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LA NOTION ANTIQUE DE SAGESSE CONSERVE-T-ELLE UNE SIGNIFICATION POUR L'HOMME D'AUJOURD'HUI ?

Publié le 27/02/2008

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Il y a d'emblée deux postures que nous devons rejeter, car elles sont trop radicales pour être pertinentes. La première consiste à exalter la pensée d'Épicure dans le seul but, par exemple, de satisfaire le professeur. En effet, si l'on se pose la question de l'actualité de l'épicurisme, c'est bien que quelque chose a changé et qu'il y a là quelque chose à penser. L'antiquité grecque, où vécut Épicure, n'a que peu à voir avec le monde tel qu'il nous apparaît au 21ème siècle ; dès lors, si l'on doit répondre qu'Épicure nous est encore d'un secours favorable, ce n'est certainement pas en « gobant » d'un coup tout ce qu'il nous dit. À l'inverse, la seconde position à éviter, c'est le rejet pur et simple. De ce point de vue, Épicure, qui vivait et enseignait dans un jardin (le fameux « Jardin d' Épicure », de même qu'Aristote avait son « Lycée » ou Platon son « Académie »), entouré de quelques disciples, ne pourrait rien nous apprendre, tant son mode de vie est différent du nôtre et tant l'écart temporel qui nous sépare de lui est grand. En définitive, en nous prémunissant de ces deux écueils, nous réfléchissons sur notre rapport à l'histoire de la philosophie et sur notre statut d'élève, qui étudie les oeuvres du passé. En effet, peut-on croire que l'on étudie les philosophes du passé uniquement parce que nous y sommes obligés (par exemple, pour obtenir notre baccalauréat) ? L'histoire de la philosophie se réduirait alors à un musée que l'on visite avec ennui, sans jamais parvenir à comprendre en quoi les philosophes peuvent nous intéresser. À l'inverse, ne peut-on pas songer que leur pensée, au prix de quelques réaménagements (qui correspondent d'ailleurs à l'effort de pensée qu'on nous demande de fournir), que leur pensée donc soit susceptible de nous apprendre quelque chose sur nous-mêmes ou sur le monde ? En somme, l'histoire de la philosophie ne peut-elle pas être une ressource, un réservoir d'idées, pour penser la situation présente qu'est la nôtre ?

« Précisément, Épicure distingue les désirs naturels et nécessaires , les désirs naturels non nécessaires et les désirs ni naturels ni nécessaires .

Les premiers sont ceux que l'homme doit impérativement satisfaire (boire de l'eau) et les derniers ceux qu'il doit éviter (chercher la richesse ou la gloire).

Entre les deux, il peut s'adonner à des désirsnaturels non nécessaires (la sexualité, par exemple) avec tempérance.

Par cette usage réglé des désirs, l'hommeatteint l' ataraxie , c'est-à-dire qu'il connaît un plaisir modéré conforme à un usage sain de sa raison. III – La postérité d'Épicure Maintenant que nous avons récapitulé la doctrine d'Épicure concernant le bonheur, voyons en quoi celle-ci reste susceptible d'être utilisée aujourd'hui.

On peut commencer par remarquer qu'en prenant (à la suite deDémocrite) le modèle de l'atome comme constituant ultime de l'univers (même si la physique quantique a découvertdepuis lors des particules encore plus petites), l'épicurisme anticipe sur bien des développements de la penséemoderne.

Mais, c'est ici sa pensée du bonheur qui nous intéresse, autrement dit sa dimension éthique.

Qu'en est-il ? La pensée de la mort que développe Épicure est intéressante, mais elle peine à provoquer notre assentiment. En effet, nous pouvons déjà objecter que, même si pour les vivants la mort n'est rien et, réciproquement, pour lesmorts la vie n'est rien non plus, il n'en reste pas moins que la mort effraie par le lot de souffrances qui peuvent laprécéder (que l'on songe à une maladie chronique comme le cancer).

Mais, surtout, la pensée épicurienne de la mortse contente de libérer l'individu du trouble que peut lui causer sa propre mort .

Or, qu'en est-il de la mort d'autrui, c'est-à-dire de la mort de nos parents ou bien de l'être aimé ? Le philosophe Jankélévitch, dans son ouvrage La mort , a bien montré que la mort ne nous affecte et ne nous attriste pas uniquement dans la considération de notre propre mort, mais elle nous touche aussi dans la considération du « Tu meurs », c'est-à-dire dans la mort de l'êtreaimé.

Ainsi, en mourant, autrui emporte avec lui une partie de la vie que nous partageons avec lui et efface lesprojets que nous avions faits ensemble.

Sur ce point, Épicure ne nous rassure guère et sa conception peut semblertrop individualiste. Ensuite, en ce qui concerne sa conception de l'usage des désirs, nous décelons la même ambiguïté.

En effet, le contrôle par la raison et le rejet des désirs ni nécessaires ni naturels paraît probant.

À une époque où les fauxbesoins semblent se multiplier, créés à coup de marketing et de campagnes publicitaires, sans que nous, lesconsommateurs, les exprimions spontanément, permet de nous recentrer sur l'essentiel.

De ce point de vue, l'appel àla sérénité de l'âme et à une vie saine ne peut pas ne pas nous interpeller.

Cependant, Épicure – et les Stoïciens lelui reprocheront – enseignait dans son jardin, loin des sollicitations du monde.

Le bonheur épicurien, défini commeabsence de trouble, semble bien solitaire.

Ce que nous disions sur la mort en est un exemple renouvelé : je peuxbien, tout seul, ne m'inquiéter de rien, mais l'homme ne s'attache-t-il pas spontanément à des êtres, voire à deschoses (hormis évidemment à celles qui sont franchement inutiles), qui rendent l'existence à la fois plus digne d'êtrevécue, mais aussi plus propice à la déception.

Aussi, Épicure refuserait-il d'avoir des amis au prétexte qu'ilspourraient troubler son âme d'une quelconque manière ? En d'autres termes, comme l'indiquait Schopenhauer, lebonheur ne se ressent-il pas au contact du manque et de la souffrance, qui lui donnent, pour ainsi dire, son relief etsa valeur ? Conclusion : Voilà donc, brossé à larges traits, une idée possible que l'on peut se faire de l'épicurisme, une fois qu'on a rappelé en quoi il consistait.

Il s'agit évidemment d'une pensée lointaine (dans le temps) et qui souffrent delimitations, dues au fait qu'Épicure, lorsqu'il écrivait, n'avait pas le même monde que nous en face de lui.

Pour neprendre qu'un exemple : nous voyons en quoi l'usage des désirs peut nous apporter et dans quelle mesure il apparaîtnécessaire, mais nous comprenons par-là les rectifications que nous pouvons lui apporter, pour qu'il convienne ànotre situation.

Or, n'est-ce pas là justement la bonne manière de se rapporter aux penseurs du passé.

Non pasrépéter bêtement ce qu'ils ont dit en disant qu'ils ont absolument raison ou bien rejeter leur pensée au prétextequ'elle ne nous concerne plus, mais en reprendre l'essentiel (c'est-à-dire le noyau de vérité) et le repenser à partirde la situation qui est la nôtre.

En ce sens, faire de l'histoire (en l'occurrence, de l'histoire de la philosophie) ce n'estpas contempler le passé et se laisser impressionner par lui, mais l'investir et décider que grâce à lui nous sommesrésolument mieux armés pour comprendre le monde d'aujourd'hui.. »

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