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L'art obéit-il à des règles ?

Publié le 25/04/2011

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     On constate une rupture entre les théories (si tant est qu'on puisse les appeler théories, tout du moins conceptions) artistiques anciennes et celles plus contemporaines, notamment sur l'usage de règles, à ce à quoi il doit correspondre et donc de la définition de ce qu'est l'art. Se poser la question : l'art obéit-il à des règles, c'est se demander si le processus de création obéit à des règles, ou si c'est le résultat qu'on ne peut considérer comme résultat que s'il répond à des règles pour être appelé art. Se poser cette question c'est indirectement poser la question de la définition de l'art, car c'est se demander si l'art peut se définir par son usage de règles, ou si au contraire, l'art ne se définit que dans son refus de règles. Où l'art se définit-il ? L'art est-il tautologique, c'est-à-dire l'art et l'idée de l'art sont-elles la même chose, ou au contraire, l'art se définit-il dans sa conformité aux règles qui lui ont été prescrites ? L'artiste se soumet-il à des règles ou au contraire, y a-t-il une sorte de spontanéité créatrice, faisant appel à la notion de génie ou d'inspiration divine ? L'artiste peut-il être défini comme l'est un artisan, technicien d'un domaine ? Le problème se situe entre les deux réponses que cette question appelle, en même temps : d'une part, il est difficilement concevable d'imaginer un dessinateur ne sachant dessiner, c'est-à-dire respecter les règles de proportions, de lumière, ou toute autre ; mais d'autre part, il est aussi très difficile de réduire l'art à des règles qu'il doit respecter, comme ce serait le cas dans un Etat n'admettant qu'une dimension de l'art, censurant et contrôlant toute la production artistique, et qui nierait par là-même l'essence de l'artiste, comme créateur, et de l'art comme proposition nouvelle du monde. Il faut donc chercher dans quelle mesure chacune des deux réponses se voit justifiée, et tenter de trouver un juste milieu entre elles.  Dans une première partie, nous verrons que l'art obéit effectivement à des règles, et qu'il a été codifié très tôt, dès lors qu'il est théorisé. Ensuite, dans une deuxième partie, nous verrons qu'aujourd'hui, avec les théories de l'art contemporain, ou conceptuel, les règles de l'art implosent et qu'il n'est donc pas possible de soutenir, comme avant, que l'art obéit à des règles. Enfin, nous chercherons à dépasser cette contradiction en mettant en avant le fait que c'est l'artiste même qui crée les règles auxquelles il obéit.

« nouvelle, car en fondant la tragédie, il légitime l'art en général, qui avait été malmené par Platon et son anti-esthétique.

Aristote définit dans La Poétique des règles qui seront reprises, notamment par les auteurs classiques,comme la règle des trois unités – temps, lieu, action et qu'on retrouve en effet chez, par exemple, Racine –, cellequi dit que l'action doit présenter des personnages plus grands que nature, ou encore le précepte selon lequel latragédie, chez ses spectateurs, doit éveiller crainte et pitié.

De même, il s'interroge sur l'art, qu'il dit être uneactivité humaine, qu'il dit être une activité qui produit en vue d'une fin extérieure, comme le médecin qui, lorsqu'ilproduit une guérison chez un malade, vise une fin extérieure à lui.

C'est cependant dans L'Ethique à Nicomaquequ'on trouve une définition très précise de ce qu'est l'art, « disposition à produire accompagnée de règles ».

L'art nese pense pas sans règles.

Aristote précise même qu'une production est jugée selon sa conformité aux « vraies »règles ; une production qui ne s'y conforme pas, qui se conforme à des « fausses » règles est alors une productionratée.

L'art est ici mis sur le même plan que l'artisanat, on juge de la production de l'artiste comme on juge de laproduction d'un artisan – pour construire une table, l'artisan doit obéir à des règles très strictes de production, ousa production ne pourra être utilisée.

Il faut donc que le théoricien de l'art énonce des règles vraies qui découlentde ce qu'il mesure les moyens et la matière de la production aux fins qu'elle doit poursuivre.

Ainsi, par exemple, laphilosophie a pour visée le beau, le bien et le vrai ; la danse a à voir avec le rythme, tandis que l'art de la flûteutilise le rythme ainsi que la mélodie.

Mais La Poétique se concentre sur la tragédie : Aristote la définit tout en luidonnant des règles : elle doit répondre aux trois unités, présenter des personnages plus grands que nature etéveiller crainte et pitié, comme nous avons dit ; mais aussi, elle doit faire partie de l'espace du possible, duvraisemblable ; c'est la doxa qui sert de délimitation entre ce qui est possible, ou impossible ; l'artiste peut et doitutiliser la métaphore ou l'analogie pour que le langage soit tout de même élevé ; enfin, il doit respecter les topoï, oulieux propres à la tragédie ; enfin, la tragédie doit engendrer plaisir et notamment catharsis, souvent traduit commeune purgation.Si Platon dit rejeter l'art de sa cité idéale et s'il ne lui confère aucune valeur, car c'est, selon lui, une imitationd'imitation, il est possible de donner ce qui, dans la lignée platonicienne, aurait été un bon artiste – s'il y en avait un– et donc à quelles règles son art devrait obéir.

Le bon artiste serait celui de la simplicité, qui ne cherche pas àtromper et qui simplifierait donc son oeuvre à l'extrême ; le pire artiste serait le plus réaliste car le plus trompeur.D'une autre façon, le seul artiste qui vaudrait serait celui qui instancierait le Beau dans son oeuvre, et le Vrai ; sic'est impossible, pour Platon, c'est une voie qui sera reprise à la Renaissance.

En effet, à la Renaissance, l'art estextrêmement codifié ; une oeuvre doit représenter le Beau, une oeuvre se doit d'être belle.

Cette période défini lestermes d'une nouvelle problématisation de la peinture : perspective, storia, composition sont requises dans letableau, ce dernier étant conçu comme « fenêtre ouverte sur le monde » ; l'oeuvre doit représenter le monde entant qu'il est beau ; ce qu'est la beauté, c'est, pour Alberti, une convenance de toutes les parties : l'harmonie estau coeur de la production artistique, ainsi que les belles formes.

Avec les systèmes des Beaux-Arts et desAcadémies, la codification est très stricte et un chef d'oeuvre est assigné à un savoir et un respect des règles trèsprécis.

L'esthétique académique intellectualiste reste tout de même proche de Platon, de par son intellectualisme :tout tourne autour des règles et de la manière de produire.

En même temps, représenter la nature relève d'unedémarche d'appropriation et de recherche ; l'oeuvre est aussi un instrument de savoir, et doit donc obéir aux règlesde la connaissance : Léonard de Vinci est le plus bel exemple de cet art qui est dans la même foulée une recherchescientifique, ce qui est parfaitement illustré par ses croquis anatomiques.Greenberg, dans A la recherche du nouveau Laocoon, fait voir une nouvelle ontologie de l'art ; il caractérise lecourant moderniste : pour lui, toute oeuvre prétendant appartenir à ce courant doit mettre en évidence laspécificité de son médium, par exemple la planité en ce qui concerne la peinture.

L'art doit être autoréférentiel,c'est-à-dire, par exemple, que la peinture est centrée sur elle-même et surtout doit l'être ; la peinture doit parler dela planité, ce qui ne fait référence qu'à l'essence de la peinture : que soit une représentation, ou une présentationsur un plan.

Une peinture autre, qui ne relève pas de la planité ne fait alors pas partie de l'histoire de l'art selonGreenberg.

La peinture, et tous les autres arts, même s'ils ne sont pas ici codifiés comme l'est la peinture, doiventobéir à cette règle d'autoréférence.Cependant, cet art, codifié, qui doit répondre à des critères de beau, de juste, de vérité, se voit aujourd'hui éclater.L'art contemporain défie les règles pour s'instaurer en art n'obéissant à aucune règle. L'idée de règles auxquelles l'art obéirait semble en fait rejeter la notion d'art, et en arriver même à nier cet art ; lapart de création, de créativité de l'artiste est réduite si ce qu'il fait est soumis à des règles, à une simple maîtrise detechniques, tout comme l'artisan ; un artiste qui doit répondre à des règles semble être réduit à un artisan, il perdsa différenciation propre qui était de pouvoir créer en dehors d'un système de production établi, car sa productionn'a pas, essentiellement, à être utile et à servir comme un objet artisanal.

L'art n'obéit pas à des règles absolues.

Sic'était le cas, aucune part ne serait laissée à la créativité, l'imagination, la liberté : si l'art se révélait n'être qu'unetâche d'exécution, un savoir-faire, une simple reproduction de règles alors l'artiste tomberait de nouveau dans sadéfinition analogue à celle de l'artisan.

Si la codification est déductive, c'est-à-dire si elle se place avant la créationde l'oeuvre, alors elle étouffe le processus de création : un artiste qui se conforme à des règles précises enfermeson imagination dans un corset.

Sa créativité se trouve presque nulle et il n'est jugé que sur le plus ou moins desavoir-faire qu'il possède ; sa valeur est calquée sur la valeur de l'artisan, sa production peut être bonne ou moinsbonne qu'une autre, selon les critères posés par les règles.

Mais alors on peut se poser la question : a-t-on affaire àde l'art tel que nous l'entendons aujourd'hui ? L'art n'est-il pas plutôt mieux défini par le flux créatif qui amènel'artiste à créer ? Il est une autre forme de codification, qu'on peut appeler inductive : celle-ci consiste à définir lesrègles auxquels l'art obéit à partir des oeuvres : elle part donc des oeuvres pour ensuite bâtir le système de règles. »

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