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La liberté consiste-t-elle à accepter la nécessité ?

Publié le 11/01/2004

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• Selon quelle(s) appréhensions de la liberté le problème d'une relation non « antithétique « entre la nécessité et la liberté peut-il se poser ? • Remarquer qu'il ne s'agit pas, en toute rigueur, purement et simplement de la nécessité mais « d'accepter la nécessité «. • S'agit-il de l'idée selon laquelle, par exemple, on ne peut se libérer des lois (de la nature) qu'en leur « obéissant «? Ainsi, par exemple, la liberté pour les hommes de voler ne passe-t-elle pas d'abord par la reconnaissance de certaines lois physiques ? — Quelle appréhension de la liberté est ici en jeu ? • S'agit-il de l'idée selon laquelle la liberté passe par l'acceptation de la nécessité ? Exemple : la doctrine spinoziste (très schématiquement exposée ici). Selon Spinoza, tous les modes, tous les accidents, sont reliés à la substance par une nécessité rationnelle; tout ce qui est possible est. L'homme, mode fini parmi les autres, n'a de sens que par cette totalité; l'idée qu'il s'en fait à l'occasion de ses sensations (connaissance du premier genre) est inadéquate; c'est par la conscience du deuxième genre (connaissance par la raison) qu'il comprend la nécessité des choses; mais c'est au stade de la connaissance du troisième genre (celle du « saint «, du « mystique «) qu'il la saisit directement, par une expérience intime : en même temps qu'il la comprend, il la veut, et atteint par là à la vraie liberté : la volonté de l'homme s'identifie alors à celle de la « substance « (de « Dieu «). • Ne peut-on soutenir légitimement d'autres appréhensions de « la liberté «? • Réfléchir sur les différentes appréhensions de « la nécessité « qu'on peut avoir (de « fait «; de « droit «; « morale «; « spirituelle «). Il convient sans doute — du moins pour certaines appréhensions de « la liberté « de les distinguer avec soin.

Est nécessaire ce qui ne peut être autre ou autrement qu'il est. En ce sens, la nécessité semble s'opposer à la liberté puisqu'elle affirme qu'il est impossible de faire autrement. Ainsi, la nécessité semble nous soumettre et nous empêcher de choisir. C'est en ce sens que la liberté et la nécessité semblent s'opposer. La liberté supposerait alors la contingence qui est le contraire de la nécessité. Pourtant, nous pouvons remarquer que nous ne pouvons échapper à la nécessité. Par exemple, les lois de la nature sont bien des rapports nécessaires entre les phénomènes et nous ne pouvons les changer. S'agit-il alors de remarquer que l'existence d'une telle nécessité nous conduit au constat selon lequel nous ne sommes pas libres ? Sur ce point, vous pourrez alors montrer en quoi la nécessité ne s'oppose pas nécessairement à la nécessité et que la liberté peut consister en une connaissance de cette nécessité.  

 

« Mais s'il est vrai que la liberté n'est pas le caprice ou la fantaisie, ne peut-on pas, parfois, faire en sorte que les choses arrivent commenous le voulons ? Si je désire la santé, ne puis-je pas, par un régime approprié ou par la pratique régulière et sage d'un sport, laconserver ? Et si je désire la richesse, ne puis-je pas tenter de l'acquérir ? C'est oublier que, pour Épictète et le stoïcisme, uneProvidence sage a tout organisé selon des lois inexorables.

L'ordre universel s'impose donc comme une nécessité ou un destin (fatum).Et lorsque Épictète affirme que « la liberté consiste à vouloir que les choses arrivent comme elles arrivent », cela signifie que la libertéest la conformité à la nécessité, ou qu'être libre, c'est être capable de comprendre et vouloir l'ordre rationnel du cosmos. Pour Épictète, la source de tout bien et de tout mal que nous pouvons éprouver réside strictement dans notre propre volonté.

Nul autreque soi n'est maître de ce qui nous importe réellement, et nous n'avons pas à nous soucier des choses sur lesquelles nous n'avonsaucune prise et où d'autres sont les maîtres.

Les obstacles ou les contraintes que nous rencontrons sont hors de nous, tandis qu'ennous résident certaines choses, qui nous sont absolument propres, libres de toute contrainte et de tout obstacle, et sur lesquelles nul nepeut agir.

Il s'agit dès lors de veiller sur ce bien propre, et de ne pas désirer celui des autres ; d'être fidèle et constant à soi-même, ceque nul ne peut nous empêcher de faire.

Si chacun est ainsi l'artisan de son propre bonheur, chacun est aussi l'artisan de son propremalheur en s'échappant de soi-même et en abandonnant son bien propre, pour tenter de posséder le bien d'autrui.

Le malheur résidedonc dans l'hétéronomie : lorsque nous recevons de l'extérieur une loi à laquelle nous obéissons et nous soumettons.

Nul ne nousoblige à croire ce quel'on peut dire de nous, en bien ou en mal : car dans un cas nous devenons dépendants de la versatilité du jugement d'autrui, dansl'autre nous finissons par donner plus de raison à autrui qu'à nous-mêmes.

Enfin, à l'égard des opinions communes comme des théoriesdes philosophes, ou même de nos propres opinions, il faut savoir garder une distance identique à celle qui est requise dans l'habileté dujeu, c'est-à-dire qu'il faut savoir cesser de jouer en temps voulu.

Dans toutes les affaires importantes de la vie, nul ne nous oblige eneffet que notre propre volonté. Si Épictète a raison de récuser les représentations naïves qui identifient la liberté au désir, à la spontanéité, il est difficile d'admettreque tout ce qui arrive a un caractère nécessaire.

Il y a des choses qui dépendent bien de nous d'appeler, par exemple, le médecinlorsqu'on est malade.

Comme le montre Hegel, le stoïcien est, au fond, l'esclave qui se libère du maître en le niant et, avec lui, lemonde extérieur.

Épictète n'est-il pas lui-même un ancien esclave.

disgracieux et boiteux, qui a trouvé dans la philosophie la libérationvéritable et le moyen de rivaliser avec les dieux ? En même temps.

ne dévoile-t-il pas au maître le secret de la liberté qui consiste à sedominer soi-même, au lieu de dominer l'esclave ? Mais cette synthèse.

souligne Hegel.

reste abstraite : elle ne résout la contradictionqu'en idée.

Faute de pouvoir changer l'ordre du monde, le stoïcien se réfugie dans « la pure universalité de la pensée ».

Sa liberté n'estqu'une liberté négative contre le monde et les hommes.

C'est aussi une liberté abstraite, car le stoïcien pense mais n'agit pas.

Son moireste avec lui-même.

Il s'oppose au monde, se retire dans la pensée.

mais ne lutte pas contre ce monde.

contre le maître, pour sefaire reconnaître comme libre.

en risquant sa vie.

C'est un homme libre mais abstrait.

car il n'est libre que par et dans la pensée.

plusprécisément dans sa pensée.

La véritable liberté n'est-elle pas volonté de transformer ce qui est ? « Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients deleurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent.

» Spinoza, Lettre à Schuller, 1674. Pour Spinoza, l'illusion du libre arbitre vient du fait que les hommes sont tout à fait conscients de leurs actions, mais qu'ils ignorent lescauses qui les déterminent. « Aucun physicien ou physiologue qui étudierait minutieusement le corps de Mozart, et tout particulièrement son cerveau, ne seraitcapable de prédire sa Symphonie en sol mineur d'une manière détaillée.

» Popper, L'Univers irrésolu, 1982. Rien, ni dans le cerveau de Mozart ni dans son passé proche ou lointain, ne le prédisposait à composer cette symphonie plutôt que telle « Tout ce qui arrive est nécessaire et utile au monde universel, dont tu fais partie.

» Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, IIe s.

apr.

J.-C. «Fatum, disent les latins : c'était dit; mektoub, disent les Arabes : c'était écrit.

[...] La fatalité, c'est le triomphe du langage.

»Domenach, Retour au tragique, 1967.Le mot « fatalité » vient en effet du latin fatum, qui signifie « ce qui était dit » (sous-entendu : par l'oracle).

Par quoi l'on voit que lefatalisme, qui postule que la destinée de chacun est fixée d'avance, dérive des pratiques superstitieuses de la divination. « Le sage [...] se moque du destin, dont certains font le maître absolu des choses.

» Épicure, Lettre à Ménécée, Ille s.

av.

J.-C. Zénon de Cittium « fouettait un esclave qui avait volé; et comme celui-ci lui dit : "II était dans ma destinée de voler", il répondit : "Etaussi d'être battu." » Anecdote rapportée par Diogène Laërce (Ille s.

apr.

J.-C.). « L'impuissance de l'homme à gouverner et à contenir ses sentiments, je l'appelle Servitude.

» Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) « L'homme ne saurait être tantôt libre et tantôt esclave : il est tout entier et toujours libre ou il n'est pas.

» Sartre, L'Être et le Néant, 1943. L'être de l'homme se confond avec sa liberté.

Ainsi l'homme ne cesse d'être libre qu'en cessant de vivre.. »

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