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Le désir est-il par essence violent ?

Publié le 11/02/2004

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Le désir est traditionnellement défini comme élan, mouvement vers un objet que l’on imagine source de satisfactions et de plaisir. Ainsi, je peux désirer avoir un nouvel ordinateur, cela signifie que je pense que cet objet m’apportera quelque chose  de plus avantageux par rapport à la situation actuelle. Le désir est donc aussi la sensation d’un manque que l’individu essaie de combler en recherchant l’objet désiré. Le désir semble être caractéristique de l’être humain. Il s’agit ici de savoir si le désir est par essence violent. L’expression « par essence « pose la question de la nature même du désir, sans tenir compte des différentes expressions de celui-ci. Pour pouvoir répondre, il faut au préalable comprendre ce que signifie « violent «. La double racine du mot peut nous aider à caractériser la violence. Il provient du latin violentia, « abus de force «, mais il renvoie également à violare qui signifie « agir  contre «, « enfreindre le respect dû à une personne «.  La notion grec de démesure rassemblait ces différentes sens. Pour les Anciens, la violence est hybris, c’est-à-dire abus, excès de puissance. La violence ne serait pas alors dans l’acte ou l’objet mais dans la trop forte quantité de forces ou d’énergies. Il semble alors que cet excès soit la marque même du désir, tel que le décrit Calliclès dans le dialogue le Gorgias de Platon. Le désir est déchaînement de pulsions et de forces, il m’entraîne là où je ne pensais pas aller. De même, Alain définit la violence comme « un genre de force, mais passionnée «, ce qui signifie qui n’est pas limité par la raison. Ce qui semble caractérise le désir qui passe outre la raison et la réflexion. Pourtant, le désir est aussi une action contre l’agent. On peut penser que le désir agit contre moi. Cependant, le désir est mien, comment pourrait-il agir contre moi ? Pourtant, le désir ne peut-il pas être violent envers autrui ? Mon désir me pousse-t-il pas à chercher la satisfaction aux dépends d’autrui ? La violence est aussi la transgression des « limites « du respect d’autrui, des lois ou des institutions. Or, le désir ne me pousse-t-il pas à faire des choses interdites. De plus, Hegel montre que le désir est en réalité désir que l’autre me reconnaisse. Le désir serait alors synonyme d’asservissement d’autrui. Cependant, le désir est-il forcément excès ? Ne peut-on pas penser que c’est l’homme par sa conduite qui le rend plus fort ? Ne peut-on pas adopter une attitude face au désir qui lui ôte cette violence ?

« douloureuses envers moi-même.

Ainsi, par exemple, le désir de boire ou de fumer est néfaste pour moi et pourtant,je ne puis m'en empêcher.

De plus, le désir lui même est souffrance.

Schopenhauer a en effet montré que lepréalable de tout désir était le manque, l'absence de l'objet désiré.

Or, le manque est toujours souffrance sinon onne remarquerait par l'absence.

Le philosophe allemand écrit : "Tout désir naît d'un manque, d'un état qui ne noussatisfait pas ; donc il est souffrance, tant qu'il n'est pas satisfait.

Or, nulle satisfaction n'est de durée ; elle n'estque le point de départ d'un désir nouveau.

"Schopenhauer, Le monde comme représentation et comme volonté. Le désir est violence envers l'autre - Pourtant, si le désir est violent pour moi-même, emportement, souffrance, on ne peut pas dire qu'il me contraigneréellement parce qu'il fait partie de moi.

Mais, le plus important dans le désir est la relation et le comportement qu'ilme fait prendre vis-à-vis d'autrui.

Le désir est indifférent aux lois et à la morale.

Quand Platon évoque la justice et la morale, Calliclès affirme que ces idées ont été inventées par les faibles qui sont incapables de suivre leurs désirscomme les forts.

Pour Calliclès, il faut tourner le dos à ces notions illusoires, seule la force des désirs et des fortsest réelle.

De même, nous l'avons dit, le principe de plaisir ne s'encombre pas des principes moraux.

La violence secaractérise par cette indifférence vis-à-vis des lois et de la justice. Or, celles-ci ont pour but de protéger les autres de mon égoïsme.

En suivant mon désir, je ne pense qu'à ma satisfaction et je ne m'encombre pas de l'existence etde la liberté d'autrui.

Georges Gusdorf montre dans La vertu de force que la violence envers autrui est due à l'impatience de mon désir .

Si un obstacle s'interpose entre moi et l'objet désiré, alors j'ai envie de le détruire.

De fait, si c'est autrui cet obstacle, la violence est là pour permettre à monde désir de trouver satisfaction. C'est pour cela que, pour beaucoup de philosophes, l'homme est toujours porté à agresser l'autre.

C'est pour cette raison queRousseau écrit que l' "on fait souvent ce qui déplaît à l'autre." En recherchant la satisfaction de notre désir, nous mettons en place des moyens qui peuvent blesser autrui ou aller à son encontre.

De plus, il faut bien voir que sideux personnes désirent la même chose, ils seront en concurrence et qu'ils vont employer d'une manière ou d'uneautre, des forces pour empêcher l'autre de l'avoir à leur place.- de plus, il faut considérer l'aspect mimétique du désir.

Il ne faut pas croire que mon désir naît à partir du néant.L'homme est un être qui est mû par un besoin d'imitation.

Cela lui est naturel comme le remarque Aristote.

RenéGirard a mis en exergue le fait que le désir portait généralement sur la chose désirée par autrui.

C'est ainsi, en autre,que naissent les modes.

Mais, pourquoi ce désir mimétique serait-il violent ? C'est que cette imitation va faire desindividus des rivaux.

C'est parce que l'autre possède quelque chose que ça me donne envie de l'obtenir : il suffitd'observer deux enfants devant plusieurs objets pour s'en convaincre : ils vont très vite se disputer le même.

Cetteimitation devient immédiatement conflictuelle : le modèle devient rival et le rival à son tour modèle.

Il y a alors uneescalade du désir et de la violence.

L'enfant fonctionne encore sous la loi du plus fort.

Il n'hésitera pas à s'emparerde l'objet de son désir par la force ou par la contrainte.

Le désir sans la raison est alors violence.

René Girard écritainsi “En imitant le désir de mon modèle, je l'encourage à imiter le mien et vice-versa.

L'imitateur devient le modèle de son propre modèle et l'imitateur de son propre imitateur.

[…] Ce que nous ignorons ou feignons d'ignorer, c'estque le conflit, c'est l'identité et non la différence.

Ce n'est pas vrai que les hommes se battent à propos d'idées, ilsse battent toujours à propos de désirs...

parce qu'ils ont le même désir.

» - Hegel ira encore plus loin dans son analyse du désir.

Pour l'auteur, tout homme a un désir, celui d'autrui.

Désirer autrui, c'est désirer qu'il reconnaisse mon désir, qu'il me reconnaisse comme être libre.

Pour ce faire, touteconscience cherche l'asservissement d'autrui pour assurer sa supériorité.

Chaque conscience veut être désiréedonc reconnue par l'autre.

« C'est un autre que la conscience de soi qui est l'essence du désir »( Phénoménologie de l'esprit ).

Mais il ne faut pas croire que ce combat soit innocent.

Hegel affirme en effet que chaque conscience, dans son désir, vise la mort symbolique de l'autre, c'est-à-dire qu'elle veut le réduire en esclavage et en devenir sonmaître.

Hegel écrit ainsi que « chacun tend donc à la mort de l'autre.

Mais en cela est aussi présente la secondeopération, l'opération sur soi et par soi : car la première opération implique le risque de sa propre vie.

» Le désir estalors à la base de toute relation humaine et cette dernière se construit sur une confrontation violente.

La violence dépend du contexte et le désir peut être créateur plutôt que destructeur - Pourtant, on ne peut véritablement affirmer qu'une puissance ou un acte soit par eux-mêmes violents,indépendamment de tout contexte.

Le même phénomène naturel peut être dévastateur ou bénéfique.

La violenceserait alors une interprétation.

Même en prétendant que la violence réside dans l'excès, il faudrait d'abord pouvoirdéterminer une norme.

Or, comme l'a montré Nietzsche et Canguilhem, on ne peut définir le normal en ce quiconcerne la vie.

C'est notamment pour cela qu'Aristote expliquait dans Ethique à Nicomaque que les désirs étaient aveugles et indéfinis par nature.

Ils ne contiennent pas leurs règles en eux-mêmes.

Pour Aristote donc, ce qui est violent, ce ne peut-être le désir lui-même.

Ce qui crée cette violence, c'estl'absence de principe qui les régule et les coordonne.

Pour le philosophe, cette force est nommée, prudence.

Il s'agitdonc de développer cette faculté et cela permettra aux désirs de se manifester sans contraindre l'individu, ni autrui.. »

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