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L'art sauve-t-il la réalité de l'insignifiance ?

Publié le 07/03/2005

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L'artisan quant à lui ne produit pas non plus l'être véritable qui est l'Idée, mais un analogon. Il y a donc trois degrés à considérer : l'Idée, vraie, naturelle, unique, immuable, parfaite et identique à soi ; les choses ou les objets fabriqués par l'artisan, demiourgos qui incarne l'Idée en de multiples exemplaires ; la peinture des choses qui les reproduit dans leur apparence. L'artiste est donc plus éloigné de la vérité que l'artisan. L'art est une imitation du réel, non pas en ce qu'il est, mais en ce qu'il apparaît. Il n'est capable de produire que des simulacres ou des idoles. POUR PLATON, L'ART EST INSIGNIFIANT. IL NOUS PLONGE ET NOUS RIVE AUX PAROIS DE LA CAVERNE, cad de l'erreur et de l'illusion. "Cet artisan dont je parle n'est pas seulement capable de faire toutes sortes de meubles, mais il produit encore tout ce qui pousse de la terre [...], tout ce qu'il y a dans le ciel, et tout ce qu'il y a sous la terre, dans l'Hadès. Voilà un sophiste tout à fait merveilleux l [.

  L’un des buts de l’art pourrait être d’embellir le quotidien, de donner du sens aux petits actes de la vie qui nous entoure. Des scènes de genres de la peinture hollandaise du 17e siècle au design actuel, l’art semble répondre à un besoin de rendre supportable la banalité, et de donner une perception nouvelle des changements opérés dans la société. Aussi le regard de l’artiste par le fait même qu’il représente un objet l’ennoblie et lui redonne une dignité. Combien d’objets, de paysages restaient insignifiants avant de que des peintres n’en fassent la représentation. La Montagne Ste- Victoire a eu une nouvelle gloire après les peintures de Cézanne, les loisirs au bord de Seine et de la Marne ont pris une nouvelle valeur avec les peintures de Renoir. Les exemples sont innombrables. L’Urinoir de Duchamp a transmué en œuvre d’art universellement connu, un simple bidet de toilettes publiques. Mais n’est-ce pas une vision pessimiste qui verrait la réalité comme quelque chose de terne et sans goût. N’est-ce pas déprécié des choses de la vie qui ont une saveur sans que l’art ne viennent donner la fin dernières des choses ?

« Ce texte capital concerne le problème de la mimèsis ; par la médiation de Socrate, Platon y soutient quel'art, apparence d'apparence, n'est très précisément, rien.Cette condamnation philosophique de l'art est ontologique : l'apparence est une illusion sans substanceou sans réalité, un néant ; elle est épistémologique : l'omniscience de l'imitateur qui prétend tout imiterne repose sur aucune science ; elle est morale : « chacun ne peut pratiquer qu'un métier » (394 e) etprétendre les pratiquer tous est non seulement une duperie mais une « injustice » au sens platonicien : laJustice est la vertu hors pair qui maintient toute chose (hommes et puissances de l'âme) dans sa positionpropre, or, dans sa polytechnicité, l'imitation ouvre l'errance sans fin de la perte du propre ou de l'identitéet, avec elle, le risque de la folie (cf.

396 b).En effet l'imitateur produit non pas simplement une image, une icône (eikôn) qui respecte les proportionsde son modèle (comme l'art égyptien, dont parle Platon dans Les Lois, qui utilisait le procédé de la miseen carré) mais un fantôme (phantasma), un simulacre (eidolon) ou une « idole » qui se substitue aumodèle et le fait oublier.

C'est ce que font ces imitateurs que sont les peintres réalistes, les seuls quePlaton condamne : ce sont des « skiagraphes », des peintres d'ombres (skiai) qui utilisent le raccourci, lemodelé et la perspective.

Comme Zeuxis qui avec ses raisins en peinture trompait les pigeons, et tous lespeintres décadents qu'allait connaître la Grèce hellénistique, ce sont des experts en trompe l'oeil.

Dans LeSophiste Platon opposera à l'art de la copie (eikastique), l'art du simulacre (phantastique) qui produit dessimulacres trompeurs analogues à ceux que produisent les « montreurs de marionnettes » (c'est-à-dire lesartistes, les sophistes...) de la caverne (514 b).L'intervention du miroir permet à Platon d'opérer ce coup de force : l'artiste, au rebours de l'artisan qui,comme le démiurge, impose une forme à une matière rebelle, ne fait, à proprement parler, rien ; le miroirest ici un instrument à l'efficacité redoutable et inquiétante, un instrument diabolique au sensétymologique du terme puisqu'il permet de diviser (dia-balein) le monde ou de donner du monde un doublefascinant et illusoire. II – La critique des arrière-mondes Du point de vue de la religion, le Christ apparaît donc comme le Sauveur, celui qui donne une signification à la réalité : vous ne souffrez pas inutilement, dit-il, mais pour vous assurer un bonheur éternel.

Cependant, cettesignification que prend la réalité s'opère au dépens de la réalité elle-même.

Voilà ce que remarque Nietzsche lorsqu'ils'intéresse à la religion. En effet, la réalité ne prend une signification pour les chrétiens que si elle se donne comme un signe, le signe d'un au-delà, d'un autre monde.

Or, le propre du signe, c'est sa transparence.

Prenons l'exemple d'un panneauroutier : en le voyant, je dois comprendre exactement ce qu'il signifie , c'est-à-dire à quoi il renvoie.

Je ne dois donc pas m'interroger sur lui en tant que tel, mais saisir immédiatement ce qu'il évoque.

Il en est de même pour la réalité :je ne dois pas voir uniquement ma souffrance, mais comprendre directement qu'elle est la condition d'un bonheuréternel après la mort.

Mais, c'est là que se trouve le problème : selon le christianisme, nous ne vivons notre vieterrestre que pour atteindre une autre vie, la vie éternelle.

C'est donc la réalité elle-même qui devient transparente,qui s'efface devant le Royaume des Cieux ; la réalité n'a plus de valeur propre ; elle n'est qu'un passage vers autrechose. Le sauvetage que le Christ opère vis-à-vis de la réalité se résume donc à nier la réalité au profit d'une autre réalité, d'un arrière-monde, qui serait au-delà du nôtre, et meilleur. III – Art et création La critique que Nietzsche fait du christianisme vise donc à redonner sa valeur à la réalité, à l'affirmer pour elle-même et non au nom d'une autre réalité.

Dans ces conditions, l'art peut-il sauver la réalité de l'insignifiance ?L'art peut-il donner un sens à la réalité qui ne soit plus transcendant (la réalité vaut par autre chose), maisimmanent (la réalité possède sa valeur en elle-même) ? Pour Nietzsche, telle est la fonction de l'art, mais elleimplique certaines choses. Premièrement, l'homme (Nietzsche parle de « surhomme », au sens où l'on dépasse les valeurs chrétiennes, où l'on surmonte le christianisme) doit accepter sa finitude – l'idée de la mort – et la souffrance de l'existence.

Iln'est plus permis de penser que nous mourrons pour vivre auprès de Dieu par la suite.

Nietzsche annonce la mort deDieu, c'est-à-dire la fin des valeurs chrétiennes, la fin de l'idée selon laquelle la réalité n'a pas de valeur, car elle neferait que nous préparer à une autre vie.

Dès lors, il s'agit pour l'homme de créer lui-même des valeurs, desnouvelles valeurs. Alors qu'auparavant les hommes attendaient de Dieu qu'on leur révèle le sens de l'existence, Nietzsche nous pousse à reconnaître que la réalité n'a de sens que par nous.

Être artiste, c'est, dit-il, « ne pas chercher le sensdans les choses : mais l'y imposer ! » De ce point de vue-là, l'artiste est un poète (du verbe poiein , créer), c'est-à- dire un créateur.

Si Dieu est mort, l'homme devient à lui-même son propre dieu, il prend désormais en charge lacréation de ses propres valeurs.

Suite à l'abolition de l'arrière-monde chrétien, le monde retombe dans l'insignifiance(il ne signifie plus quelque chose d'extérieur à lui) ; c'est donc l'art qui permet de le sauver, mais cette fois enannonçant que la réalité vaut pour elle-même.. »

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