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La vérité peut-elle être dangereuse ?

Publié le 27/02/2008

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Ce transfert est inévitable, au sens où la mise en question des normes traditionnelles par l?attitude théorétique induit nécessairement un conflit entre les philosophes et l?ordre établi. Qu?il soit inévitable ne signifie pas qu?il ne soit pas problématique : passer de la théorie à la praxis, c?est-à-dire donner de l?effectivité aux idées, est un problème indissolublement philosophique et politique, auquel Marx répond en opposant à l?idéalisme allemand une philosophie matérialiste, qui vise non pas à « interpréter » le monde, mais à « le transformer » (IXe Thèse sur Feuerbach ? publié avec L?Idéologie allemande, ou dans vol. III des ?uvres de Marx, éd. La Pléiade). La théorie, les idées, doivent s?emparer des masses : substituer « la critique des armes » aux « armes de la critique » (cf. par ex. Etienne Balibar, La philosophie de Marx, La Découverte, coll. Repères, 2001, p.24). La vérité acquiert ici un caractère dangereux en devenant praxis effective : la théorie n?est plus conçue ici comme une connaissance désintéressée, purement spéculative, mais comme productive d?effets réels, au service d?une stratégie politique déterminée (cf.

« d'une affirmation morale, d'une conviction fondamentale en la valeur de la vérité et, par suite, de la connaissancescientifique.

Or cette « volonté de vérité » est dangereuse, comme le montre l'expression « la volonté à tout prix ».Elle mène au « sacrifice d'une croyance après l'autre », et pourrait ainsi bien « cacher une volonté de mort ».

La« volonté de vérité », en mettant en question les « convictions » et les « croyances » pré-établies, en dissipant lesapparences et en dévoilant les illusions, mènerait, selon Nietzsche, au « nihilisme », caractérisé par le fait de sedemander « à quoi bon ? », de n'avoir plus d'idéaux pour « justifier » la vie.

Mais la « volonté de vérité », montre Nietzsche dans cet aphorisme, n'est pas seulement dangereuse à l'encontredes apparences, des tromperies, des mensonges ou des croyances : elle se retourne contre elle-même, en montranten quoi l'idéal de la vérité même repose sur une conviction morale, non questionnée et admise comme allant de soi,selon laquelle la vérité serait bonne en soi.

Or, la vérité, dit-il, peut être nocive pour la vie, laquelle exige autant devérité que de non-vérité (§344 GS).

Dès lors, l'idéal d'un « monde vrai » est lui-même dénoncé comme procédant d'une volonté de néant.

Or, la probité du « gai savoir », ou l'esprit scientifique se retournant contre la science elle-même, dévoile la vérité comme étant elle-même une forme de l'erreur et de l'apparence (cf.

aussi « Comment le« monde vrai » devint enfin une fable », dans Le crépuscule des idoles ).

Il faut donc substituer, selon Nietzsche, à ces concepts de la connaissance, qui se révèlent dangereux pour la vie elle-même, une nouvelle forme de savoir, un« gai savoir », où l'homme « ne parle que par métaphores interdites et enchaînements conceptuels inouïsjusqu'alors » ( Vérité et mensonge au sens extra-moral , chap.

II, p.403-416 dans le tome I des Œuvres de Nietzsche, éd.

La Pléiade), portant ainsi le concept à une nouvelle puissance, où celui-ci devient puissance de vie.

Conclusion La vérité peut ainsi être dangereuse, de façon extérieure à la théorie elle-même, lorsqu'elle est entre dans le champde l'histoire et de la politique : les idées acquièrent ainsi une force sociale (Marx), dire la vérité engage éthiquementet politiquement celui qui l'énonce ( Apologie de Socrate ), de même que les vérités scientifiques peuvent être instrumentalisées par le pouvoir politique (utilisation de la théorie physique pour développer la bombe atomique,utilisation d'anthropologues par l'armée américaine en Irak).

Mais la vérité peut être dangereuse en elle-même, de façon intrinsèque, non seulement en ce qu'elle peut détruireles croyances et les traditions (« attitude théorétique » et critique de la philosophie), mais pour elle-même.

Eneffet, la « volonté de vérité » finit par se retourner contre elle-même, en se critiquant elle-même : la vérité sedévoile alors, chez Nietzsche, comme l'une des formes de l'erreur et du mensonge, comme une espèce de tromperie,qui consiste à faire croire en l'existence d'un « monde vrai » séparé de la vie.

La « volonté de vérité » est alorsdangereuse pour la vie elle-même, si elle n'accepte pas de se limiter elle-même, afin de surmonter l'opposition entrela connaissance (« volonté de vérité », concepts) et l'art (tromperie, intuitions) pour créer une connaissance sesachant elle-même comme art, et un art visant lui-même à la connaissance ( Vérité et mensonge au sens extra- moral ).. »

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