La prudence est-elle la vertu du juge ?
Publié le 26/07/2005
Extrait du document
«
n'être que « la « bouche qui prononce les paroles de la loi ».
En ce sens, reflet de la loi, il n'est qu'une fonction, sonlibre choix n'existe quasiment pas.
Et cela se comprend dans le fait que le juge n'est pas le législateur c'est-à-direcelui qui fait la loi.
Il y a, et c'est là la grande innovation de Montesquieu et une formidable critique du pouvoirabsolutiste, séparation entre les pouvoirs, c'est-à-dire entre le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.
En ce sens,on ne demande pas au juge de porter des jugements sur la loi ou encore moins de faire des lois.
Sa fonction selimite à porter des sentences contre les contrevenants à la loi.
On ne voit pas donc en quelle circonstance le jugepourrait être acte de prudence ou définir un bon choix.
On pourrait cependant évoquer le cas de la condamnation etde la fixation de la peine.
Mais tel que l'entend Montesquieu, la loi fixe aussi l'échelle des peines et en ce sens, lejuge se distingue moins par le choix qu'il pourrait faire que par son application quasi mécanique de la loi : il est unrouage de l'Etat.c) Et c'est bien ce que l'on trouve concrètement dans le Code civil français dès le début puisque dans l'article 5 il est clairement établi que : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale etréglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».
En ce sens, la loi n'est pas fixée par le juge.
Il ne se substituepas au législateur.
On lui demande alors moins de faire un choix que d'être obéissance.
Cela signifie que la décisiond'un juge ne saurait faire règle de loi à l'avenir sur le sort d'une question de droit et ne s'applique en principe qu'àl'affaire jugée.
Le juge n'a pas dans sa décision de caractère normatif ce qui explique que la vertu de prudence nesoit pas nécessaire pour lui, ni son apanage.
Pourtant, et c'est bien là que le problème semble se compliquer :comme le montre l'article 4 du Code civil français, il ne peut y avoir de déni de justice c'est-à-dire que le juge doittoujours rendre un décision même si la loi est sur ce point est silencieuse : « le juge qui refusera de juger, sousprétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni dejustice ».
Même dans le silence de la loi, le juge doit prendre alors une décision.
Mais n'est-ce pas alors faireréférence à une valeur prudentielle et normative du juge ? Transition : Ainsi si compte tenu de la définition de la prudence que nous avons produite il apparaît qu'en raisons desattributions du juge ce dernier n'a pas la vertu de prudence en tant qu'il est l'organe de la loi et qu'il ne doit qu'enproduire l'application, il apparaît manifestement que le juge ne peut être qu'un simple rouage de la loi comme lemontre clairement la confrontation de l'article 4 et de l'article 5 du Code civil français.
Et c'est notamment à traversla question du déni de justice que se repose la question de la vertu de prudence du juge en l'exercice réel de safonction, notamment dans le silence de la loi.
II – Le juge comme homme prudent : paradigme de la jurisprudence a) En effet, la fonction de juger ne se réduit pas voire rarement à une application mécanique et cela parce quecomme on peut le voir dans l'Article 1353 du Code civile belge faisant allusion à la prudence qui quand il dispose : « les présomptions qui ne sont point établies par la sont, sont abandonnées aux lumières et à la prudence dumagistrat […] ».
Il est clairement fait référence ici à la notion de prudence, c'est-à-dire à la sagesse pratique dujuge au cas où ce dernier devrait avoir à trancher dans le silence de la loi.
En effet, la loi ne peut pas avoir prévutous les cas de figures et c'est bien pour cela que la jurisprudence existe.
La jurisprudence peut se comprendre soitcomme une habitude à juger, c'est-à-dire que la doctrine du droit est marquée par une tendance à tranchertoujours dans le même sens ; soit dans des cas exceptionnel.
Ainsi, le jugement est laissé au soin de la consciencedu juge en fonction non plus de la lettre de la loi, qui ici est muette, mais bien en fonction de l'esprit de la loi.
Etc'est en ce sens que l'on peut parler d'une prudence du juge.
En effet, c'est déjà ce que Portalis mettait en avance alors même qu'il est l'un des principaux rédacteurs du Code civil français sous Napoléon dans son Discours préliminaire sur le Projet de Code civil : « Un code, quelque complet qu'il puisse paraître, n'est pas plutôt achevé, que mille question inattendues viennent s'offrir aux magistrats.
Car les lois une fois rédigées demeurent tellesqu'elles ont été écrites.
Les homme, au contraire, ne se reposent jamais ; ils agissent toujours : et ce mouvement,qui ne s'arrête pas, et dont les effets sont diversement modifiés par les circonstances, produit, à chaque instant,quelque combinaison nouvelle, quelque nouveau fait, quelque résultat nouveau.
Une foule de choses sont doncnécessairement abandonnées à l'empire de l'usage, à la discussion des hommes instruits, à l'arbitrage des juges.L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit : d'établir des principes fécondsen conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière.
C'est aumagistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l'esprit général des lois, à en diriger l'application.
De là, chez toutes lesnations policées, on voit toujours se former, à côté du sanctuaire des lois, et sous la surveillance du législateur, undépôt de maximes, de décisions et de doctrine qui s'épure journellement par la pratique et par le choc des débatsjudiciaires, qui s'accroît sans cesse de toutes les connaissances acquises, et qui a constamment été regardé commele vrai supplément de la législation.
» b) Ainsi comme le remarque Kelsen dans sa Théorie pure du droit nous avons affaire ici au double statut du juge qui est à la fois un simple organe de la loi et peut par sa prise de décision juridictionnelle faire œuvre de législateursur un point précis.
Dès lors le juge officie bien en se référant à l'esprit de la loi, c'est-à-dire en faisant référence àdes normes supérieures de juridiction de la loi comme cela peut être le cas avec la constitution.
Or c'est bien ce quenous pouvons remarquer ici avec l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat de 1995 pour la commune de morsang-sur-orgefaisant référence à la dignité humaine.
En effet, il a été reconnu impossible et interdit à des nains de faire leshommes-canons en raison de leur petite taille car cela portait atteinte à la dignité de la personne et la dignitéhumaine.
Plus exactement par l'arrêt « Commune de Morsang-sur-Orge » , le Conseil d'État a considéré que lerespect de la dignité de la personne humaine devait être regardé comme une composante de l'ordre public.
Le maire.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Pour ne pas être en contradiction avec elle même la conscience humaine en tous ses devoirs doit concevoir un autre (comme l'homme en général), comme juge de ses actions. Kant, Doctrine de la vertu, §13. Commentez cette citation.
- L'argent est plus vil que l'or, et l'or que la vertu
- vertu et Montaigne texte
- Mémoire sur la vertu
- Microcosme et Délie, objet de plus haute vertu