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LA RECHERCHE DU BONHEUR dans LA Vie heureuse et LA Brièveté de LA vie de Sénèque

Publié le 10/09/2018

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Cela invite presque à penser que la première moitié n’est qu’un prétexte, dans tous les sens du terme : Sénèque défendrait bien moins la philosophie du Portique qu’il ne cuercherait à régler des comptes avec des ennemis qui ne sont en rien des « intellectuels » : Suillius, d’abord, qui l’accuse de se vautrer dans le stupre de la cour impériale par pur appât du gain ; mais aussi et surtout Néron lui-même, visé de manière ironique mais à peine dissimulée lorsque, dans le discours du sage authentique, ce dernier se fait longuement et complaisamment l’écho des soi-disant << inepties des poètes » contre << Jupiter très bon et très grand » (p. 80) ; or poète, Sénèque l’était aussi, par ses tragédies et par son opuscule de jeunesse ridiculisant l’empereur Claude. Ces « poètes » avancent en effet que le dieu suprême << découche » et « se livre à des amours adultérines » ; si cela n’a rien d’infamant pour Jupiter, car tous les mythologues depuis Hésiode vantent sa puissance sexuelle insatiable, c’est bien plus embarrassant pour cet homme fait dieu qu’est l’empereur Néron ; celui-ci commence en effet en 58 sa liaison avec Poppée, avec qui il se mariera en 62 en répudiant Octavie, au grand dam de Sénèque qui réprouve la liaison depuis son origine. Les << poètes » avancent aussi que Jupiter est << cruel envers les autres dieux, ou bien inique envers les mortels, qu’il est le ravisseur d’hommes innocents et même de ses proches » : là encore, c’est Néron qui a déjà fait supprimer bon nombre de membres des familles patriciennes et qui a pour coutume de prélever au hasard des passants dans les rues romaines pour qu’ils animent ses orgies et subissent ses violences gratuites. Enfin les << poètes », pas si ineptes finalement, accusent Jupiter d’être << parricide et usurpateur du trône paternel », alors que le renversement de Saturne parJupiter est toujours présenté dans la littérature grecque et latine comme la libération d’un joug injuste ; mais c’est toujours Néron, lui qui n’a accédé au pouvoir qu’à la faveur de l’assassinat de son prédécesseur Claude par sa mère Agrippine, assassinat auquel il a au moins consenti. En quelques lignes, voilà donc de grands et infamants griefs que Sénèque porte violemment contre son prince, avec, pour le coup, un courage étonnant quand on sait le sort que Néron réservait à ceux qui le critiquaient.

La rhétorique est l’art de bien parler, ou de persuader son auditoire.

 

Cet art avait avant tout un usage judiciaire : la rhétorique naît dans les tribunaux grecs et poursuit sa carrière dans les plaidoiries des avocats. Mais elle se développe rapidement aussi devant les assemblées politiques, et prend un usage délibératif. Enfin on s’en sert pour faire des éloges en public, c’est l’usage épidictique.

 

La rhétorique a d’emblée mauvaise réputation parmi les philosophes. Platon stigmatise les amoureux des mots qui se flattent de pouvoir démontrer n’importe quelle thèse et son contraire dans le Gorgias, ou encore dans l’Euthydème. Avec la fin de la démocratie athénienne, la rhétorique devient synonyme du pouvoir des orateurs qui manipulent les assemblées en brandissant de grands idéaux, alors qu’ils sont en fait guidés par des intérêts bien plus triviaux.

 

Dans la république romaine en revanche, la rhétorique retrouve du prestige. Cicéron en fait grand usage et la codifie dans de nombreux traités. Le père de Sénèque est également l’auteur d’ouvrages de rhétorique. Les philosophes stoïciens ne voient plus la même contradiction que leurs aînés athéniens entre philosophie et rhétorique.

 

Qu’il soit destiné aux prétoires, aux assemblées ou aux oraisons de tous ordres, le discours rhétorique conserve un plan très voisin de son usage judiciaire. Il comporte en ce cas cinq parties :

 

1. L’exorde sert à introduire le sujet et à attirer l’attention des auditeurs.

 

2. La proposition (propositio) annonce ce que l’orateur entend montrer dans son discours et en donne souvent le plan.

 

3. La narration (narratio) est l’exposé des faits.

 

4. L’argumentation (argumentatio) défend le point de vue annoncé dans la proposition sur la base des faits relatés dans la narration.

 

5. La péroraison conclut le discours en récapitulant les principaux points, et vise à susciter soit l’indignation soit la pitié de l’auditoire.

La question de la fortune : indifférence du sage ou souci du lendemain ?

 

Ainsi, Sénèque développe à plusieurs reprises dans la première partie le thème de l’ataraxie du sage. Le sage est << exempt d’inquiétude » parce qu’il ne se préoccupe pas des plaisirs qui par définition lui échappent - on est ici dans la droite ligne de La Brièveté. Mais dans la seconde partie de La Vie heureuse, on apprend que la différence entre les richesses du sage et celles de l’insensé consiste dans le fait que le second croit qu’il possédera toujours ses biens, alors que le premier prévoit qu’il peut tout perdre (allusion, assurément, à la précarité de la richesse de Sénèque lui-même, car du jour au lendemain Néron peut tout reprendre d’un simple geste) : comme un général qui prépare la guerre même en temps de paix, le sage qui jouit de biens matériels prend des mesures pour assurer la pérennité de ses richesses, alors que l’insensé les dilapide (p. 78). Mais s’il faut prendre des mesures pour conserver ses biens, il faut alors aussi se mettre sous la dépendance de la fortune et chercher à la prévoir, sans être jamais sûr d’y parvenir, puisque l’avenir et la fortune sont incertains et ne dépendent pas de nous ; le soin de conserver ses richesses ne peut que susciter l’inquiétude, c’est-à-dire le souci de ce qui ne dépend pas de nous.

 

À l’inverse, La Brièveté, plus conséquente, opposait le bonheur du sage qui << vit tout de suite » à la sottise du prévoyant qui perd son temps et sa vie à tenter de prévoir l’imprévisible (p. 111-114). Il est vrai qu’entre-temps Sénèque est devenu lui-même très riche, et qu’il est passé de la privation de la campagne corse à l’opulence de Rome ...

 

b. La question du plaisir : mépris ou souci ?

 

li en va de même pour le rapport du sage au plaisir. Toute la première partie du dialogue pourrait se résumer ainsi, en pastichant une maxime épicurienne (voir encadré << Les maximes du bonheur dans l’Antiquité », p. 22) : le plaisir n’est rien pour le sage. Ainsi l’homme heureux est celui << pour qui le plaisir véritable est le mépris des plaisirs » (p. 24). Mais le sage véritable de la seconde partie, lui, professe : << j’aime mieux que ce qui m’est réservé soitplus agréable et moins pénible » (p. 76) ; c’est donc bien, semble-t-il, qu’il se soucie de son plaisir. Peut-on vraiment mépriser ce dont on se soucie même un tant soit peu ?

« STRUCTURE DE LA VIE HEUREUSE • PREMIÈRE PARTIE : la voie stoïcienne vers le bonheur.

EXORDE : qu'est ce que le bonheur et comn1ent le trouver ? (p.

15 16) CONTRADICTION : contre la voie du grand nombre et la« rumeur publique >> (p.

17 19) ; contre la voie des élites sociales et les biens extérieurs que sont la richesse et la gloire (p.

19-21).

PRoPosmoN : la voie du bonheur est celle des stoïciens amendée par Sénèque (p.

21- 22).

Le bonheur est un mais se dit en plusieurs sens ; trois déf nitions du bonheur (p.

22 27).

ARGUMENTATION :le bonheur exclut le plaisir ; réfutation des épicuriens et des aristo téliciens (p.

28-51).

-Ironie : celui qui admet que l'âme a des plaisirs propres ne parle en fait que des plaisirs du corps (p.

28).

-Six arguments contre l'identif cation du bonheur au plaisir (p.

29 32).

-Exhortation à fortifier sa raison (p.

32 34).

-Dialogue f ctif avec un Gallion épicurien (p.

34 45).

-Exhortation : (p.

45-48).

- Hypothèse f nale (aristotélicienne) :et si le bonheur était une alliance de la vertu et du plaisir ? Réfutation de l'hypothèse (p.

48 51).

- Conclusion : le souverain bien repose sur la vertu, qui nous rend semblables aux dieux (p.

51 52).

Transition : pourtant l'aspirant à la sagesse a besoin du concours de la fortune (p.

52 53).

• SECONDE PARTIE: faut-il exiger du philosophe qu'il conforme ses actes à ses paroles ? L'aspirant à la sagesse peut-il cultiver les richesses ? (p.

53 85) EXORDE : accumulation des questions de ceux qui > (p.

53-55).

PRoPosmoN : , mais le discours du philosophe permet au moins d'instaurer une mesure humaine du bonheur -un bonheur comparatif ou relatif et non plus absolu (p.

55 56).

PREMIÈRE ARGUMENTATION, adressée aux non philosophes :mépriser celui qui n'est vertueux qu'en paroles, c'est mépriser la vertu elle-même (p.

56-63) .

.

-Exemples : Platon, Épicure, Zénon, Rutilius, Caton, Démétrius le Cynique, Diodore l'Epicurien (p.

56 57).

- Les > sont pires encore que le philosophe inconséquent, qui au moins donne la mesure du bien (p.

58-60).

-Profession de foi du philosophe (p.

60 62).

- Conclusion :les > haïssent la vertu et en sont incapables (p.

62 63).

SECONDE ARGUMENTATION, à l'intention des philosophes : la question des préférables (p.

63 85).

-Nouvelle accumulation (reprise du thème de l'exorde) :pourquoi le philosophe chérit­ il les biens extérieurs et ceux du corps ? (p.

63) -De l'indifférence aux préférences du sage (p.

63 64).

-Justification de la richesse du sage : elle. »

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