Devoir de Philosophie

L'art sert-il seulement à nous distraire ?

Publié le 12/07/2009

Extrait du document

Distraire est une activité qui consiste à susciter l’amusement d’autrui de sorte à détourner son esprit de ce qui peut susciter un sentiment de tristesse et d’ennui. En un sens plus péjoratif, dérivé de la notion pascalienne de « divertissement «, nous pouvons dire que ce qui nous distrait est ce qui nous fait passer un moment agréable, flatteur pour nos sens, mais nous détourne de penser à de véritables questions qui touchent à notre condition ou, dirait Pascal, à notre salut.

 

Lorsque nous disons d’une chose qu’elle sert seulement à une autre, nous dirons qu’elle n’est le moyen que d’une seule et unique fin, et n’est bonne à rien d’autre.

 

Ainsi, en posant la question « l’art sert-il seulement à nous distraire ? « nous cherchons en vérité à savoir si l’unique fin que l’art nous permet d’atteindre est celle qui consiste à nous distraire, dans le sens premier (nous amuser) ou pascalien (nous détourner par paresse ou frivolité des seules questions qu’il nous est réellement utile de nous poser). Nous verrons que, effectivement, l’art sert à nous distraire en ces deux sens, mais que c’est sur l’adverbe « seulement « que peut porter notre critique. En effet, il semble bien que l’art n’est pas uniquement le moyen de cette fin, mais qu’il en a en vérité beaucoup d’autre, variable en fonction des époques et des esthétiques.

 

La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si l’unique fin dont l’art est le moyen est la distraction qu’il nous procure, ou s’il n’est pas possible de lui en reconnaitre d’autres, notamment de nature morale ou intellectuelle.

« Dans une telle page, le lecteur trouve un plaisir, une émotion comique à même de le distraire des soucis pressantsde sa propre vie.

b.

L'art et la distraction apportée à notre esprit Mais c'est en un autre sens que l'art sert à nous distraire, dans un sens dérivé de celui du concept pascalien dedivertissement.

Pour entendre celui-ci, faisons un détour par cette page célèbre des Pensées : « Quand je m'y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines oùils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies etsouvent mauvaises, etc., j'ai découvert que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de nesavoir pas demeurer en repos dans une chambre.

Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurerchez soi avec plaisir, n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d'une place.

On n'achètera une charge àl'armée si cher, que parce qu'on trouverait insupportable de ne bouger de la ville ; et on ne recherche lesconversations et les divertissements des jeux que parce qu'on ne peut demeurer chez soi avec plaisir.

Mais quandj'ai pensé de plus près, et qu'après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j'ai voulu en découvrir la raison, j'aitrouvé qu'il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, etsi misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.

Quelque condition qu'on se figure,si l'on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde, etcependant qu'on s'en imagine, accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher.

S'il est sansdivertissement, et qu'on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu'il est, cette félicité languissante ne lesoutiendra point, il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent, des révoltes qui peuvent arriver, et enfinde la mort et des maladies qui sont inévitables ; de sorte que, s'il est sans ce qu'on appelle divertissement, le voilàmalheureux et plus malheureux que le moindre de ses sujets, qui joue et se divertit ».

Blaise Pascal, Pensées , (éd. Brunschvicg n° 139) Certes, il est à noter qu'il n'est pas question de l'art dans ce passage.

Mais il peut compléter la série des activitésqui, au même titre que la guerre ou les voyages, distraient l'individu de la contemplation de sa propre misère et del'interrogation sur son destin post mortem.

Lorsqu'un contemporain de Pascal se rendait à la comédie ou lisait unroman tel que Le roman comique de Scarron qui décrit la vie errante et burlesque d'une troupe de comédiens, il se rendait coupable aux yeux de l'auteur des Pensées de la même erreur, du même péché de divertissement puisqu'il consacrait son temps compté sur terre à des frivolités, et non aux seules interrogations profondes, graves etmétaphysiques qu'il importe à un chrétien de se poser.

A ce titre, l'art sert à nous distraire également au sens où ilfait diversion, où il nous détourne des questions qu'il nous appartient de nous poser. II.

Mais l'art peut également se voir attribuer des fins morales « Castigat ridendo mores » a. Cependant, s'il est incontestable que l'art sert à nous distraire, il est impossible d'affirmer qu'il sert uniquement àcela, c'est-à-dire qu'il ne remplit aucune autre fonction.

Car non seulement l'art ne sert pas qu'à nous distraire, maisy compris au moment où il s'y attelle, il prétend également à d'autres fins, notamment d'ordre moral.

En effet, nouspouvons prendre l'exemple de la comédie à l'âge classique dont la signification profonde est sans doute « castigat ridendo mores », « on corrige les mœurs par le rire ».

Si les passions humaines sont représentées sur scène par les auteurs de comédie, c'est afin de susciter le rire et l'implicite rejet de ces passions mauvaises par les spectateursqui seraient susceptibles de les nourrir également.

Par exemple, nous pouvons lire le Tartuffe de Molière comme une représentation de l'hypocrisie dans le domaine de la religion qui a pour intention profonde de la faire désapprouverpar les spectateurs.

Les passions sont donc représentées par les auteurs de comédie avec l'intention d'en guérir lesspectateurs : cette éducation morale est donc l'une des fins recherchées par le public lorsqu'il se rend au théâtre.Alors même qu'il distrait, l'art prétend également à nous éduquer. b.

« Conter pour conter me semble peu d'affaire » (Lafontaine). »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles