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LE CONCEPT DE BONHEUR AU XVIIIe siècle

Publié le 28/06/2011

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La quête du bonheur, on la mettait en romans : en 1759, Samuel Johnson, le raisonnable et le sage, confiait l'aventure à son héros Rasselas, fils de l'empereur d'Abyssinie. Rasselas, conformément à la loi du pays et en attendant que l'ordre de succession l'appelât au pouvoir, était enfermé dans une vallée sans communications avec le monde. Rien ne lui manquait de ce qui aurait dû le satisfaire, et cependant son état lui paraissait insupportable. Bientôt il formait le projet de quitter sa prison trop parfaite; il s'échappait, il visitait les campagnes et les villes, il se rendait au Caire où l'Occident et l'Orient s'affrontent, et où l'on trouve l'exemple de toutes les conditions; il entrait même dans les Pyramides, qui cachent peut-être le secret de la sagesse antique; et il répétait, d'une voix de moins en moins ferme à mesure que ses expériences le décevaient : Surely happiness is somewhere to be found, il y a sûrement un endroit où se trouve le bonheur... — En 1766, Wieland suscitait son Agathon : et celui-ci parcourait les diverses régions de la Grèce antique, interrogeant les profanes et les sages, les courtisanes et les ascètes : le bonheur, dites-moi si vous l'avez trouvé ? Où est le bonheur ?

« qu'adoraient les Sères ; ce Birmah, père de Brama, qu'adoraient les peuples du Gange; ce Grand Etre nomméOromase chez les anciens Perses, le Démiourgos que Platon célébra chez les Grecs, le Jupiter très bon et très granddes Romains, lorsque dans le Sénat ceux-ci dictaient des lois aux trois quarts de la terre alors connue, sont desfigurations diverses d'un même Dieu, de l'Etre Suprême.

Que si même il y avait des habitants dans les étoiles de laVoie lactée, ceux-là aussi seraient déistes.

« Je méditais cette nuit; j'étais absorbé dans la contemplation de lanature; j'admirais l'immensité, le cours, les rapports de ces globes infinis que le vulgaire ne sait pas admirer;j'admirais encore plus l'intelligence qui préside à ces vastes ressorts.

Je me disais : il faut être aveugle pour n'êtrepas ébloui de ce spectacle; il faut être stupide pour n'en pas reconnaître l'auteur; il faut être fou pour ne pasl'adorer.

Quel tribut d'adoration dois-je lui rendre ? Ce tribut ne doit-il pas être le même dans toute l'étendue? Unêtre pensant qui habite dans une étoile de la Voie lactée ne lui doit-il pas le même hommage dans toute l'étendue ?La lumière est uniforme pour l'astre de Sirius et pour nous...

» Plus personne ne sera exclu; plus personne ne seracondamné : toute créature humaine participe à cette religion universelle.

Les Américains y ont participé, tout perdusqu'ils fussent dans leur continent non repéré; les payens y ont participé, tous les payens de bonne volonté qui ontvécu avant la révélation chrétienne.

Quelles furent, à côté du déisme, les forces de l'athéisme ?Comptons d'abord, parmi ses partisans, certains héritiers de la tradition libertine.

Par exemple, « un petit abbé bossunommé Méhégan, qui, lorsque le célèbre Boindin fut obligé d'abandonner le café Procope, où il professait assezouvertement l'athéisme, voulut lui succéder dans ce bel emploi; et, non content de dogmatiser de vive voix, écrivitun livre assez mal fait, intitulé Zoroastre, où il écrasait toute révélation pour établir le naturalisme.

Ce petit ouvragel'a fait enfermer à la Bastille, pendant plus d'un an.

» Ou ce Piémontais, irrité contre tous et contre lui-même, quidut quitter son pays et qui vint en Angleterre, où il lia partie avec Thomas Morgan, passa d'Angleterre en Hollandeet mourut sans laisser de quoi payer son enterrement : selon Alberto Radicati di Passerano, de catholique devenucalviniste, de calviniste devenu déiste, et de déiste athée, il n'y a ni justice en ce monde, ni vie éternelle; l'idée decommencement est une absurdité, comme l'idée de fin; la mort n'est que la dissolution d'éléments dont la nature sesert pour fabriquer de nouveaux êtres ; il ne faut pas la craindre; et si on est malheureux, qu'on se tue, toutsimplement.Ces exaltés se détachent sur un ensemble qui devient moins hostile à leurs négations.

Au lieu de considérer l'athéecomme un criminel, on seplut à lui accorder quelques circonstances atténuantes; il n'était peut-être qu'un homme qui se trompait; à vrai direil y avait deux sortes d'athées, les athées vicieux et immoraux, qui sont contre la religion parce que la religiontémoigne contre leur vie : ceux-là méritent réprobation.

Mais n'existait- il pas aussi des athées vertueux, quiaimaient ce qui est bon, raisonnable et beau ? Ils chérissaient l'humanité, se montraient sociables, n'étaient tombésdans le préjugé que par l'effet de leur honnêteté native; ils avaient sucé la superstition avec le lait de leur nourrice: alors ils avaient confondu superstition et religion.

Malentendu pardonnable; après tout, il était plus facile decorriger un athée qu'un enthousiaste ou qu'un fanatique.Beaucoup de ceux qui ont repris le paradoxe de Bayle ont eu soin d'ajouter, à la défense de l'athée, qu'il avait tortsans doute, mais qu'enfin on ne devait pas lui assigner le dernier degré dans l'échelle des hommes.

D'ailleursn'abusait-on pas du nom ? Ne s'en servait-on pas pour jeter le discrédit sur des philosophes très estimables, quin'avaient eu d'autre tort que celui de vouloir dissiper les préjugés de la foule ? Ne l'avait-on pas appliqué à despenseurs admirables, comme Socrate ? On avait brûlé Vanini pour cause d'athéisme, et Vanini n'était pas un athée.Étant admis qu'une longue méditation, une étude profonde, de bonnes mœurs, un renoncement parfait aux préjugés,peuvent conduire un grand génie à l'athéisme; ou si l'on veut, que l'athéisme est le vice de quelques gens d'esprit,étant donné que, pour la première fois, un athée, M.

de Wolmar, prit figure de héros sympathique dans le pluscélèbre des romans du siècle, La Nouvelle Héloïse : cette ombre d'indulgence succédant à une sévérité totaleindique une première modification de l'état d'esprit antérieur; voici la seconde. Un glissement vers un matérialisme philosophique.L'esprit différait spécifiquement de la matière, rien n'était mieux établi.

Or, cette différence s'abolit par l'effet d'unhomme qui voulait rester un chrétien, Locke, et d'un autre homme qui restait fermement un déiste, Voltaire.

Il n'estpas sans exemple que des idées dévient, soient prises à contre-sens, et dans ce contre-sens même, trouvent leursuccès.

Celle-ci échappa à son inventeur, et le trahit; faite pour mieux marquer la toute-puissance de Dieu, elleservit à confondre esprit et matière ; et à prouver, pour toute une catégorie de philosophes, l'inutilité de ce qu'ilsappelaient l'hypothèse âme.Locke, en effet, avait gardé une conscience puritaine; il tenait l'Évangile pour la règle de sa foi et s'affligeait quandon le classait parmi les impies.

Mais occupé à marquer les limites étroites de notre connaissance, il montrait àsatiété l'impossibilité où nous sommes de trouver les certitudes auxquelles nous aspirons :Par exemple, nous avons les idées d'un carré, d'un cercle, et de ce qui comporte égalité ; cependant nous ne seronspeut-être jamais capables de trouver un cercle égal à un carré et de savoir certainement s'il y en a.

Nous avons desidées de la matière et de la pensée ; mais peut-être ne serons-nous jamais capables de connaître si un êtrepurement matériel pense ou non, par la raison qu'il nous est impossible de découvrir, par la contemplation de nospropres idées, sans révélation, si Dieu n'a point donné à quelques amas de matière disposés comme il le trouve àpropos la puissance d'apercevoir et de penser ; ou s'il a joint et uni à la matière ainsi disposée une substanceimmatérielle qui pense...Voltaire tomba en arrêt devant ce passage, lorsqu'il consacra à l'incomparable Locke la treizième de ses Lettres. »

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