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La raison entre-t-elle nécessairement en conflit avec la croyance religieuse ?

Publié le 02/03/2005

Extrait du document

■ Avant Épicure, les hommes étaient donc écrasés par des croyances religieuses effrayantes : d'où ces prières, ces sacrifices dont les croyants attendaient qu'ils apaisent la colère des dieux ou qu'ils attirent leur bienveillance. L'intelligence d'Épicure délivre de ces croyances absurdes. « Ces ténèbres de l'esprit, il faut donc, pour les dissiper, non les rayons du soleil, ni les traits lumineux du jour mais l'étude rationnelle de la nature « (p. 54).

■ On peut en effet rendre raison de tout ce qui est sans faire appel aux puissances divines : « Toutes choses se forment sans intervention des dieux « (p. 23).

L'adverbe nécessairement est important. Le sujet présuppose que raison et croyance peuvent, en fait, entrer en conflit ; il demande si ce conflit est inévitable, si la pensée rationnelle peut ou non se déployer sans finalement se heurter à la croyance religieuse.    Introduction    ■ D'ordinaire, on tend à opposer la croyance religieuse et la pensée rationnelle. La raison paraît entrer en conflit avec la religion, en tant par exemple qu'elle promeut un savoir qui a pu contredire les certitudes religieuses antérieures.  ■ Toutefois, on peut se demander si les vérités religieuses sont nécessairement irrationnelles et si la raison ne peut également conduire la pensée au seuil de la croyance religieuse.  ■ Le problème est alors de savoir si la raison entre nécessairement en conflit avec la croyance ?  

« Pour s'en convaincre, il faut rechercher quels sont les fondements réels des choses, il faut une connaissancemétaphysique, cad une science de la totalité du monde.

Celle-ci nous révélera que le principe de toutes choses estla matière, que tout ce qui existe est matériel.

Ainsi, la science peut expliquer tous les événements du monde, tousles phénomènes de la Nature, même ceux qui étonnent et terrorisent le plus les hommes, comme procédant demécanismes matériels dépourvus de toute intention de nuire, et nullement d'esprits divins aux volontés variables.

Parexemple, les intempéries qui dévastent vos biens et vous ruinent ne sont nullement l'expression d'une vengeancedivine pour punir vos fautes passées, mais seulement la résultante de forces naturelles aveugles et indifférentes àvotre devenir.

C'est ce qu'établira de façon complète Lucrèce, en donnant même le luxe de plusieurs explicationspossibles des mêmes phénomènes, arguant du fait que l'essentiel n'est pas de connaître la vraie cause duphénomène, mais de savoir qu'il possède une cause matérielle non intentionnelle.

C'est en effet cela seul qui importeà notre bonheur, puisque ce savoir nous délivre des angoisses religieuses. Plus précisément, cette pensée rationnelle travaille, comme l'écrit encore Lucrèce, « à dégager l'esprit des lieuxétroits de la superstition » (p.

42).

Elle n'est incompatible qu'avec la crédulité religieuse, qui rend impossiblel'ataraxie (l'absence de trouble, de crainte) que vise le Sage.

Elle n'entre pas nécessairement en conflit avec unecroyance raisonnée en des dieux qui, « par le privilège de leur nature, doivent jouir d'une durée immortelle dans unesouveraine paix, séparés, éloignés de nous et de ce qui nous touche [...] sans aucun besoin de nous, insensibles ànos services, inaccessibles à la colère » (p.

20).

Mais une telle croyance, toute extérieure à la superstition, « nousélève jusqu'aux cieux ».

Le divin que cherche la religion ne serait-il pas, en dernière analyse, notre raison elle-même? 2.

Une raison indépendante de la foi L'exemple de Descartes Descartes entreprend de séparer sans ambiguïté la croyance religieuse de l'exercice de la pensée rationnelle.

Il écrit en ce sens qu'il révère les vérités révélées et prétend « autant qu'aucun autre, à gagner le ciel » ; mais,précise-t-il, « ayant appris comme chose très assurée, que le chemin n'en est pas moins ouvert aux plus ignorantsqu'aux plus doctes, et que les vérités révélées qui y conduisent sont au-dessus de notre intelligence, je n'eusse oséles soumettre à la faiblesse de mes raisonnements, et je pensais que, pour entreprendre de les examiner et yréussir, il était besoin d'avoir quelque extraordinaire assistance du ciel, et d'être plus qu'homme » (Discours de laméthode, I). Ainsi, la « méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences » afin de devenir maître etpossesseur de la nature, n'a aucun rapport avec la foi qui, elle, donne accès au ciel.

Fidèle à la religion de sanourrice, Descartes ne se croit pas tenu de partager ses raisonnements. Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de lascience, de la technique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».

Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde. Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sacompréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : lascolastique, que l'on peut définir comme une réappropriation chrétienne de ladoctrine d' Aristote . Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée,n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

Lavie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne nonseulement des hommes, mais des dieux. Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, demaîtrise s'introduit au coeur même de l'activité de connaître. La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, maisprincipalement aussi pour la conservation de la santé [...] ». »

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