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La psychologie du désir.

Publié le 22/06/2009

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Amoureux des faits d'observation bien nets, dont il est facile de suivre les contours et de discerner les éléments, le psychologue s'attarde vol cuillers à l'étude de quelques rares phénomènes qui se passent en pleine lumière, au foyer de la conscience; au contraire, de l'importante activité mentale qui reste dans la pénombre du subconscient et ne paraît au jour que par instants fugitifs, il ne traite que rapidement et, le plus souvent, pour éclairer encore un peu mieux quelqu'un de ces autres phénomènes déjà clair par lui-même. Ainsi, l'étude de l'acte volontaire occupe un chapitre important de tous les traités de psychologie; au contraire, on y rencontre fout juste quelques réflexions sur le désir; et le plus souvent pour préciser, par opposition, les caractères essentiels de l'acte volontaire. Et cependant, pour .une action délibérée, quelle masse de désirs a passé par notre âme ! Une volition est-elle autre chose que l'aboutissement d'un désir privilégié entre mille? Aussi, allant à rencontre de notre tendance naturelle à nous cantonner à la partie claire de notre vie intérieure, nous tâcherons de poursuivre le désir jusque dans ses mystérieux retranchements, cherchant à préciser sa nature; à déterminer ses causes, à le suivre enfin jusqu'à ce qu'il soit satisfait ou qu'il meure.

 

« connu.

Ainsi, pour un enfant habitué à passer ses vacances à la maison que sa famille possède à la campagne, lesrécits et les descriptions de ses camarades venant de la mer ou de la montagne feront naître de vifs désirs.

C'estque l'objet confus qui excitera son désir aura à la fois les attraits de Biarritz et de la côte basque, ceux de Deauvilleet de Roy an, sans exclure les joies plus austères des courses en montagne et les émotions des ascensionspérilleuses.

Au contraire, la perspective d'un nouveau séjour à la maison de campagne familiale emprisonne monimagination dans des cadres bien étroits.

Cette maison m'est connue dans tous ses coins; je pourrais tracer demémoire les allées de son jardin ou de son parc; les promenades que je puis projeter, je les ai faites bien des fois;les voisins et les amis que je retrouverai me sont familiers, et je ne puis espérer la rencontre d'un homme illustre queje serai fier de connaître ou de l'âme sœur de mon âme solitaire.Cependant, il faut le reconnaître, ce sont, dans bien des cas, les objets familiers que, le plus constamment, sinon leplus vivement, nous désirons retrouver.

Les imaginations craintives redoutant l'inconnu et le nouveau, s'arrêtentplutôt aux possibilités de malheur.

L'habituel, au contraire, les tranquillise.

Et puis, il y a aussi une habitude du désirqui le renforce et l'enracine.

Enfin, parmi les souvenirs se rapportant à l'objet désiré, la mémoire fait un choix; dansla synthèse de nos expériences, l'imagination intervient, donnant le coup de pouce aux faits, forçant un ton ou unenuance, surtout nous faisant éprouver un plaisir rétrospectif qui nous paraît plus relevé parce que plus intellectuel.Mais, dans ce cas encore, c'est l'imagination qui explique nos désirs : la crainte de l'inconnu et l'aversion pour lenouveau, sorte de désirs négatifs, résultent des représentations élaborées par une imagination peureuse; le désirpositif de retrouver les lieux familiers et les personnes connues dépend dans une grande mesure des qualités queleur prête notre mémoire Imaginative.A cette transformation du réel par la pensée, la société collabore activement et il est bien des désirs que nousimpose notre milieu.

Un élève arrive-t-il au collège avec une bicyclette munie d'un perfectionnement d'inventionrécente, ses camarades le regardent avec envie et sentent en eux une sorte de vide douloureux tant qu'ils ne sesont pas procuré l'article nouveau.

Dans d'autres cas, ce n'est pas parce que nouveau et » original qu'un objetexcite notre convoitise, mais parce que considéré par tous comme désirable.

Ainsi, dans le monde moderne, il estadmis qu'il faut prendre des vacances, qu'un mois à la mer ou à la campagne repose et détend le travailleursurmené.

Souvent ces longues journées péniblement remplies de « parties de plaisir », sont pesantes d'ennui pourcet homme actif habitué à brasser des affaires et à s'attaquer à de vraies difficultés.

Cependant, faisant siens lessentiments manifestés par le milieu dans lequel il vit, il aspirera lui aussi vers « l'heureux temps des vacances ».

Auretour, rendant compte à ses amis de remploi de son temps, il laissera dans l'ombre et parviendra à oublier lesjournées vides et ennuyeuses; au contraire, il mettra en relief l'intérêt d'une fête ou d'une excursion à laquelle,littérateur désœuvré, il se fût donné sans «réserve: et le récit qu'il en fera lui procurera peut-être le premier plaisirtotalement sincère.

En définitive, c'est une impression agréable que lui laissera le souvenir de ces semainesd'inaction que la société lui a imposées; aussi, Tannée suivante, il se surprendra, semblable à l'écolier ou au soldatcomptant les jours qui les séparent des vacances ou de la libération, à calculer dans combien de temps il laisserason travail, son seul vrai plaisir.La société exerce donc sur nos désirs une action uniformisante et régulatrice, Laissé à lui-même, l'individu aurait desfantaisies bizarres : qu'on se rappelle les manies de vieilles filles ou de vieillards menant une vie solitaire.

Sans lacontrainte du milieu, ses désirs se succéderaient sans arrêt, changeants et capricieux comme les démarches del'imagination qui les provoque.

Les désirs qu'impose la société forment comme une trame stable et uniforme surlaquelle la fantaisie personnelle se contente de broder quelque motif ornemental.

Sans doute, il est des cas clanslesquels le désir est plus fort que la volonté collective, de l'emprise de laquelle il se libère : c'est que, alors, le désirest devenu passion. * * * Le désir devrait normalement, semble-t-il, mourir quand il est satisfait.Mais d'abord est-il jamais satisfait? Nous nous attendons toujours au mieux et, sans nous en rendre bien compte,nous ne désespérons pas, quand il s'agit de nous, de quelque merveilleuse aventure qui trouverait sa place dans lescontes de fées.

Aussi, le plus souvent, comparée aux espoirs, la réalité est décevante.

Des plaisirs innombrablesentrevus dans une confusion délicieuse et qui tous avaient contribué à déclencher l'exquis frisson du désir, un seulou un tout petit nombre nous est donné; il nous est donné dans un contexte d'impressions vulgaires et de mesquinsdésagréments qui le découronnent.

Jamais le désir n'est totalement satisfait.Son intensité, du moins, tombe-t-elle, dans la mesure même où il obtient satisfaction? L'observation des désirsprovoqués par nos besoins physiologiques pourrait nous le faire croire : un bon repas met fin au désir de manger, etune bonne nuit au désir de sommeil.

Mais ne serait-il pas plus juste, dans ce cas, de parler d'appétits au lieu dedésirs? Le désir, avons-nous dit, est provoqué par la représentation d'un plaisir et intimement fondu avec elle.

Dansla faim et dans la soif, il y a, en plus et avant tout, une sensation : c'est à la sensation pénible que nous mettonsfin en mangeant et en buvant, mais le désir d'éprouver de nouveau le plaisir de manger et de boire n'en est passupprimé : c'est bien pour cela que les Romains avaient un vomitoruim.Bien plus, c'est un renforcement et parfois une exaspération du désir qui résulte ; de sa satisfaction.

Ayant obtenuce que nous convoitions depuis des jours ou des mois, c'est un degré de plus de bonheur que nous cherchons hatteindre : la spéculation la plus heureuse ne satisfait pas le financier, et il désire toujours ajouter quelques millionsà ceux qu'il possède; la femme vaniteuse qui a réussi à se faire accepter dans un salon qui lui était fermé, songeaussitôt aux moyens de se faire admettre dans un milieu qui passe pour plus distingué encore.

L'homme de désir estcomme le tonneau des Danaïdes, un gouffre que les chances les plus extraordinaires ne peuvent combler. *** La sagesse consisterait-elle donc, ainsi que l'ont enseigné nombre de philosophes, à restreindre ses désirs, et, si. »

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