans limite, c'est justement parce qu'on ne limite pas avecprécision et rigueur ce qu'il faut entendre par « démonstration ».

Dès qu'on le fait, la démonstration peut apparaître. »

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