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L'ACTION ET L'AVENIR

Publié le 05/11/2011

Extrait du document

Toute action a pour objet de préparer l'avenir. L'escrimeur qui, d'un geste, écarte le fleuret de l'adversaire se propose de transformer un avenir, où la pointe de l'autre l'aurait touché, en un avenir différent où sa propre pointe trouvera la poitrine de l'autre. L'agriculteur, qui défriche ou sème, agit en vue des moissons futures. Le chef d'Etat qui s'efforce d'obtenir pour son pays les meilleures armes, les alliés les plus sftrs, prépare la résistance à des attaques hypothétiques. Mais trop souvent l'avenir auquel pense l'homme n'est imaginé qu'en fonction du passé. Un gouvernement qui commande des armes agit; si ces armes sont celles d'une guerre précédente, il se peut que l'action soit vaine.

« ne tiennent aucun compte des réalités nou­ velles.

Gérer est insuffisant; il faut prévoir .

Et prévoir à longue échéance.

Certaines entreprises américaines ont, à côté de labo­ ratoires qui travaillent pour l'avenir immé ­ diat, de nombreux chercheurs qui préparent la production de 1980, et d'autres qui font des plans pour l'an 2000.

Cependant, pour avoir eu trop peu d'avenir dans l'esprit, le Pentagone s'est laissé, au moins pour un temps, devancer dans un domaine où il avait une grande avance.

Autre exemple : dès que la prolifération des automobiles s'est accé ­ lérée, il a été prévisible que la circulation allait donner, dans les villes, de graves en­ nuis.

En ce temps-là, des mesures énergiques sur le stationnement auraient créé des mœurs nouvelles.

Aujourd'hui, les mauvai­ ses habitudes sont prises.

Le rétablissement sera plus difficile.

Tout retard est une faute contre l'avenir.

Certains clercs, sous prétexte de « défen­ dre l'homme :., répudient le monde moderne.

Mais l'homme, qu'ils le veuillent ou non, vit dans le monde de son temps, face à la science de son temps.

Ce qui est vrai, c'est que l'homme, avec ses vertus essentielles, reste la condition de toutes choses.

Le cou­ rage garde son prix, et la volonté, et la culture.

Cependant le progrès matériel ne nuit pas à la culture; il la rend possible pour un plus grand nombre, en augmentant les loisirs.

Il oblige les techniciens à savoir, donc à étudier, davantage.

Dire : « La tech­ nique engendre la laideur :t est un men­ songe.

Un ·gratte-ciel n'est pas laid; un avion moderne n'est pas laid; une auto­ mobile est belle .

Si les clercs « se réfugient dans le passé, s'ils refusent ce monde, com­ ment .

peuvent-ils espérer :., dit Louis Ar­ mand, « que ses défauts seront éliminés ? Nostalgiques ou aigris, de nombreux clercs sont les premiers coupables des maux qu'ils dénoncent.

Le supplément de conscience, d'où viendra-t-il si les clercs s'avouent bat­ tus d'avance ? :t L'attitude « prospective :t (oppos ·ée à l'at­ titude rétrospective) est surtout nécessaire dans l'enseignement, autre forme d'action.

Les choses à enseigner changent sans cesse.

Nous vivons dans une société « où le lieu­ tenant, parce qu'il a fait ses études plus tard, en sait plus que le colonel :., à moins que ne soit admise et préparée la formation permanente, et c'est celle qui convient à notre temps.

L'ingénieur, le professeur, le médecin, l'officier, l'ouvrier ont besoin de stages d'enseignement fréquents pour se rtenir au courant des techniques nouvelles.

« Il s'agit de faire de vous des hommes prêts à affronter ce qui n'a jamais été », disait déjà Paul Valéry, ll faudra désormai s découvrir à nouveau le monde plusieurs fois au cours d'une vie humaine.

Le but de la première éducation sera surtout « d 'apprendre à apprendre :..

Le reste de la vie devra se passer à apprendre, tout en appliquant.

En 1970, un quart des Français aura besoin pour bien exercer son métier, d'avoir pass é par l'enseignement supérieur.

C'est dans l e s lycées et dans les universités que sera bâtie l'infrastructure de l'avenir.

L'Etat moderne doit miser sur la jeunesse.

Pour faire accepter par les jeunes, méfiants des tabous anciens , une morale civique, il faut leur proposer un espoir.

Or l'espoir, en notre temps, serait légitime.

Il y a un contraste choquant entre les prodigieux suc­ cès de l'espèce humaine et l'assombrisse­ ment des esprits.

L'ère de l'abondance, l'ère de la puissance s'ouvrent, et nous gémis­ sons ! L'échec vient de l'organisation, qui distribue mal l'abondance et fait mauvais usage de la puissance.

Nous pensons comme nos arrière-grands-pères.

« Nous sommes nos propres arrière-grands -pères :t (1).

Or notre monde est en perpétuel devenir.

Ten ­ tons de nous adapter au changement, tout en gardant les vertus qui ne changent point.

Voilà les règles de l'action en ce temps de r é volution technique.

Le bonheur dans l'action.

L'homme peut agir ou pâtir.

Il agit lors· que sa volonté s'impose aux choses et aux êtres; il pâtit quand le monde extérieur lui impose une situation.

Pâtir, ou subir, est pénible.

« La joie de l'âme est dans l'ac­ tion.

:t Cette phrase est de Shelley; le maré­ chal Lyautey en avait fait sa devise, étant lui-même un exemple achevé de « l'animal d'action » qui ne trouve sa joie que dans un mouvement continu de création.

Cons­ truire des monuments, des villes, un pays; animer des hommes; donner leur chance à des artistes, il ne se lassait pas de ces entreprises.

Laissé à lui-même, sans quelque grande besogne à abattre, il tombait dans le plus sombre dégoût.

Après un jour passé à inspecter des troupes, à examiner des ( 1) Louis AII.Ju.ND .. »

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