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« L'art vit de contraintes et meurt de liberté » (Albert Camus, Le discours de Suède) ?

Publié le 27/02/2008

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Étrange cette citation de Camus qui, à première vue, semble être la parfaite contradiction du sens commun que l'on donne à l'art. N'est-il pas, lorsqu'il se concrétise par telle oeuvre, l'expression même d'une activité libre ? Ne sont-ce pas les différentes contraintes extérieures (la matière, la censure, les totalitarismes...) qui empêchent l'activité artistique d'exister ? Pour comprendre le sens de cette formule camusienne, il s'avère nécessaire de la resituée dans son contexte. Camus la prononce lorsqu'il reçoit, en 1957, le prix Nobel de littérature. En ces temps incertains, obscurcis par deux guerres mondiales, Camus prononce alors un discours qui rappelle sa conception de l'activité artistique : celle-ci, à l'image du monde et du désespoir ambiants qui règnent alors, doit être engagée. L'engagement, est-ce cela qui fait vivre l'artiste dans la contrainte et fait mourir son activité par la liberté ? Mais n'avons-nous pas ici, une conception extrême, voire réductrice de l'activité de l'artiste ?
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« l'art qui s'en trouve dévoyé ? L'art n'est-il pas, avant tout, la recherche du beau ? L'engagement artistique n'est-ilpas justement ce qui a permis à de nombreux penseurs de signifier la mort de l'art à notre époque contemporaine ?Hegel fut l'un de ceux qui voyait la fin de l'art dans l'évolution culturelle elle-même : « L'art est et demeure pour nous du point de vue de sa destination suprême quelque chose du passé » (cf. introduction à l' Esthétique ) « L'art est chose de l'âme », disait Rimbaud.

Cela signifierait-il, avec les guerres successives et les horreursauxquelles elles ont conduit, que l'âme est morte avec notre monde contemporain ? La question ici posée est biend'actualité mais il est très risqué de vouloir y répondre par l'affirmative ou la négative.

Certes, l'art a subi leschangements culturels de l'histoire de l'humanité.

Aujourd'hui il se vend, s'achète, s'expose partout, se dissout danstous les supports (publicitaires, médiatiques, économiques…) et trouve alors une expression manifestementbanalisée de son activité.

Mais est-il mort pour autant ? Reprenant la thèse camusienne, l'homme moderne est-ildonc enfin libre et donc l'art finalement mort ? Tout porte à penser le contraire puisque l'activité artistique n'a sansdoute jamais été aussi forte qu'à nos jours.

Il faut cependant bien reconnaître que son activité souffre par les différentes emprises sur elle.

L'individualismecontemporain, les sphères médiatiques, politiques, économiques, publicitaires déforment certainement son essencepassée et le passage du terme « beau » à celui, moderne, d' « esthétique » (cf.

les différents travaux de MikelDufrenne sur le passage de l'art du beau à celui de l'esthétique) est évocateur de cette déformation.Paradoxalement, cette facilitation et banalisation de l'expression artistique dans notre quotidien, en dévoyant soncaractère rare, unique, exceptionnel, nous donne pour autant le caractère essentiel du besoin humain de créer etd'observer ses créations.

Nous pourrions donc, à l'inverse de Camus et en accord avec notre monde contemporain,prôner un art libre de tout engagement et de toute sacralisation, à la portée de chacun de nous, immortel etomniprésent.

Conclusion L'art engagé, post-moderne, fut certes celui de la réhabilitation de la liberté humaine et de la dénonciation du mensonge tyrannique.

Il fut le principe d'un tournant majeur de l'activité artistique, passant de la recherchedu beau à celle du vrai et de la liberté.

Ces objectifs étaient en même temps les contraintes de tout artistese réclamant de cette mouvance et la mort de l'art devait être celle de l'accomplissement même de sesobjectifs. Mais de nos jours, rien ne porte à croire que l'art parvienne un jour à ses fins et l'on doit même reconnaître que l'essence même de l'activité artistique ne soit pas expressément telle.

L'art contemporain questionne,inquiète, ne se caractérise pas tant il est emprunt de variété.

Ne pas pouvoir le déterminer, n'est-ce pas làla force dont il a besoin pour, infiniment, se renouveler et surprendre ? Vouloir lui donner un sens, unengagement, de quelque nature que ce soit, n'est-ce pas là, viscéralement, lui ôter toute liberté, tout désiret toute créativité ?. »

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