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l'art est-il célébration de la réalité ou protestation ?

Publié le 01/08/2005

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En effet, si l'art n'avait pour but que d'imiter la nature, il serait lui-même soumis à la nécessité qui anime la production des formes naturelles, à travers la reproduction de leur apparence. En dernier lieu, c'est donc la supériorité de la liberté sur la nécessité qui justifie la thèse selon laquelle la beauté artistique est supérieure à la beauté naturelle. Ce texte de Hegel s'oppose à toute une tradition qui remonte à la pensée grecque de l'Antiquité et qui voyait dans les beautés naturelles le modèle supérieur de l'art. Cette supériorité, nous affirmait déjà Platon dans La République, provient du fait qu'un modèle est toujours supérieur à sa copie, du seul fait qu'il est le modèle. Le modèle est en effet supérieur car il est plus réel que la copie, laquelle n'est qu'un « simulacre », pâle imitation faite avec des moyens qui nous donnent l'illusion de la ressemblance. Ainsi, entre la beauté d'un coucher de soleil et la beauté d'un tableau représentant ce même coucher de soleil, la copie (le tableau) est inférieure au modèle. Elle n'est, en effet, qu'un ensemble de couches et de taches de peinture, qui, sous un certain angle de perspective et degré d'éloignement nous donne l'illusion du coucher de soleil. Or l'art, selon Platon, a pour but d'imiter la nature. Les beautés artistiques sont donc pour lui inférieures aux beautés naturelles car elles sont illusoires et ne consistent qu'en de simples trompe-l'oeil, sans jamais pouvoir rivaliser avec la complexité du modèle. En outre, pour les Grecs de l'Antiquité, la nature déploie ses formes selon des principes internes d'harmonie et de finalité sur lesquels Aristote a insisté en parlant des « merveilles » de la Nature.

L'art vise un monde idéal, celui de la beauté. Le monde de l'art proteste contre une réalité trop triviale. Mais, l'art ne célèbre-t-il pas aussi la réalité en exhaltant sa beauté et son essence. Paul Klee ira que l'art célèbre une nouvelle visibilité du monde.

« réglant sur son Idée.

Ces êtres ont moins de réalité que les Idées puisqu'ils se contentent de les imiter.• La troisième, la plus éloignée de la réalité telle qu'elle est en elle-même, est celle produite par le peintrepuisqu'il imite ce qui est déjà une imitation.

Elle est donc un presque rien, n'a pas plus de réalité que notrereflet dans le miroir.

Elle est le reflet d'une apparence.

En fait, il n'y a rien à voir.Au nom de la vérité Platon critique l'art.

Les fondements de cette critique sont: la définition de l'art commeimitation, reproduction de la réalité sensible et à la définition de la réalité sensible comme apparence,apparence trompeuse, apparence du vrai.

Non seulement l'artiste ne produit que des apparences et enaccentue la puissance trompeuse, mais encore il nous attache à ce monde des apparences en produisant desapparences qui plaisent, excitent les sens et l'imagination.

L'art, effet du désir sensible et des passions, lesaccroît en retour.

L'homme raisonnable n'y a pas sa place.

L'art, ennemi de la vérité est ennemi de la morale.On trouve ici la première condamnation morale de l'art et par suite la première justification théorique de lacensure artistique dont relève encore la condamnation des « Fleurs du mal » au milieu du XXe.

Rousseau auXVIIIe, sur ce point fort différent des philosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique.

L'artn'élève pas l'âme, bien au contraire.

Apparence, il joue le jeu des apparences.

Tout d'abord parce qu'il est,dans la société bourgeoise - société de la comparaison, du faire-valoir, de l'hypocrisie, de la compétition -,indissociable d'une mise en scène sociale.

On va au théâtre pour exhiber sa toilette et autres signesextérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir les potins...

Ensuite parce qu'il nous plonge dansun monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner sur nous-mêmes.

Par exemple nous versons dechaudes larmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui et nous restons froids et impassibles lorsquenous avons l'occasion de lui porter secours.

Mais cependant nous avons pu croire à notre bonté naturelle.Pour Platon comme pour Rousseau l'art est un divertissement qui nous divertit, nous détourne de nous mêmes.Bien que Platon ne définisse pas l'art par la beauté, il est tout de même possible de nuancer son propos, àpartir de la prise en compte de sa conception de la beauté.

Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe enelle-même, elle est une Idée et précisément une des plus belles.

Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pasun cheval conforme à l'Idée du cheval ou archétype, à l'idée de ce que doit être un cheval sensible pour êtrepleinement un Cheval.

Un cheval est plus ou moins beau et son degré de beauté est proportionnel à saconformité au modèle idéal ou Idée.

Est beau ce qui est ce qu'il doit être, laid ce qui ne l'est pas.

Est beau cequi est parfait.

Comme la perfection n'est pas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais lacopie exacte et sans défaut du modèle mais toujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle,est celle des Idées.

Est beau ce qui existe pleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.

Labeauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.

La laideur est l'imperfection, l'incomplétude.

Par conséquent,lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beau cheval ou un beau corps d'athlète, leur oeuvre, pâleesquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.

Le poète inspiré est sorti de la caverne, acontemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs.

Ainsi le jugement de Platon sur l'artne peut pas être simple bien qu'il insiste davantage sur la définition de l'art comme simulacre pernicieux.En revanche, certains arts, comme la musique, qui ne visent pas la représentation, sont plus proches de lavraie mission de l'art, qui est d'exprimer un idéal. L'art dépasse la réalité quotidienneSelon une conception idéaliste, l'art doit exprimer une vérité supérieure à celle que l'on peut trouver dans lavie quotidienne.

Qu'il cherche à atteindre la beauté idéale ou qu'il soit une démarche spirituelle, l'art nouséloigne de la réalité triviale pour nous faire accéder à une espèce de «sur-réalité» (Apollinaire). "L'esthétique a pour objet le vaste empire du beau...

et pour employer l'expression qui convient le mieux àcette science, c'est la philosophie de l'art ou, plus précisément, la philosophie des beaux-arts.Mais cette définition, qui exclut de la science du beau le beau dans la nature, pour ne considérer que le beaudans l'art, ne peut-elle paraître arbitraire ? I.

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] Dans la vie courante, on a coutume, il est vrai, de parlerde belles couleurs, d'un beau ciel, d'un beau torrent, et encore de belles fleurs, de beaux animaux et mêmede beaux hommes.

Nous ne voulons pas ici nous embarquer dans la question de savoir dans quelle mesure laqualité de beauté peut être attribuée légitimement à de tels objets et si, en général, le beau naturel peutêtre mis en parallèle avec le beau artistique.

Mais il est permis de soutenir dès maintenant que le beauartistique est plus élevé que le beau dans la nature.

Car la beauté artistique est la beauté née et commedeux fois née de l'esprit.

Or, autant l'esprit et ses créations sont plus élevés que la nature et sesmanifestations, autant le beau artistique est lui aussi plus élevé que la beauté de la nature." Georg W.

EHegel, Esthétique (1829), trad.

V.

Jankelevitch, Aubier Ce texte de Hegel nous amène à distinguer deux types de beauté : celle de la nature et celle de l'art.

Il estvrai que, dans la vie courante, nous n'hésitons pas à qualifier de belles certaines réalités naturelles (de bellesfleurs, de beaux animaux, etc.).Or, Hegel remet en question ce genre de jugements en constatant que l'esthétique qui, en philosophie,désigne la réflexion sur le beau, ne s'applique qu'aux productions artistiques.

Pourquoi l'esthétique se limite-t-elle à la beauté de l'art, c'est-à-dire à la beauté manifestée par des oeuvres créées par l'homme et par letravail de l'artiste ? Une des réponses possibles consisterait à dire que seules méritent le nom de belles lesoeuvres d'art et non pas les réalités naturelles.Hegel ne va pas si loin et préfère ne pas se prononcer sur la question : «Nous ne voulons pas ici nousembarquer dans la question de savoir dans quelle mesure la qualité de beauté peut être attribuée légitimementà de tels objets » (sous-entendu : objets naturels).

Sans aller donc jusqu'à affirmer que le beau natureln'existe pas, Hegel pose toutefois une hiérarchie dont l'annonce constitue la thèse principale de ce texte : «Mais il est permis de soutenir dès maintenant que le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature. »

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