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La raison n’a-t-elle pour fin que la connaissance du réel ?

Publié le 10/07/2012

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Dès lors, les différentes aspirations de la raison ne seraient-elles pas finalement très proches les unes des autres et ne relèveraient-elles pas d’une seule et même fin ? Il semble en effet que, s’agissant de la connaissance du réel comme de la morale, la vocation de la raison soit de nous élever à une forme d’universalité. La raison exprimerait ainsi le souci qu’a l’homme de dépasser la contingence et la subjectivité pour montrer sa liberté à l’égard du réel mais aussi à son propre égard. La raison serait en ce sens la faculté par laquelle l’homme ferait valoir son autonomie, c’est-à-dire son aptitude à se donner ses propres lois pour agir. Platon suggère également que la connaissance du Vrai se confond avec la connaissance du Bien et que toute la réalité est structurée selon l’Idée de Bien, laquelle par conséquent constitue l’horizon ultime de la connaissance. Connaître le réel, c’est donc connaître le Bien et se disposer à agir bien. Ainsi, comme le souligne Platon, la vertu (excellence d’âme) se confondrait avec l’exercice philosophique, lequel consiste justement à « chercher « le savoir.

« étendre son domaine d’investigation à ce qui échappe pourtant aux lois scientifiques et même à ce qui ne peut ni être mesuré ni prouvé, comme c’est le cas dans lessciences humaines ou en métaphysique.

Ainsi la raison semble être à l’origine des3 La raison et le réeltentatives faites pour « connaître » des événements historiques, lesquels pourtant ne peuvent pas être « expérimentés », ou encore des notions telles que Dieu oul’âme, sur lesquelles toute loi générale et nécessaire semble impossible à établir.

Ainsi la raison paraît soucieuse, d’une part, d’interroger le réel sous toutes sesformes, et ce même dans ses aspects les plus variés et les plus reculés et, d’autre part, d’atteindre une certaine objectivité dans sa recherche de connaissance.

Or,comme le montre Kant, ce questionnement métaphysique sur la raison même des choses correspond en fait à un véritable « destin » de la raison humaine : « La raisonhumaine a un destin singulier ; elle est accablée de questions qu’elle ne peut repousser : celles-ci lui sont en effet proposées par sa nature sans qu’elle puisse yrépondre car elles dépassent tout son pouvoir… » Ainsi, même si la raison ne parvient pas toujours à prouver ce qu’elle avance, elle ne peut s’empêcher de chercher àconnaître le réel : c’est dans sa nature même.

Cette démarche exprime son souci d’embrasser la totalité des choses qui nous entourent pour en chercher la raison.Transition Il semble donc que la raison ait pour seule et unique fin de connaître le réel.

Cependant, qu’en est-il dès lors de la finalité pratique de la raison, laquelle cherche nonpas tant à connaître le réel qu’à agir sur lui ? II La finalité technique de la raisonII-1 La raison comme principe d’action efficace La raison est certes à l’origine de nos représentations mais elle est aussi un principe qui nous permet d’agirefficacement sur le réel.

À ce titre, la raison apparaît comme la faculté des « moyens » : elle nous donne en effet les instruments qui nous permettent de mener à biennos actions, en les intégrant à un « calcul », à un projet censé aboutir à une action réussie.

Raisonner, c’est en ce sens ordonner nos jugements en vue d’agir et passeulement dans un souci théorique qui relèverait de la simple pensée.

À ce titre, le travail et la technique apparaissent comme des aboutissements de la raison, commeses produits, et donc comme son prolongement.

Aristote souligne ainsi le lien qui existe entre la main et l’intelligence humaine en insistant sur la finalité qui régit lanature, laquelle donne des mains à l’homme parce qu’il est intelligent, et non l’inverse.

La main comme prolongement naturel de la raison semble bien indiquer que laraison ne se limite pas à n’être qu’une faculté théorique, mais qu’elle a une vocation pratique.

Ainsi, l’outil et la machine seraient des produits de la raison parlesquels l’homme s’assure une certaine maîtrise du réel. II-2 La finalité théorique en vue de la finalité techniqueOr cette finalité pratique ne serait-elle pas en fait la véritable fin de la raison, fin à laquelle la connaissance serait donc subordonnée ? En effet, l’homme nechercheraitil pas à connaître le réel que dans le but d’agir sur lui ? Dans ce cas, la raison aurait pour vraie et ultime fin non pas tant la connaissance elle-même quel’action et la maîtrise des choses.

Or c’est bien en ce sens que Descartes entreprend son projet4 La raison et le réel SUJET 5 : CORRIGÉscientifique, qu’il subordonne ainsi à l’action : « Sitôt que j’eus acquis quelques notions générales touchant la physique (…) j’ai remarqué jusqu’où elles peuventconduire (…) j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer le bien général de tous les hommes.

» Ainsi,comprenant qu’il existe des « connaissances fort utiles à la vie », Descartes suggère que « nous les pourrions employer (…) et nous rendre comme maîtres etpossesseurs de la nature ».

Bergson ira même jusqu’à suggérer que la technique serait, avant même la connaissance, la fin de la raison.

Ainsi souligne-t-il que « en cequi concerne l’intelligence humaine, on n’a pas assez remarqué que l’invention mécanique a d’abord été sa démarche essentielle ».

Dès lors, il faudrait qualifierl’homme non pas, tant d’homo sapiens (homme savant), mais d’« homo faber » (homme qui fabrique des outils).

Dès lors, comme l’affirme Bergson, on pourraitavancer que « l’intelligence, dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils». II-3 Autre rapport possible entre finalité théorique et finalité techniqueOr soumettre ainsi la connaissance du réel à d’autres fins, et notamment à la technique, c’est la réduire à n’être plus qu’un moyen (en vue d’un autre but).

C’est doncremettre en question l’idée que la connaissance du réel serait la fin « essentielle » et « propre » à la raison.

Or la technique peut être indépendante de la raison.

Eneffet, l’histoire des sciences et des techniques montre que des inventions ont pu avoir lieu sans aucun fondement scientifique qui pouvait s’apparenter à uneconnaissance : invention empirique du télescope par Jacques Metius par exemple, mais aussi selon Koyré, édifications de temples, de palais, etc., lesquels n’ont pasnécessité de connaissance théorique.

Or cette possible indépendance entre science et technique montre que la technique n’est peut-être qu’une fin accidentelle de laraison, ou du moins une fin qui ne serait pas aussi essentielle que sa finalité théorique.

Qui plus est, subordonner la connaissance du réel à la technique, c’estsupposer que tout ce que l’homme connaît doit être utilisé et appliqué, donc rentabilisé.

Or il semble, comme le montre Aristote, que la raison est d’abord ce quipermet à l’homme de « s’étonner » et que, de ce fait, un certain nombre de ses connaissances soient « théorétiques », c’est-à-dire purement contemplatives (connaîtrepour connaître), et donc libérées de toute fin utilitaire.Transition Par ailleurs, la raison n’a-t-elle pas, qui plus est, une fin morale et celle-ci n’estelle pas fondamentale ? III La finalité morale de la raisonIII-1 La raison comme faculté morale La vocation morale de la raison apparaît dès que l’on examine les sens des termes « rationnel » et « raisonnable ».

Le mot raisonne signifie pas en effet que « calcul » (lequel pourrait être immoral), mais signifie aussi « mesure », ou « ration ».

Ainsi, être raisonnable, c’est être capable de fairepreuve de mesure aussi bien dans ses pensées que dans ses actions, mesure quantitative (éviter par exemple l’excès, faire preuve de5 La raison et le réel« justesse ») mais aussi qualitative (évaluer le bien, être juste).

Se raisonner, c’est aussi être capable de modération.

Par cette dimension, l’homme montre ainsi qu’ilest capable de faire valoir autre chose que ce qui l’attache à ses désirs sensibles et qu’il est capable de liberté, laquelle consiste, comme le souligne Kant, à pouvoirposer des lois universelles qui nous arrachent au déterminisme sensible (nos désirs égoïstes).

Dès lors, si, comme le souligne Kant, il y a « deux choses dignesd’admiration » chez l’homme qui sont « le ciel étoilé au-dessus de moi, la loi morale en moi », c’est bien que la raison s’exprime de deux manières, d’une part, parune aspiration à connaître la réalité et, d’autre part, par une aptitude à établir des lois morales universelles. III-2 La fin théorique subordonnée à la fin moraleComment s’articule dès lors la destination théorique de la raison avec sa destination morale ? Déterminer la fin de la raison, c’est poser cette fin comme une exigenceet comme ce qui pourrait achever et parfaire la raison.

C’est donc chercher la plus haute destination de celle-ci en comparant ses différentes fins possibles et ens’efforçant de leur donner une unité.

Or ce qui apparaît, c’est que la connaissance humaine n’a de valeur que si elle s’accompagne d’une certaine moralité.

C’estd’ailleurs pour cela que le projet technique ne peut être légitime que s’il sert de bonnes fins, c’est-àdire des fins posées par la morale.

C’est également ce qui apparaîtdans le fait que la connaissance scientifique suppose une capacité (morale) à viser l’objectivité et à faire preuve d’une démarche désintéressée, pure et authentique.C’est enfin pour cela que Kant fonde la métaphysique sur la morale, autrement dit subordonne la destination métaphysique de la raison à sa destination morale, enmontrant que notre aspiration morale exige que nous « pensions » certains objets (l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme, la liberté) et que nous en fassions desobjets de foi à défaut de pouvoir les connaître.

Ainsi, la connaissance du réel peut, sans se réduire à un simple moyen et tout en conservant un caractère de finessentielle, être subordonnée à l’accomplissement de notre moralité.

Il s’ensuit que le but suprême de la raison serait donc la recherche du bien, dont doiventd’ailleurs dépendre toutes les autres aspirations.. »

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