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L'artiste doit-il être engagé ?

Publié le 05/04/2005

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* d'un objet dont la forme finale peut paraître gratuite, ce qui nous prédispose au désintéressement. Ainsi une machine à café dont toutes les parties sans exception sont subordonnées à sa fonction de faire le café ne peut être jugée belle et notre rapport à elle ne sera qu'utilitaire. Par contre la nature est telle que nous pouvons soit la contempler soit l'utiliser.* d'un objet qui a une forme finale. Pourquoi la juxtaposition d'éléments ne se prête-t-elle pas au plaisir esthétique? Parce qu'il est impossible de lui assigner un sens. Kant ne veut absolument pas dire que la belle nature ou oeuvre d'art ont un sens. Elles n'ont pas un sens mais elles sont belles dans la mesure où il est possible de leur donner du sens c'est à dire un sens qui ne s'épuisera jamais, qui suscitera toujours de nouvelles interprétations (cf. votre pratique de l'analyse littéraire: le texte n'est pas l'objet d'une connaissance mais d'une interprétation qui peut indéfiniment s'enrichir). Un plaisir esthétique a sa source « dans le libre jeu de l'imagination et de l'entendement ».

« II.

L'art est, par nature, le vecteur de diffusion des idées politiques le plus efficace, c'est pourquoi l'art doitêtre politisé pour être puissant, efficace. On peut penser par exemple à l'interprétation politique que fait Georges Bataille des dessins pariétaux des grottes deLascaux : "Du fond de cette caverne qui fascine, les artistes anonymes, effacés, de Lascaux nous invitent à noussouvenir d'un temps où les êtres humains ne se voulurent de supériorité que sur la mort." L'artiste est toujours un résistant, un engagé L'engagement de l'artiste...L'actualité nous a récemment appris qu'on pouvait être écrivain, vivre à la fin du XXe siècle, dans l'une des plusanciennes démocraties d'Europe, et mettre, par la seule publication d'un roman, sa vie en péril : S.

Rushdie se cacheencore des tueurs venus d'Iran comme naguère Voltaire s'efforçait de rejoindre la Suisse pour échapper à l'Église età la justice du Roi.

On ne pardonne pas toujours aux artistes leur liberté d'expression et leur engagement dans lesgrands débats de leurs temps parce que la liberté de cet engagement s'exprime par une oeuvre, plus forte que lesdiscours militants, invincible puisque dépositaire de cet éclat d'éternité que Malraux appelle un anti-destin.

Maisdira-t-on seulement d'une oeuvre qu'elle est engagée quand elle « prend parti » ? L'arbitre n'est-il pas voué àl'engagement par l'oeuvre elle-même? Ne devrait-on pas dire toujours d'une grande oeuvre qu'elle est engagée? ...

est impliqué par le processus de création artistique... Sartre rappelle, dans Qu'est-ce que la littérature ?, que « l'écrivain engagésait que la parole est action ».

Si la littérature engagée, c'est la littératureperçue comme une action, alors toute littérature est, par définition, engagée.« La fonction de l'écrivain — ajoute Sartre — est de faire en sorte que nul nepuisse ignorer le monde et que nul ne s'en puisse dire innocent.

»Ainsi, lorsqu'il décrit les conditions de vie des mineurs, Zola s'engage autantque par la défense du capitaine Dreyfus.

De la même façon, Le Rouge et leNoir est une oeuvre profondément engagée, car le miroir que promèneStendhal sur les traces de Julien Sorel réfléchit l'image d'une société ossifiée,repliée sur elle-même.

Dans ce monde qui ressemble à un tombeau (laprovince, le séminaire), ceux qui ont l'énergie de vouloir respirer l'air de leurspassions, ceux-là doivent combattre.

L'oeuvre d'art dévoile, elle ne reproduitpas ce qui est (comme le pensaient les Grecs), elle donne à voir et à sentirce qui était avant elle inaperçu.

Dans le domaine pictural, l'exemple deGuernica, présentée à Paris au Pavillon républicain de l'Expositioninternationale, est significatif.

Le tableau montre à une opinion (peu désireused'ouvrir les yeux en 1937) l'horreur de la guerre d'Espagne.

Ces corps éclatés,ces membres que semble disproportionner la douleur, cette mêlée enfin d'oùl'on ne distingue plus les hommes des bêtes, rendent sensible la détresse d'unpeuple.

Au-delà du bombardement du petit village espagnol, c'est l'atrocité detout un siècle qui est représentée, un siècle « noir et gris ». ...

qui dévoile le monde.Bien sûr, une oeuvre est engagée lorsqu'elle exprime un parti pris et s'intègre dans une lettre ouvertement menéepar son auteur.

Mais cette perception de l'art engagé est beaucoup trop restrictive.

Elle feint d'ignorer que touteoeuvre est un acte de dévoilement du réel et que l'artiste ne ressemble pas à Zeuxis, ce peintre grec quireprésentait de façon si réaliste les grains de raisin sur ses fresques que les pigeons venaient s'y briser le bec.

Il n'ya pas d'oeuvre qui ne trouve sa satisfaction dans un engagement par rapport au contexte qui l'a vu naître.

C'estque, en retournant la perspective, « la littérature (l'art) d'une époque, c'est l'époque digérée par sa littérature (sonart) », comme le confia Sartre à Madeleine Chapsal.

L'engagement apparaît comme ce mécanisme de digestion,d'appropriation du réel, « biologiquement » indispensable à une oeuvre d'art !C'est la raison pour laquelle les artistesont toujours été les premières victimes de la répression.

Créant librement de nouvelles réalités, ils vontnécessairement à contre-courant de ce qui prive l'homme de liberté.. »

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