Devoir de Philosophie

La machine est-elle ennemie de l'homme ?

Publié le 25/03/2011

Extrait du document

   1. Il faut, pour traiter ce sujet, bien comprendre qu'à proprement parler, la machine ne saurait être, par elle-même, un ennemi : comment un objet pourrait-il être par lui-même un ennemi ? Ne faut-il pas, pour qu'un objet nuisible existe que des hommes le créent et lui confèrent son hostilité ? On voit que, si la machine peut être ennemie de l'homme, c'est qu'à travers elle se réalisent des hostilités qui opposent des hommes entre eux.    2. Ne pas oublier que la construction d'une machine dépend d'une fin qu'elle est chargée de réaliser. Ne vaudra-t-elle pas nécessairement ce que vaut cette fin ? Mais quel but la mécanisation du rapport des hommes au monde poursuit-il ? Telle est la question qu'il faut d'abord poser.    3. Enfin, se rappeler que la machine intervient, dans nos sociétés, en dehors des activités laborieuses de l'homme et que la question de la valeur ne se réduit pas à celle de son efficacité technique.

« Deux remarques s'imposent. Premièrement, l'augmentation de la productivité du travail ne se confond absolument pas avec une diminution del'effort qu'il demande.

Il en serait ainsi si le volume de la production demeurait stable.

Or il est bien évident qu'il n'enest rien.

La conséquence première du développement du machinisme ne consiste pas en une diminution du travaileffectué par les travailleurs, mais en une augmentation du volume de la production.

Que l'on pense par exemple autemps de travail exigé des ouvriers de l'industrie au XIXe siècle qui fut pourtant un moment de mécanisationaccélérée du travail humain. Deuxièmement, la mécanisation du travail va de pair avec un accroissement de la division technique du travail.

Orcette division technique qui entretient un rapport dialectique avec les modes de mécanisation est elle-mêmefonction de la division sociale du travail.

Seuls les propriétaires des moyens de production (et non les travailleurs)jugent en dernier ressort de la valeur de tel ou tel mode de mécanisation.

Dans ce jugement, un seul critère lesguide, celui de la rentabilité : la question de savoir si tel type de mécanisation constituera un milieu hostile autravailleur n'est même pas posée.

Que l'on pense aux conditions matérielles du travail d'usine et on se convaincraque seul l'impératif de productivité guide et structure la constitution du monde des machines. Un divorce semble alors s'installer entre la machine et son utilisateur à l'intérieur du monde du travail.

Le travailleurutilise une machine qui conditionne son action bien qu'elle ne soit pas construite en fonction de ses intérêts propresou de la valeur propre de son travail.

Ainsi s'éclaire le renversement que nous notions plus haut.

Si le travailleur estaliéné par la mécanisation du travail, on ne peut en rendre responsable une quelconque hostilité de la machine.

Cesont des hommes qui construisent des machines, ces machines qui aliènent le travail en lui ôtant toute significationpropre.

A travers elles, se réalise une hostilité de l'homme contre l'homme : mais elles ne sont hostiles que dans lamesure où elles sont fabriquées sans aucun souci des intérêts et de la signification de la pratique des travailleurs quil'utiliseront. Mais la mécanisation des rapports de l'homme au monde déborde largement le cadre de son travail.

Noustrouverons-nous placés en face d'une aliénation semblable si nous étudions la valeur de la mécanisation de la viehumaine en dehors de son activité professionnelle ? * * * La question se pose, ici encore, à peu près dans les mêmes termes.

La mécanisation instaure un rapport nouveau del'homme au monde et aux autres.

Toute la question est de savoir quels principes structurent ce nouveau rapport. Il semble, en première analyse, que la production de machine vise à la satisfaction des besoins du consommateur,de l'utilisateur et donc, qu'à travers elle, l'utilisateur réalise mieux ses aspirations et ses désirs que dans un rapportimmédiat au monde.

En elle, l'homme semble trouver une alliée plus qu'une ennemie. Mais ici encore il faut remarquer que l'intérêt de l'utilisateur n'est pas le principe déterminant de la production desmachines.

Si un producteur de machines prétend satisfaire les besoins de l'éventuel utilisateur, c'est qu'il trouvedans cette satisfaction la condition nécessaire de la vente, c'est-à-dire de son propre profit.

Ce qui importe, c'estdonc que la machine paraisse satisfaire un besoin et suscite par là l'intérêt d'un utilisateur éventuel : elle crée desdésirs et des besoins plus qu'elle ne les satisfait. L'aliénation se réalise complètement lorsque la machine, qui, par elle-même, n'est qu'un moyen, devient une fin ensoi.

Pour cela il faut qu'elle devienne l'objet d'un désir, et non un moyen de satisfaire un besoin.

Mais si, comme ledit Hegel, le propre du désir humain c'est d'être désir de l'autre, on voit que le désir, perverti dans une sorte defétichisme de la machine, ne peut que demeurer insatisfait dans l'utilisation et la consommation, puisque la machineest incapable, en tant que moyen, de répondre à la demande du désir de l'homme.

Ainsi se noue le cycle absurde dela production et de la consommation qui, prétendant satisfaire l'utilisateur, ne fait que réaliser les intérêts d'unproducteur qui parvient à aliéner le désir en lui présentant des objets qui, par leur nature même, sont incapables d'yrépondre réellement. Ainsi l'homme se trouve-t-il enfermé dans un inonde de moyens dont la signification et le but lui sont entièrementétrangers. * * * La machine n'est, par elle-même, ni l'amie, ni l'ennemie de l'homme : elle sera l'un ou l'autre selon ce que sera sastructure spécifique et selon ce que seront les fins qu'elle poursuit. Elle ne peut apparaître comme facteur d'aliénation du travail que dans la mesure où elle sera construite sans aucunsouci des intérêts et de la signification du travail de ceux qui l'utilisent.

Mais elle n'est pas le vrai ennemi dutravailleur. Elle pourra constituer un danger pour l'homme et sa vie quotidienne lorsque sera oublié son statut de moyen deréaliser une fin.

Or, en bonne logique, si l'utilisation d'un moyen cause plus de dommage que la fin qu'il poursuit, il. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles