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La science se limite t-elle à constater les faits ?

Publié le 18/04/2023

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« DISSERTATION La science se limite t-elle à constater les faits ? Lorsque qu’Archimède s’est, selon la légende, exclamé « Eurêka » quand il a découvert la poussée d’Archimède au IIIème siècle avant JC, celui-ci exprimait son enthousiasme et son soulagement après avoir fourni d’intenses efforts intellectuels pour trouver une solution scientifique au problème que lui avait posé le tyran de Syracuse.

La découverte scientifique est toujours la récompense du déploiement de forces intellectuelles, imaginatives et créatrices, et couronne bien souvent des années de réflexions et d’interrogations.

En cela, il semble que la démarche scientifique n’ait rien à voir avec le simple « constat » de phénomènes physiques, le terme de « constat » renvoyant notamment au sens juridique, à l’attestation passive et administrative de faits.

Faire reposer la science sur un simple travail de « constatation » paraît refléter une vision particulièrement peu ambitieuse des sciences qui ne paraît pas en phase avec les espoirs, parfois excessifs, que nous plaçons en elles. En effet, la connaissance scientifique est considérée dans la tradition occidentale comme la forme ultime de la connaissance, à la fois de par sa méthode, qui se veut rigoureuse et objective, et de par son contenu, qui nous permet de bâtir des certitudes sur le monde.

Nous pourrions définir la science moderne comme un ensemble de connaissances élaborées sur le fondement d’une méthode rationnelle et objective et visant à expliquer le réel.

Ainsi, la science est censée non seulement nous permettre de mieux comprendre le réel en explicitant les causes des phénomènes, mais plus encore, nous offrir une « préscience de l’avenir » en nous permettant de prédire certains phénomènes, grâce à la construction des « lois de la nature ».

Dès lors, il semblerait que la science démontre, analyse, et explique les faits et qu’elle consiste justement à aller bien plus loin que la simple constatation des faits « bruts », qui ne serait qu’une activité purement passive.

En effet, tant la notion de « constat » que celle de « fait », semblent, à première vue, relever de la même idée de passivité.

La notion de « constat » renvoie à l’idée de « prendre acte » de la manifestation de phénomènes.

Quant à la notion de « faits », elle est particulièrement large, et pourrait correspondre à toute sorte de manifestation du réel, que cette manifestation soit celle d’un phénomène naturel (comme une éclipse) ou d’un phénomène artificiel (comme une explosion nucléaire ou un évènement politique).

En tout état de cause, la notion de fait relève de ce qui existe immédiatement en dehors de nous, dans le monde sensible, et s’opposerait ainsi à ce qui relèverait de toute forme de construction intellectuelle (ou idées). Nous pouvons ainsi nous demander si une science qui ne ferait que « constater » des faits serait encore une science.

Constater le réel ne répondrait pas à ce que l’on attend d’une science qui se veut fondamentalement explicative et non descriptive.

Une science qui se limite à constater les faits ne serait qu’une coquille vide, sans valeur ajoutée par rapport au sens commun et à l’expérience immédiate que nous pouvons faire du réel.

Nous constatons par exemple qu’une éclipse a eu lieu, sans toutefois pouvoir rendre compte des causes de ce phénomène. Pour autant, définir la science comme une construction intellectuelle humaine interroge.

Deux types de questions peuvent ici se poser : si nos connaissances scientifiques sont fondées sur des constructions intellectuelles, comme s’assurer que nos connaissances ne sont pas artificielles et sont réellement en adéquation avec le monde extérieur ? De plus, si toute connaissance scientifique va au-delà des faits, comment peut-elle demeurer objective ? De même, la notion de « constat » peut parfois être assimilée à celle d’authentification ou de vérification, et laisserait entendre que l’activité de constatation n’est pas purement passive.

Un scientifique qui constaterait des faits entrerait ainsi dans une relation dynamique avec le réel.

Il ne s’agirait pas seulement d’attester de la présence d’un fait, mais de valider une connaissance scientifique en la confrontant avec le réel. Il semblerait donc qu’interroger le rapport entre la science et les faits soulève plus profondément le problème du statut de la science et de sa portée ontologique.

La construction de la science repose sur une recherche constante d’un équilibre entre faits et théorisation, équilibre qui a semblé parfois évolutif, entre l’émergence d’une science expérimentale au 17ème siècle puis son mouvement vers une abstraction constante avec l’émergence de physique quantique.

L’évolution des rapports entre expérience et théorie indique bien qu’entre les deux extrêmes qui consisteraient à s’émanciper des faits ou, au contraire, à les entériner, il existe un chemin de crête qui conditionne la conception que nous nous faisons de la science et la confiance que nous pouvons y investir.

Cette évolution pose aussi des questions philosophiques sur le statut de nos constructions scientifiques : une théorie reflète t-elle le réel ou nous renvoie-t-elle à nous-même et à nos propres représentations ? Nous verrons que la science ne peut se borner à constater les faits car pour expliquer le monde, elle doit dépasser la pure factualité (I).

Cependant, la science ne peut se passer des faits, au risque de sacrifier son objectivité et sa validité (II).

Finalement, nous verrons que les rapports entre faits et sciences posent des questions plus profondes sur la possibilité de concilier nos représentations intellectuelles avec le monde qui nous entoure, et donc sur la portée ontologique de la science (III). *** I] Assimiler la démarche scientifique à la « constatation » de faits, au sens où le scientifique ne ferait qu’attester, décrire ou recenser les phénomènes naturels paraît particulièrement réducteur.

La science doit expliquer et non décrire.

Cela signifie que la science doit aller audelà des faits pour les organiser, les trier, les interpréter et leur donner une certaine rationalité et cohérence. Prendre acte du réel, des faits qui nous entourent, sans les analyser et les interpréter n’ajoute aucune connaissance au savoir scientifique.

Il ne s’agit pas de dire que le travail de description est étranger à la démarche scientifique.

Au contraire, les grands naturalistes du XVIIIème siècle comme Linnée n’ont eu de cesse de décrire et de recenser les différentes espèces de plantes.

Mais il s’agissait d’inscrire ces descriptions dans une démarche plus systématique consistant à classer les espèces végétales et plus largement, à réformer le système de dénomination de plantes en instaurant un système de nomenclature binominale, toujours en vigueur aujourd’hui.

La démarche scientifique dépasse donc toujours le simple constat factuel et ne se limite jamais à l’observation empirique : elle organise le sensible, le met en forme, l’interprète et le systématise. Nous appuierons l’idée selon laquelle la science doit dépasser la constatation des faits sur deux arguments : (i) D’une part les faits peuvent être « trompeurs » ou induire et erreur. Dès lors, les « constater » au sens de les « entériner » déboucherait sur des contre-vérités scientifiques.

(ii) D’autre part car la science est une démarche qui se veut fondamentalement explicative.

Sa plus-value réside dans la création d’inférences ou de rapports de proportion et d’identité entre les phénomènes, et plus largement sur la création de jugements synthétiques et non seulement analytiques.

La science accroit nos connaissances.

Elle ne se limite donc pas à nous révéler ce que nos sens nous disent déjà sur le réel. (i) Il est en effet patent que nous ne pouvons pas construire de science sur le fondement de nos simples perceptions sensibles des faits, d’une part car ces perceptions sont trompeuses, changeantes, et d’autre part car elles sont relatives à chacun d’entre nous.

Prenons l’exemple de la découverte de l’héliocentrisme par Nicolas Copernic au XVIème siècle. L’héliocentrisme défie en effet ce que nous disent nos sens, qui nous font croire que le soleil tourne autour de la terre.

Il en va de même de l’hypothèse selon laquelle la terre serait plate, qui va dans le sens de nos perceptions sensibles mais qui est en réalité absolument contrefactuelle.

De même, la découverte récente du Bozon de Higgs en 2012 a permis de nous faire comprendre que la masse n’était pas de la « matière », mais résultait en réalité d’une interaction des particules avec le vide.

Comment les sens pourraient-ils concevoir que nous sommes faits majoritairement de vide si la science s’était arrêtée à la perception sensible ? Plus généralement, la physique quantique va frontalement à l’encontre de ce que nous dicte le sens commun sur le monde et remet en cause notre vision du temps mais aussi de l’espace (intrication quantique).

Dès lors, il semble qu’il existe un gouffre entre ce que Wilfried Sellars (« La philosophie et l’image scientifique de l’homme ») appelle « l’image manifeste du monde » (à savoir notre perception sensible, ce que nous percevons de la constatation des faits qui nous entourent) et « l’image scientifique » du monde.

Ces exemples montrent bien que la science doit dépasser la pure factualité, la pure phénoménalité, pour mettre à jour ce qu’il existe réellement derrière les faits.

Il ne.... »

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