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La personne polyhandicapée: gardienne du Temple humain

Publié le 11/01/2012

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Au sous-sol de l'opinion commune, la réalité vécue de la personne polyhandicapée paraît obscure, pleine de dangers aux normopathes que nous sommes, par culture. On y bute contre des obstacles à franchir, des passages à trouver, dont la quête met à mal notre désir de comprendre au-delà des apparences ce qu'être polyhandicapé veut dire, nous révèle de nous.

 

Comment vous dire avec tolérance ce que j'observe parfois, quand ma profession me fait témoin involontaire de directions d'institutions oublieuses de la qualité éminemment humaine de leur mission. Fondues dans le paysage du consensus officiel, ces directions ont la fuite facile. Elles négligent leur fonction de garant et de guide. Ne leur jetons pas la pierre. C'est qu'elles subissent les pressions d'une hiérarchie comptable qui les pousse bon gré mal gré à servir les valeurs sonnantes et trébuchantes des budgets. A remettre à une date toujours plus ultérieure le coût de la dignité, l’engagement à servir la dignité humaine. L'institution médico-sociale n'est pas l'entreprise. Qu’on se le dise.  D'institution en institution la personne polyhandicapée m’apparaît être réellement " Gardienne du Temple humain ". Ce lieu mythique où s’élaborent depuis la nuit des temps humains, les valeurs qui fondent et où se pérennisent par l’action, la dignité humaine, son intégrité, sa liberté, avec pour clef de voûte en son ciel – son idéal- la solidarité. De tous, pour tous.

« un jour présentée par sa maman à un notable de grande importance.

Banal me direz-vous ? J'en suis d'accord.

Saufqu'à la vue de cette jeune fille installée dans son fauteuil roulant, au siège et aux soutiens corporels adaptés à samorphologie, à sa tonicité musculaire, cet homme s'exclama " qu'est-ce que c'est que çà ? Cà, c'est ma fille réponditla maman de Ludivine".

Il n'est pas si facile de naître à soi-même frère d'autrui. Reconnaître la réalité de la personne polyhandicapée passe par l'oubli des connaissances arrêtées du savoir médicalet technique.

L'oubli des concepts philosophiques qui l'enfermeraient dans une inutile pensée théorique.

Reconnaîtresa différence c'est se mettre à l'épreuve d'une rencontre impensable, sans préparation.

Car le propre de cetterencontre est de nous surprendre, de nous faire douter de ce que nous sommes ou croyons être, de nous fairedouter de nos savoirs.

La traversée de l'apparence à l'existence de la personne polyhandicapée expose laconscience au risque de la confusion mentale, à celui de l'annulation de l'altérité qui veut que, pour exister, l'êtrehumain quel qu'il soit doit se séparer de son semblable, comme nous le montre l'enfant qui pour connaître sa facedans la face de sa mère, s'en écarte.

Reconnaître la différence de la personne polyhandicapée, c'est mettre engarde contre la tentation de faire d'elle un sous-humain.

Peter Singer propose d'étendre la Déclaration des Droits del'Homme au singe anthropoïde avec pour argument que si l'on accorde ces droits liés au statut d'humain à despersonnes handicapées mentales dont l'entendement est diminué, alors il faut accorder le même privilège à certainsanimaux.

Je cite : " Certains enfants gravement déficients ne pourront jamais atteindre le niveau d'intelligence d'unchien.

" Faisant cela, il introduit au cœur même du principe d'humanité une hiérarchie abjecte, aux antipodes de ceque recèle dans son intimité la personne polyhandicapée quant à la symbolique des valeurs exclusivement humainesde dignité et de fraternité.

Il est urgent d'admettre que la personne polyhandicapée manque réellement dereconnaissance sociale. Ayant reçu l'humanité de ses parents humains, l'humanité lui doit de l'établir sans condition dans sa communauté.Dans toute sa singularité ; dans l’exclusivité de sa condition .

Dans un statut, qui lui garantirait par exemple qu’àl’âge ordinaire de la retraite, elle n’aurait pas à devenir –coûte que lui coûte – retraitée.

Normalement.

Commetoute le monde Je vous invite à penser autrement que par les arcanes de la compassion ou de la charité, autrement qu’en vaincus,convaincus des bienfaits d’une pensée normalisante, l'humanité de la personne polyhandicapée.

Et d'abord enévitant de la réduire par calcul à ses déficiences multiples.

En tenant à distance l'inquiétude qu'elle nourrit en nous. En comprenant comment – unique dans sa condition - elle se révèle véritable gardienne du temple humain, gardiennede la dignité de notre existence par l'obligation morale qu'elle nous adresse, dans sa condition de grandedépendance, d'être gardiens de la sienne. La personne polyhandicapée nous rappelle combien le chemin de l'humain vers la parole est difficile.

Sans cesse, ellemanifeste par nos échecs à la comprendre dans ses demandes, qu'on n'entre pas par effraction en relation avec sonsemblable.

Qu'il n'y a pas de Je sans Tu.

Sans cesse, elle nous pousse à dépasser nos propres intérêts à seule fin dela rencontrer, en tant qu'elle-même.

Sans cesse sa présence de grande dépendance, de grande vulnérabilité nousrappelle les limites que nous ne devons pas franchir sauf à écrouler nos valeurs fondamentales.

Inévitablement lapersonne polyhandicapée nous questionne quand nous nous autorisons par devant elle à les bousculer pour le seulprofit de notre avidité de bien portants. A y regarder - même de loin - il est incontestable que d'entre tous les êtres humains, seule la personne polyhandicapée nous appelle à la fraternité sans condition tandis que nous errons avec plus ou moins de confort sur notre terre communautaire, troublés dans nos têtes par la loi du " Sauve-toi toi-même " qui nous gouverne.

De faittandis que nous nous égarons dans le champ de l'autosuffisance jamais satisfaisante, la personne que le hasard adéterminée polyhandicapée attend tragiquement le réveil d'une solidarité en actes dont notre histoire montre quenous en sommes capables.

C'est évident.

Notre société - par ses révolutionnaires de 1789 - a répondunégativement à la question : faut-il tuer les handicapés, les malades mentaux, les déviants etc.

… Non, ont-ilsaffirmé faisant dès lors émerger en France le profil d'une nation de type démocratique qui prenait le pari d'assumer,le moins mal possible, la différence.

En attendant les lois de 1975 et leur rénovation en 2002.

Aujourd'hui, lapersonne polyhandicapée y est dite au cœur du système que ces lois organisent.

Il suffit maintenant qu'elle le soit en réalité, dans sa vie concrète quotidienne.

Il suffit : deux mots pour dire l’absence d’une volonté politique à lefaire.

Deux mots pour exprimer que notre société marchande est prise au piège de ce qui se compte au détrimentde ce qui compte.

Comment avons-nous pu vider la mer s’interrogeait déjà Neitsche ? Voilà qu’un mouvement de bascule nous verse au rang d'objets humains dépendants d'une super-puissance d'être.Le système économique planétaire.

Qui fait de nos avoirs les vecteurs insidieux de tous nos déboires.

Déjà beaucoupse confondent avec leurs productions, qu'elles les enrichissent ou non, et considèrent la valeur de leur existencecomme déterminée par celle du CAC 40.

L'être humain n'est pas la somme de ses avoirs.

L'humanité de l'homme n'estpas calculable, évaluable comme le sont ses productions.

La personne polyhandicapée le sait bien, qui l'éprouvetellement dans son existence que nous lui comptons au minimum.

Il lui arrive de nous le crier, par la voix des sesproches, celles des professionnels qui l'accompagnent.

Pourquoi ne l'entendons-nous pas.

Ne voulons-nous pasl'entendre ? Aurions-nous peur de ce que nous devenons ? Comme je peux le comprendre ! Si nous sommes d'entre. »

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