Les faits que l'expérience nous propose sont soumis par la science à une analyse dont on ne peut pas espérer qu'elle soit jamais achevée puisqu'il n'y a pas de limites à l'observation, qu'on peut toujours l'imaginer plus complète ou exacte qu'elle n'est à un moment donné.
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Les faits que l'expérience nous propose sont soumis par la science à une analyse dont on ne peut pas espérer qu'elle soit jamais achevée puisqu'il n'y a pas de limites à l'observation, qu'on peut toujours l'imaginer plus complète ou exacte qu'elle n'est à un moment donné. Le concret, le sensible assignent à la science la tâche d'une élucidation interminable, et il résulte de là qu'on ne peut le considérer, à la manière classique, comme une simple apparence destinée à être surmontée par l'intelligence scientifique. Le fait perçu et d'une manière générale les événements de l'histoire du monde ne peuvent être déduits d'un certain nombre de lois qui composeraient le visage permanent de l'univers ; c'est, inversement, la loi qui est une expression approchée de l'événement physique et en laisse subsister l'opacité. Le savant d'aujourd'hui n'a plus, comme le savant de la période classique, l'illusion d'accéder au c?ur des choses, à l'objet même. Sur ce point, la physique de la relativité confirme que l'objectivité absolue et dernière est un rêve, en nous montrant chaque observation strictement liée à la position de l'observateur, inséparable de sa situation, et en rejetant l'idée d'un observateur absolu. Nous ne pouvons pas nous flatter, dans la science, de parvenir par l'exercice d'une intelligence pure et non située à un objet pur de toute trace humaine et tel que Dieu le verrait. Ceci n'ôte rien à la nécessité de la recherche scientifique et ne combat que le dogmatisme d'une science qui se prendrait pour savoir absolu et total. Ceci rend simplement justice à tous les éléments de l'expérience humaine et en particulier à notre perception sensible. MERLEAU-PONTY, Causeries
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- La simple constatation des faits ne pourra jamais parvenir à constituer une science. C.Bernard
- Pensez-vous, avec Jean Brun (Entretiens de Cerisy-la-Salle sur le surréalisme en juillet 1966, Mouton), que le surréalisme se soit méfié du merveilleux moderne et machiniste : «(Le surréalisme) s'est toujours refusé de se laisser prendre aux prestiges de la machine ; car le surréalisme a toujours dénoncé les prophétismes machinistes, il a sans cesse introduit dans le fonctionnement ou dans la structure de la machine - qu'il me suffise de rappeler l'oeuvre de Marcel Duchamp - une notion que la machine ignore totalement : l'humour. Le surréalisme n'a cessé de jouer des blagues à la machine, blagues qui ne sont pas des plaisanteries faciles mais qui remettent en question les prétentions mêmes de la machine : les machines inutiles, les fausses machines, les machines fonctionnant à contresens sont autant d'antimachines nous invitant à ne pas nous laisser prendre par la machine. Car le surréalisme n'a jamais cessé de dénoncer le pseudo-merveilleux. C'est un hommage qu'il convient de lui rendre : au moment où les premières fusées partirent dans l'espace, tout le monde se mit à applaudir, même et surtout les incompétents, car bien peu nombreux étaient et sont ceux qui peuvent prétendre être capables de voir tous les problèmes techniques, mathématiques ou biologiques qui ont dû être résolus pour qu'un cosmonaute pût habiter un satellite artificiel. On applaudissait une expérience «merveilleuse» ; mais les surréalistes refusèrent de s'associer à ces applaudissements grégaires et à ces clameurs infantiles prenant la conquête de la verticalité spatiale pour l'accès à une surréalité du type de celle relevant de l'aventure à laquelle ils nous convient. Se détournant de Dédale, le surréalisme s'est inspiré d'Orphée en demandant à celui-ci les voies d'approche et d'approfondissement.»
- «Aimez ce que jamais on ne verra deux fois», tel est le conseil que donne Vigny au vers 308 de La Maison du Berger. En face de la morale et de l'art classiques qui privilégient l'éternel par rapport à l'éphémère, l'universel par rapport au singulier, ne vous semble-t-il pas que Vigny définit ainsi une attitude - éthique et esthétique - nouvelle qui, annoncée par Montaigne et la littérature baroque, s'est surtout développée dans la littérature moderne, à partir du romantisme ? Pour répondre à cette question et préciser cette attitude, vous pourrez vous aider de cette analyse de Georges Poulet sur le temps romantique : «Enfermé dans l'instant, le romantique s'échappe en pensée dans tout le reste de sa vie. Ou plutôt il essaie d'envelopper celle-ci dans la conscience du moment actuel. Il ne s'agit plus, comme au siècle précédent, d'extraire du moment toute sa substance sensible ; il s'agit de donner au moment toute la profondeur, toute l'infinité même de durée, dont l'être humain se sent susceptible. Posséder sa vie dans le moment, telle est la prétention ou le désir fondamental du romantique.» (Études sur le temps humain)
- « Pour le savant, croire la science achevée est toujours une illusion aussi complète que le serait pour l'historien de croire l'histoire terminée. » Louis de Broglie, Physique et microphysique. Commentez cette citation.
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