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Le journaliste doit-il toujours dire la vérité ?

Publié le 03/03/2004

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Faut-il toujours dire la vérité ? La question est posée depuis longtemps, sans qu'aucune réponse tranchée - positive ou négative - ait jamais pu être donnée ; on obtient en général des réponses « normandes » : ça dépend, dira le médecin confronté à la révélation d'une maladie incurable à son patient, - cela dépend en effet des circonstances, de la psychologie du malade, de son entourage familial, amical. Depuis longtemps aussi, la question se pose au journaliste : celui-ci peut-il se permettre de tout dire ? Pour Jean Lacouture, auteur d'un article publié en 1990 dans le Courrier de l'UNESCO, la réponse est claire : non. Il peut dire, certes, « rien que la vérité » - c'est le « minimum » pour un professionnel de l'information, en principe « vraie » - mais « toute » la vérité, comment cela serait-il possible, et, qui plus est, souhaitable ? D'autres journalistes, plus résolument « modernes », sont persuadés du contraire : qui a raison ? Nous verrons les arguments en faveur de cette thèse, puis tenterons d'analyser les circonstances où s'impose l'autocensure. Encore faudra-t-il distinguer les cas où elle est le résultat de « tractations douteuses », et ceux, plus nobles, où elle émane seulement de la conscience du journaliste.

« Faut-il toujours dire la vérité ? La question est posée depuis longtemps, sans qu'aucune réponse tranchée - positiveou négative - ait jamais pu être donnée ; on obtient en général des réponses « normandes » : ça dépend, dira lemédecin confronté à la révélation d'une maladie incurable à son patient, - cela dépend en effet des circonstances,de la psychologie du malade, de son entourage familial, amical.

Depuis longtemps aussi, la question se pose aujournaliste : celui-ci peut-il se permettre de tout dire ? Pour Jean Lacouture, auteur d'un article publié en 1990 dansle Courrier de l'UNESCO, la réponse est claire : non.

Il peut dire, certes, « rien que la vérité » - c'est le « minimum »pour un professionnel de l'information, en principe « vraie » - mais « toute » la vérité, comment cela serait-ilpossible, et, qui plus est, souhaitable ? D'autres journalistes, plus résolument « modernes », sont persuadés ducontraire : qui a raison ? Nous verrons les arguments en faveur de cette thèse, puis tenterons d'analyser lescirconstances où s'impose l'autocensure.

Encore faudra-t-il distinguer les cas où elle est le résultat de « tractationsdouteuses », et ceux, plus nobles, où elle émane seulement de la conscience du journaliste.Notre époque, chacun le sait, vit sous le règne (certains parlent de la dictature) des « médias » .

Le journalistedevient une sorte de héros des temps modernes : homme d'action, sans peur et sans reproche (interprété aucinéma par Robert Redford), il est une sorte de chevalier d'aujourd'hui, un Lancelot, un Perceval plutôt en quête duGraal : la Vérité, pure et dure, que seul ce dur et pur héros peut prétendre atteindre.

Mais si le Chevalier d'autrefoisse battait pour son Roi (et accessoirement pour sa Dame), notre moderne grand homme est au service d'un princeplus exigeant peut-être, et multiforme, - l'opinion publique à laquelle on a fait croire, à tort ou à raison, qu'elledevait être informée - condition première, dit-on, de toute authentique démocratie -, que devenue adulte enfin, elleavait l'âge désormais de tout savoir, y compris les vérités laides, blessantes, dérangeantes.

Noble projet certes.Mais qu'en est-il exactement ?Que la démocratie exige une presse libre, qui le nierait ? Là où la presse - ses journalistes, sa libre expression - estbafouée, ne règne sûrement pas une douce atmosphère de bien-être ; la police y est souvent mieux organisée quele service de ravitaillement de la population.

Que la démocratie exige que le citoyen sache tout sur ceux pour qui ilest périodiquement invité à voter, qui le contesterait ? Mieux encore, pourquoi ne connaîtrait-il pas non plus lavérité MU tous ceux qui exercent sur lui un pouvoir (et pour lesquels directement du moins, il n'est jamais amené àse prononcer par voie électorale) : gens d'affaires, banquiers, chefs d'entreprise, vedettes du cinéma, les médias,sportifs ; et, pourquoi pas journalistes ? Aussi, comme le fait remarquer Jean Lacouture, voit-on fleurir une nouvelle espèce de journalistes, dits «d'investigation ».

Certains d'entre eux, par désir d'informer avec le plus d'objectivité et surtout le plus complètement- possible, leurs lecteurs (auditeurs, téléspectateurs) vont parfois risquer leur vie, sont parfois torturés,emprisonnés quelque part au Liban ou en Afghanistan.

Fidèles à leur fonction première, celle de témoins, ilsn'hésitent pas à courir des dangers, pour justement voir, entendre une réalité qui, si souvent, se dérobe.D'autres, adoptant des techniques plus « policières » (mais ce n'est pas nécessairement péjoratif), préfèrentl'enquête laborieuse, d'abord obscure : ces termites font parfois écrouler des murailles qu'on croyait invulnérables.Mais les « héros » du Washington Post eurent d'illustres prédécesseurs (qui, avouons-le, « risquaient » plus gros) -Voltaire et l'affaire Calas, par exemple, ou Zola et Dreyfus...

Le Watergate est l'Austerlitz des journalistes, le jour degloire où David-la-Presse terrasse le Pouvoir - Goliath - Richard Nixon contraint et forcé de démissionner etd'abandonner, pitoyablement, la présidence.

D'autres, forts de cet illustre précédent, iront dans le même sens.Depuis longtemps, certains journaux français indépendants, dont un certain « journal satirique paraissant le mercredi», n'hésitent pas non plus à s'en prendre aux Grands, prétendus, de ce monde, publiant telle feuille d'impôt d'unministre qu'on ne croyait pas si pauvre ou telle affaire de diamants, avant d'évoquer, objectivité oblige, d'autresscandales - bateau pacifiste « explosé » (un mort) ou pots-de-vin, fausses factures, etc.

Tout cela, - si ce « cela» englobe la pure et stricte vérité - est parfaitement sain, moral et démocratique.

A condition aussi, bien sûr, que lelecteur n'en tire pas la conclusion que décidément tout est pourri en démocratie, oubliant un peu vite qu'ailleurs(dans les dictatures), s'il n'y a pas « d'affaires », ce n'est pas le pur angélisme des dirigeants qui en est cause, maisle bâillon qui empêche de parler ceux qui voudraient dénoncer des injustices ou monstruosités du même type, oupires encore.

Outre ce risque (non négligeable) - et celui de voir succéder à Nixon Gerald Ford, ce qui n'est pasnécessairement un progrès...

- il y en a un autre : car les journalistes d'aujourd'hui ne servent pas seulement, nobledessein, la « cause du peuple » ils servent aussi la leur, et courtisent d'autres Dames devenues envahissantes -l'Audience, le Succès, la Gloire - les Puissances d'Argent pour tout dire. Ainsi, le Journaliste, au service de la Vérité, la met parfois à son propre service, au service, par exemple, de sacarrière : pour cela, il arrive qu'il lui vole la vedette ; tel journaliste de la télévision devient plus célèbre que lespersonnalités dont il est chargé d'accoucher les vérités...

Dans ces conditions, bien sûr, tout dire -ou tout faire dire- peut devenir abusif, si, au désir légitime d'éclairer l'opinion publique, se substitue le moins légitime orgueil deréussir un scoop ou de se faire un nom, fût-ce aux dépens d'un autre.

Mais il n'existe pas de règles déontologiquesstrictes, nous rappelle Jean Lacouture, là est le problème : chacun suit sa conscience.

Mais s'il n'en a pas ?Faut-il, par exemple, « tout dire » avant d'avoir vérifié que ce « tout » était vrai ? Faut-il, pour être le premier àlivrer des images cruelles en pâture, accepter sans hésiter les bobards du charnier de Timisoara, par exemple - toutdire, est-ce reproduire une vérité officielle (dont on n'a pas eu le temps de voir qu'elle s'était juste substituée à laprécédente...) ; le plus grave est que la machination éventée - le vrai chiffre des morts dues à la répression fasse sipâle figure alors qu'il est - même réduit » - inadmissible...Faut-il, sous le prétexte qu'outre « tout dire » il faut « tout montrer », passer au journal de vingt heures à latélévision (ou dans certains journaux, des photos chocs) des images épouvantables de petite fille agonisant dans laboue, ou de blessés déchiquetés après une catastrophe naturelle ou « humaine » (attentat, accidents, etc.).

Cesimages, soit, sont « vraies » : admettons-le (certaines en outre sont peut-être fabriquées, comme ces « femmes du. »

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