La mémoire
Publié le 16/10/2014
Extrait du document
«
de nous fermer à tout jamais la porte du bonheur.
Et cela quelque que soit leur nature.
Qu'elles
soient graves comme un viol ou un abandon ou, à priori, moindres comme des moqueries à
l'école ou des humiliations, elles ont toutes la même portée à nos yeux.
La charge
émotionnelle à l'évocation de ces souvenirs reste toujours la même.
Rien ne peut y faire, ni la
raison ni le temps qui passe.
La mémoire est dans certains cas plus fort que tout, plus fort que
le bonheur.
Ainsi, dans l'idéal, il suffirait de cesser de se souvenir pour être heureux ou du moins
pour cesser d'être malheureux comme le pense le philosophe Nietzsche.
Il voit, en effet, dans
l'exaltation de la mémoire un poison qui est l'objet de notre malheur et prône la capacité
d'oubli.
Mais cela n'est pas si simple dans la mesure où il n'y a pas de pensée sans mémoire
puisque penser n'est finalement que se souvenir.
Or, l'Homme ne peut s'empêcher de réfléchir,
de s'interroger continuellement.
Mais il n'y a pas que le souvenir de souffrances passées qui peut nous empêcher d'être
heureux.
Il peut également y avoir le bonheur lui-même.
Un bonheur absolu que nous avons
eu la chance de connaître et que nous avons perdu.
Ce souvenir de perfection absolu que nous
plaçons au-dessus de tout et que nous ne voulons en aucun cas effacer, oublier.
Pour cela,
nous l'entretenons, nous le remémorons encore et encore.
Petit à petit, nous acquérons la
certitude que rien ne pourra jamais l'égaler et vivons dans ce souvenir en occultant
complètement le fait que nous pourrions conquérir un nouveau bonheur tout aussi absolu.
Ainsi, comme l'a écrit André Gide "rien n'empêche le bonheur comme le souvenir du
bonheur".
L'Homme a certainement conscience que la mémoire peut être un obstacle capital à
son accession au bonheur.
Mais cette quête pour lui est essentielle.
Aussi, il n'hésite pas à
composer avec elle afin d'acquérir une identité propre lui permettant d'être heureux.
La mémoire de l'être humain est phénoménale.
Elle enregistre le moindre détail de sa
vie, la moindre parcelle de son existence, les bons comme les moins bons côtés.
Aussi, il est
dans l'obligation, consciemment ou inconsciemment, de procéder à un tri qui valorise
généralement les bons souvenirs au détriment des mauvais.
Il triche donc volontiers avec ses
souvenirs et par conséquent avec la réalité, en privilégiant voire en enjolivant les bons
souvenirs, et en minimisant ceux qui le perturbent dans le seul but de se préserver afin
d’améliorer ses chances de bonheur.
Ainsi, il n'est pas rare, dans le cadre d'une séparation
amoureuse, pour ne pas sombrer, de se convaincre que l'on est bien plus heureux seul et pour
cela nous n'hésitons pas à accentuer les mauvais côtés et toutes les erreurs commises par l'ex
conjoint.
Finalement, la mémoire tangue entre le devoir de restituer la réalité des événements
passés et notre désir de connaître le bonheur.
Pour notre confort, notre mémoire peut même aller jusqu’à occulter certains souvenirs
soit parce qu’ils sont moralement insoutenables, soit parce qu’ils sont signes d’opprobre et
ternissent notre image.
Nous allons, en effet, pouvoir refouler nos traumatismes ou nos
moments de honte intense comme une sorte d’autodéfense que nous poursuivrons tout au long
de notre vie.
Cependant, selon Freud, c es souvenirs que nous mettons volontiers de côté, ne
sont pas pour autant complètement abandonnés ; certains subsistent encore dans notre
inconscient, dans notre « mémoire de l’oubli » et peuvent être déterminants dans la
construction de notre identité au même titre que ceux dont nous sommes conscients..
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