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La violence est-elle légitime?

Publié le 16/02/2005

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Il se peut que dans le même temps je désire m'approprier le bien de mon voisin. Si je vole, je ferai prévaloir mon intérêt égoïste sur l' « intérêt général » qui est aussi le mien, donc je voudrais à la fois que la loi me protège, et à la fois la violer quand cela m'arrange. Le raisonnement du contrevenant fait « [qu'] il jouirait des droits du citoyen sans vouloir remplir les devoirs du sujet. » Il est clair que l'attitude du contrevenant est contradictoire et injuste, et que le corps social a donc le droit d'exercer sur lui une contrainte. Il est légitime de faire respecter les lois, qui, sinon n'auraient plus lieu d'être. Mais Rousseau va plus loin ; en me forçant à obéir aux lois, on ne me contraint à rien d'autre qu'à obéir à ma propre volonté (cad à la volonté générale), on me rappelle à mon statut de citoyen. Or être citoyen, protégé par des lois dont on est l'auteur, est la seule façon d'échapper aux rapports de forces entre individus qui ont des volontés antagonistes, d'être soumis à la volonté du plus fort, de sombrer dans des liens de dépendance personnelle : « Ce qui signifie autre chose sinon qu'on le forcera d'être libre ; car telle est la condition qui, donnant chaque citoyen à la patrie, le garantit de toute dépendance personnelle. » En analysant la contradiction qui peut exister entre la volonté que l'on peut avoir comme individu privé et égoïste, et la volonté universelle que l'on a comme citoyen, Rousseau ouvre la voie aux magnifiques analyses morales de Kant, qui retranscrira sur le plan éthique ce que Rousseau met à jour au plan politique. Le rôle de l'Etat est de « transformer chaque individu, qui par lui-même est un tout parfait et solitaire, en partie d'un plus grand tout dont cet individu reçoive en quelque sorte sa vie et son être. » Si de telles formules ont ou faire croire à un Rousseau partisan de l'autoritarisme, de l'emprise de l'Etat sur l'individu, on ne doit pas oublier que ce penseur fait de la liberté un bien inaliénable.

« On trouve cette formule énigmatique au septième chapitre du premierlivre du « Contrat social ».

Rousseau affirme que celui qui refuse d'obéiraux lois peut y être contraint par le corps social, mais il ajoute quecette contrainte sert en fait la liberté de celui qui y est soumis.

Ceparadoxe met en évidence la tension qui existe entre notre existenced'individu et notre existence de citoyen, et interroge sur la conciliationde l'obéissance civique avec la liberté.Rousseau partage avec les partisans du droit naturel l'idée que l'êtrehumain est naturellement libre et autonome, chacun d'entre nous anaturellement le droit de décider de ses propres actions, dans sonpropre intérêt.

Or, l'intégration à un Etat nécessite une organisationsociale, des lois, un pouvoir commun.

Le problème central qu'examine le« Contrat social » est de savoir ce qu'est une loi légitime, ou encore dedéterminer à quoi chacun de nous s'engage en vivant sous un pouvoircommun.

Qu'est-ce que je donne de mon pouvoir de me diriger moi-même ? à qui ? en l'échange de quoi ? Ou encore, dans quel butvéritable les hommes décident-ils de s'associer, de se donner des loiscommunes ?Alors que Hobbes pense que le souci d'être en sécurité est le principalmoteur de la vie sociale, Rousseau affirme que « renoncer à sa liberté,c'est renoncer à sa qualité d'homme ».

Non seulement la liberté estinaliénable, et nul ne peut vouloir être soumis à un autre, mais surtout les hommes s'associent pour conserver leur liberté et se préserver des rapports de dépendance personnelle.Le problème de la création de l'Etat légitime peut donc s'énoncer ainsi : « Trouver une forme d'association quidéfende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquellechacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant.

»Or, comment créer des lois et n'obéir à personne ? La réponse de Rousseau est apparemment simple : « Lepeuple soumis aux lois doit en être l'auteur.

»Chaque individu promet d'obéir à la « volonté générale ».

La « volonté générale » est ce qu'il y a de commundans toutes les volontés.

Par exemple, au moment où un groupe d'individus veut s'associer, il existe enchacun de ses futurs membres une volonté commune : créer cette association, quelles que soient par ailleursleurs volontés particulières et différentes, singulières.

En promettant d'obéir à la « volonté générale », je nepromets en fait que d'obéir à moi-même, qu'à une partie de ma volonté, qui se trouve coïncider avec celle desautres.

Sans doute, en obéissant à la « volonté générale », ne réaliserai-je pas toutes mes volontés, je nesatisferai pas tous mes intérêts.

Mais je me réaliserai que ce que je veux, que mes intérêts.

En aucun cas jene serai soumis à la volonté d'un autre.

Bref, je resterai libre.« Tant que les sujets ne sont soumis qu'à de telles conventions, ils n'obéissent à personne, mais seulement àleur propre volonté.

»En obéissant à la loi, qui n'est qu'une déclaration de la « volonté générale », je perds ma liberté naturelle defaire tout ce que je veux ou plus précisément tout ce que je peux , étant donné la force des autres quipeuvent s'opposer à mes projets.

Mais je gagne précisément une liberté politique, qui me permet à la fois den'obéir qu'à moi-même (puisque je peux me considérer comme l'auteur de la volonté générale, qui est unepartie de MA volonté), et ne pas subir la volonté d'un autre (plus fort, plus rusé, plus riche). De plus, il y a fort à parier que les lois seront justes, puisque ceux qui les font doivent les subir ; chaquemembre de l'Etat est à la fois et législateur et sujet.

Son propre intérêt lui commande donc de faire des loisjudicieuses, puisqu'il en subira les conséquences.

Ainsi, l'égoïsme naturel se voit servir l'intérêt commun.On comprend alors la fort belle formule de Rousseau : « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté.

»La liberté n'est pas le caprice, mais le respect des lois que l'on se donne à soi-même et qui nous préserventde subir le caprice d'autrui.Cependant, il se peut qu'un individu désobéisse à la loi.

De quel droit le punir ? Est-ce légitime ?Pour comprendre la réponse de Rousseau, il faut comprendre le mécanisme même qui pousse u individu àdésobéir.En désobéissant à la loi, je désobéis à moi-même, à une partie de ma volonté commune.

Cela n'est possibleque parce qu'il y a une différence entre « homme » et « citoyen » : « En effet chaque individu peut avoir unevolonté particulière contraire ou dissemblable à la volonté générale qu'il a comme citoyen.

» Contrevenir auxlois, c'est faire prédominer sa « volonté particulière », son intérêt propre sur l' »intérêt général » qu'oncontinue d'avoir comme «citoyen ».Par exemple, il y a fort à parier que, comme « citoyen », j'ai voulu et continue de vouloir une loi interdisant levol ou protégeant la propriété.

Il se peut que dans le même temps je désire m'approprier le bien de mon voisin.Si je vole, je ferai prévaloir mon intérêt égoïste sur l' « intérêt général » qui est aussi le mien, donc je voudraisà la fois que la loi me protège, et à la fois la violer quand cela m'arrange.

Le raisonnement du contrevenantfait « [qu'] il jouirait des droits du citoyen sans vouloir remplir les devoirs du sujet.

»Il est clair que l'attitude du contrevenant est contradictoire et injuste, et que le corps social a donc le droitd'exercer sur lui une contrainte.

Il est légitime de faire respecter les lois, qui, sinon n'auraient plus lieu d'être.Mais Rousseau va plus loin ; en me forçant à obéir aux lois, on ne me contraint à rien d'autre qu'à obéir à mapropre volonté (cad à la volonté générale), on me rappelle à mon statut de citoyen.

Or être citoyen, protégépar des lois dont on est l'auteur, est la seule façon d'échapper aux rapports de forces entre individus qui ontdes volontés antagonistes, d'être soumis à la volonté du plus fort, de sombrer dans des liens de dépendance. »

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