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Le cœur et la raison de B. PASCAL

Publié le 06/01/2020

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Le cœur et la raison

B. PASCAL (1623-1662)

 

Même lorsqu'elle n'est pas abusée par l'imagination, la raison ne dispose pas de tout. Elle ne suffit pas à déterminer le vrai par ses seules forces. On aime à citer le mot de Pascal : « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » (Pensées, Lafuma, 423). De quoi s'agit-il au juste ?

 

Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur. C’est de cette dernière sorte que nous connaissons les principes et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part essaie de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point. Quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l’incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car les connaissances des premiers principes : espace, temps, mouvement, nombres, sont aussi fermes qu’aucune de celles que nos raisonnements nous donnent et c’est sur ces connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie et qu’elle y fonde tout son discours. Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace et que les nombres sont infinis et la raison démontre ensuite qu’il n’y a point deux nombres carrés dont l’un soit le double de l’autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent et le tout avec certitude mais par différentes voies -et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes pour vouloir y consentir, qu’il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle démontre pour vouloir les recevoir.

 

B. PascaI, Pensées, 110, © Éd. Lafuma, Éd. du Seuil, 1963, p. 512.

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« ' 1 ~ ft 1 dans nos démonstrations en donnant la preuve de la preuve de la preuve ...

3) nous sommes donc contraints d'admettre des postulats invérifiables ; 4) tout raisonne­ ment est un cercle vicieux, dans lequel on démontre des propositions par d'autres, et ces autres par les précé­ dentes 5) enfin, notre jugement dépend moins de ce que sont les choses que du rapport qu'elles ont avec nous.

Pascal ne rejette pas en bloc l'argumentation sceptique.

Il reconnaît la nécessité où nous sommes d'accepter des postulats invérifiables comme la condition ou le régime normal de nos connaissances.

Contre le relativisme poli­ tique ou culturel(« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au­ delà »).

Pascal se plaît à souligner, dans une lettre à Fermat (29 juillet 1654) sur la solution d'un problème de combina­ toire : « Je vois bien que la vérité est la même à Toulouse et à Paris ».

« Désormais, écrit-il encore, ces faits demeurés rebelles à l'expérience [il s'agit de répartir les gains et les pertes dans les jeux de hasard] ne peuvent plus échapper à l'empire de la raison » (id., Œuvres complètes, Seuil 1963, p.

43).

Mais cet empire ne s'est pas fondé tout seul.

Et l'habileté de Pascal consiste à montrer qu'il s'étend d'autant mieux qu'il n'est pas, dans ses commencements, établi sur la seule raison.

La connaissance des principes, la perception des évidences premières relève d'une faculté qui, sans être à proprement parler irrationnelle, précède l'usage de la raison.

Pascal l'appelle le cœur, l'instinct, le sentiment.

C'est un mode de connaissance immédiat, intuitif, direct, tandis que le raisonnement procède de manière discursive, et opère sur des rapports au moyen des règles formelles d'un langage symbolique.

On pourrait objecter à Pascal la relativité historique de ces « premiers principes ».

La géométrie euclidienne appa­ raît-elle toujours comme un point de départ indépassable, ou seulement comme une construction rationnelle com­ mode pour représenter, à notre échelle de temps et de vitesse, l'expérience commune de l'espace? Les axiomes de la raison n'ont-ils pas perdu leur valeur d'absolu de la pensée, pour n'être plus que de simples postulats, des conditions que la raison se donne et dans lesquelles elle opère? Quoi qu'il en soit, les structures rationnelles ne doi­ vent pas oublier leur vocation d'instrument.

Jean Cavaillès. »

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