La société est-elle naturelle ?

■ Les êtres humains savent-ils pourquoi ils vivent ensemble? Comme le rappelle Aristote (dans la Politique, I, 2), il existe d'autres «animaux grégaires» qui vivent en groupes, troupeaux et fourmilières. La société humaine a ceci de particulier qu'elle fait l'objet d'un discours explicite : les hommes se demandent ce qu'ils ont en commun, ils ont une représentation de ce qui dépasse leur individualité propre. Le langage manifeste le juste et l'injuste, et c’est la perception en commun de telles notions qui fait une société.

• Il faut alors distinguer la cité ou société politique - où le vivre-ensemble est l'objet de la volonté des hommes - d'une foule ou une masse, qui apparaissent comme une juxtaposition d'individus qui se retrouvent ensemble sans que leur réunion fasse l'objet d'une interrogation explicite. Une société oscille entre ces deux pôles : elle se dote d'une part d'institutions pour penser son mode d'existence en commun; elle consiste aussi en une coexistence plus ou moins subie, comme dans ce que Sartre nomme «la série» (les gens qui font la queue à l'arrêt du bus parce qu'ils se trouvent avoir, de manière contingente, le même projet individuel). Parler de LA société, c'est peut-être croire que le vivre-ensemble des hommes peut être enfermé dans une seule forme.