Devoir de Philosophie

Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ? (Bac philo - TES)

Publié le 17/06/2010

Extrait du document

scientifique

Introduction   Si la vérité peut être considéré comme de l'ordre d'une connaissance théorétique, comment une vérité théorique pourrait être dangereuse en soi ? Ne faut-il pas passer dans l'ordre de la pratique pour que la vérité puisse acquérir une puissance effective qui la rende dangereuse ? Le vrai n'est-il pas inoffensif car purement tourné vers la  contemplation désintéressée de l'Idée ? Mais, ne dit-on pas que l'on peut mourir de la révélation de certaines vérités... Il faut donc questionner l'effectivité de la vérité, la puissance qu'elle possède de modifier le réel. Plus précisément, il faut se savoir en quoi, et pour qui, elle pourrait être dite dangereuse, néfaste. Mais, si la vérité scientifique peut être dangereuse, est-ce seulement dans l'effectuation de celle-ci, c'est-à-dire dans le fait de la dire, ou encore dans celui de l'instrumentaliser au service d'autres intérêts (idéologiques, techniques, économiques...) ? Ou peut-on dire que la vérité peut être dangereuse en soi, qu'il y a un aspect dangereux de la vérité qui se trouve au coeur de la connaissance elle-même, avant même que celle-ci n'acquiert un caractère politique ou technique ?

scientifique

« - Si la vérité peut être dangereuse, pour soi (risque politique que l'on prend à l'énoncer) ou pour les autres (emploistratégique des idées), n'est-ce pas, dans ce cas, seulement dans un aspect extérieur à la vérité elle-même ? Cene serait pas ainsi la vérité en elle-même qui serait dangereuse, mais seulement l'emploi effectif qu'on en fait : la vérité ne deviendrait dangereuse que lorsqu'on la dit, de même que les idées, selon la théorie marxiste, nedeviennent effectives que lorsqu'elles s'emparent des masses, quittant le domaine strict de la théorie pour rejoindrecelui de la praxis , voire de l'idéologie (cf.

Balibar, « Le concept de « coupure épistémologique » de Gaston Bachelard à Louis Althusser, in Ecrits pour Althusser , La Découverte, 1991). - Mais n'est-il pas possible de concevoir la vérité comme dangereuse en elle-même, avant même toute effectuationpolitique ? La vérité ne peut-elle être dangereuse non seulement en elle-même, mais pour elle-même ? Il faut ici interroger les rapports entre la vérité et la vie : la vérité peut-elle être nuisible ? - C'est là la question que pose Nietzsche dans l'aphorisme « En quoi, nous aussi, nous sommes encore pieux » (§344du Gai savoir ) : la « volonté de vérité » ne découle pas du caractère dangereux de la tromperie, y affirme-t-il, mais d'une affirmation morale, d'une conviction fondamentale en la valeur de la vérité et, par suite, de la connaissancescientifique.

Or cette « volonté de vérité » est dangereuse, comme le montre l'expression « la volonté à tout prix ».Elle mène au « sacrifice d'une croyance après l'autre », et pourrait ainsi bien « cacher une volonté de mort ».

La« volonté de vérité », en mettant en question les « convictions » et les « croyances » pré-établies, en dissipant lesapparences et en dévoilant les illusions, mènerait, selon Nietzsche, au « nihilisme », caractérisé par le fait de sedemander « à quoi bon ? », de n'avoir plus d'idéaux pour « justifier » la vie. Mais la « volonté de vérité », montre Nietzsche dans cet aphorisme, n'est pas seulement dangereuse à l'encontredes apparences, des tromperies, des mensonges ou des croyances : elle se retourne contre elle-même, en montranten quoi l'idéal de la vérité même repose sur une conviction morale, non questionnée et admise comme allant de soi,selon laquelle la vérité serait bonne en soi.

Or, la vérité, dit-il, peut être nocive pour la vie, laquelle exige autant devérité que de non-vérité (§344 GS).

Dès lors, l'idéal d'un « monde vrai » est lui-même dénoncé comme procédant d'une volonté de néant.

Or, la probité du « gai savoir », ou l'esprit scientifique se retournant contre la science elle-même, dévoile la vérité comme étant elle-même une forme de l'erreur et de l'apparence (cf.

aussi « Comment le« monde vrai » devint enfin une fable », dans Le crépuscule des idoles ).

Il faut donc substituer, selon Nietzsche, à ces concepts de la connaissance, qui se révèlent dangereux pour la vie elle-même, une nouvelle forme de savoir, un« gai savoir », où l'homme « ne parle que par métaphores interdites et enchaînements conceptuels inouïsjusqu'alors » ( Vérité et mensonge au sens extra-moral , chap.

II, p.403-416 dans le tome I des OEuvres de Nietzsche, éd.

La Pléiade), portant ainsi le concept à une nouvelle puissance, où celui-ci devient puissance de vie. Conclusion La vérité peut ainsi être dangereuse, de façon extérieure à la théorie elle-même, lorsqu'elle est entre dans le champde l'histoire et de la politique : les idées acquièrent ainsi une force sociale (Marx), dire la vérité engage éthiquementet politiquement celui qui l'énonce ( Apologie de Socrate ), de même que les vérités scientifiques peuvent être instrumentalisées par le pouvoir politique (utilisation de la théorie physique pour développer la bombe atomique,utilisation d'anthropologues par l'armée américaine en Irak). Mais la vérité peut être dangereuse en elle-même, de façon intrinsèque, non seulement en ce qu'elle peut détruireles croyances et les traditions (« attitude théorétique » et critique de la philosophie), mais pour elle-même.

Eneffet, la « volonté de vérité » finit par se retourner contre elle-même, en se critiquant elle-même : la vérité sedévoile alors, chez Nietzsche, comme l'une des formes de l'erreur et du mensonge, comme une espèce de tromperie,qui consiste à faire croire en l'existence d'un « monde vrai » séparé de la vie.

La « volonté de vérité » est alorsdangereuse pour la vie elle-même, si elle n'accepte pas de se limiter elle-même, afin de surmonter l'opposition entrela connaissance (« volonté de vérité », concepts) et l'art (tromperie, intuitions) pour créer une connaissance sesachant elle-même comme art, et un art visant lui-même à la connaissance ( Vérité et mensonge au sens extra- moral ).. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles