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La fin et les moyens

Publié le 25/01/2020

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Le problème est difficile, complexe, mais il n’est pas insoluble. Remarquons d’abord que l’on ne peut jamais, au sens exact du terme, mettre le mot « fin » au terme d’une série d’actes comme on le met à la dernière image d’un film. La vie ne s’arrête pas, elle continue. Faire torturer un partisan pour obtenir de lui tous les renseignements possibles sur son groupe que l’on sait prêt à fomenter des attentats extrêmement dangereux, cela peut sembler permis puisqu’en torturant un seul homme on se trouvera en mesure d’en sauver beaucoup d’autres. Mais ce n’est même pas sûr : si le militant ne parle pas ou s’il donne de faux renseignements, la fin ne sera pas atteinte, elle n’aura donc pas, selon la logique même des tenants de la formule, justifié le moyen. Et surtout, même si les indications recherchées ont été obtenues, même si en effet les victimes qui auraient péri dans le prochain attentat ont bien pu être sauvées, est-ce que l’histoire est finie pour autant ? Ceux qui ont donné les ordres voudraient le croire, mais presque toujours au contraire la torture multiplie les rebelles, fournit des arguments à leur propagande, accroît leur volonté. L’engrenage du terrorisme et de la répression devient in-arrêtable, et la « démoralisation » des uns (le terme est significatif) progresse ordinairement plus vite que la crainte et la résignation des autres. En fin de compte, très souvent, le but général est manqué lui aussi, le pays qu’on voulait garder est perdu quand même ; on n’a rien obtenu, que la honte.

Cela ne signifie pas que des moyens très cruels ne doivent parfois être employés dans des circonstances elles-mêmes très cruelles. Lors du naufrage du Titanic, des officiers responsables de certaines chaloupes de sauvetage remplies de femmes et d’enfants ont dû couper à la hache les mains de malheureux qui s’agrippaient à leurs bords et allaient tous les faire couler. La pitié aurait été inconséquente, absurde. Personne n’aurait été sauvé.

Mais cela signifie deux choses :

D’une part, il ne faut jamais oublier qu’une action ou une série d’actions n’a pas seulemenf une « fin » immédiate ou à très court terme ; elle a inévitablement des conséquences à moyen et à long terme tout aussi importantes à examiner car elles pourraient être de sens absolument contraire à celui des premiers résultats obtenus.

« L'IMPASSE Et pourtant il n'est guère de mot plus trompeur que celui de «fin» par lequel on désigne à la fois, dans le domaine de l'éthique, le résultat d'un acte et le but qu'il visait.

"Qui veut la fin veut les moyens » paraît une évidence de la logique pure.

Refuser de recourir aux moyens indispensables, n'est-ce pas avouer pratiquement que l'on renonce à obtenir la fin? Mais proclamer, comme on le fait si souvent, que «la fin justifie les moyens"• c'est admettre, semble-t-il, au nom du même impératif logique, que tous les moyens sont bons, quels qu'ils puissent être, pour arriver au résultat voulu ; le principe, dans la vie privée comme dans l'histoire, n'a jamais été invoqué que pour s'autoriser les pires injustices, les persécutions et les guerres les plus odieuses.

Comment sortir de cette impasse ? L'efficacité constitue-t-elle une norme suffisante de l'action humaine? (Séries C et D) Quelle valeur peut-on reconnaître à l'efficacité? (Série B) Expliquez et discutez ce jugement : La politique n'a pas pour fin la morale mais la politique.

(Série A) La formule «la fin justifie les moyens » a été souvent attribuée à Machiavel, aux casuistes jésuites, aux marxistes.

Mais on ne la trouve telle quelle dans aucune de leurs œuvres.

Les textes les plus sig~ificatifs sont les suivants : Machiavel (1469-1527) «Il ne faut s'attacher qu'aux résultats; le point est de maintenir son autorité; les moyens, quels qu'ils soient, paraîtront toujours honorables.

» Casuistes des 16•, 17• et 18• siècles, Layman, Busenbaum, etc.

«Cui licitus est finis, etiam licent media» (Si la fin lui a été permise, les moyens le lui sont aussi).

Lénine (1870-1924) «Pour nous la morale est subordonnée aux intérêts de la lutte des classes du prolétariat.

» Mais Marx avait déclaré nettement : «Un but qui a besoin de moyens injustes n'est pas un but juste.

» 64. »

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